Oppressor - Solstice Of Oppression
Chronique
Oppressor Solstice Of Oppression
"A Blast From The Past" : expression anglophone utilisée pour signifier le retour inattendu de quelque chose ou de quelqu’un que l’on avait fini par oublier avec le temps.
Pourquoi est-ce que sans crier gare je vous sors ma science de la sorte ? Eh bien parce qu’aujourd’hui on va aborder le cas d’un groupe de deuxième division (et encore, je suis probablement un petit peu trop gentil) qui bouffe les pissenlits par la racine depuis près de vingt-cinq ans. Un groupe qui à l’époque de son premier album n’intéressait déjà pas grande monde et qui de nos jours n’est évidemment jamais cité ou qu’en de très rares occasions. Un groupe dénommé Oppressor.
Originaire de Chicago dans l’Illinois, la formation voit le jour en 1991 à l’initiative d’Adam Zadel (chant, basse) et Tim King (guitare). Les deux garçons seront rapidement rejoint par Jim Stopper (guitare) et Tom Schofield (batterie). Ainsi au complet, Oppressor enclenche rapidement la première, se mettant effectivement au travail sans plus attendre. Il va s’en suivre alors une progression des plus classiques avec entre 1991 et 1993 la sortie de deux démos suivi en 1994 par une signature sur Red Light Records (Cianide, Gutted, Mentors, Zoetrope...) et la parution de ce premier album intitulé Solstice Of Oppression.
Malgré le manque d’intérêt évident dont a souffert la formation arrivée trop tard pour espérer faire la différence, Oppressor avait tout de même pour lui quelques sérieux atouts à faire valoir. En effet ce premier album se distingue pour commencer par une illustration de premier choix signée du Canadien Sylvain Bellemare (Blasphemy, Amorphis, Gutted, Impaled Nazarene, Kataklysm, Morta Skuld, Obliveon, Suffer, Torturer...). Une oeuvre qui transpire les années 90 par tous les pores et qui avec ce logo affuté attire l’oeil et invite l’auditeur curieux à la découverte. D’ailleurs, j’imagine que si vous êtes là à lire ces quelques lignes c’est bien grâce à elle.
Ceci étant dit, soyez assurés que Solstice Of Oppression a évidemment bien plus à offrir qu’une simple illustration aussi chouette et convaincante soit-elle. En effet, doté d’une production de son époque qui n’a toutefois pas pris une seule ride (ou presque), ce premier album devrait à n’en point douter réjouir les amateurs de "Brutal" Death Metal "technique" dans sa version allégée et digeste ayant marqué les années 90. Alors oui, j’utilise quand même quelques guillemets parce que je n’ai aucune envie de me faire rattraper par la police du Brutal Death Technique qui, métronome en main, va s’empresser de me faire remarquer que le nombre de BPMs n’est pas assez élevé pour prétendre au préfixe "Brutal" et qu’il n’y pas suffisamment de sweeps, de croches noires et autres variations rythmiques pour véritablement parler de Death Metal dit "technique".
En vérité, on ne peut pas dire qu’Oppressor figure parmi les groupes les plus techniques et brutaux qui aient exercé dans le milieu. Loin d’être une tare, cela s’avère même plutôt un avantage ici dans la mesure où ce premier album se distingue par la variété de son propos faisant ainsi se succéder fulgurances menées tête dans le guidon et poignée dans l’angle ("Devour The Soul" à 0:22, "Genocide" à 1:11, "Rotted Paradise" à 3:54, "As Blood Flows" à 3:14...), passages au groove particulièrement vicieux et irrésistible ("Seasons" à 3:43, "Devour The Soul" à 2:16, "Rotted Paradise" à 0:16, "As Blood Flows" à 0:42), séquences "mindfuck" sur fond de riffs habilement tricotés ("Seasons" à 0:24, "Eclipse Into Eternity" à 0:40, "And The Angels Fell (The Suffering)" à 0:12, "Rotted Paradise" à 2:50...), moments plus lourdingues caractéristiques de la scène de Chicago et plus généralement de tous ces groupes originaires du Midwest (les riffs bien chuggy de "Seasons" à 1:56, "Devour The Soul" à 0:39, "And The Angels Fell (The Suffering)" à 0:12, "Genocide" à 4:14) et, cerises sur le gâteau, nombreuses petites touches mélodiques particulièrement bien senties ("Seasons" à 4:22, "Devour The Soul" à 1:44, "And The Angels Fell (The Suffering)" à 1:07, "Dying Inside" à 2:04...). Une formule extrêmement bien troussée mais qui déjà en 1994 n’était plus de première fraîcheur dans la mesure où celle-ci faisait déjà écho aux sorties de Suffocation, Gorguts, Cannibal Corpse, Disincarnate et quelques autres encore.
Mais peu importe l’originalité puisque les Américains d’Oppressor ont pour eux l’essentiel, un sens inée de la composition leur permettant ainsi de faire mouche à chaque occasion. Une efficacité indéniable qui en dehors de quelques petites subtilités aujourd’hui un petit peu datées (et qui pourtant lui apportent une partie de son charme à l’image de ce synthétiseur sur "Seasons", cette séquence au piano et synthétiseur servant d’introduction à "Eclipse Into Eternity" ou encore cet interlude instrumental qu’est "Prelude To Death" exécuté là encore à grand renfort de piano et de synthétiseur) fait de Solstice Of Oppression un disque cruellement sous-estimé qui mérite mieux que le relatif anonymat dans lequel il végète malgré lui depuis malheureusement près de trente ans…
Réédité pour la dernière fois en 2016 par le label argentin Disembodied Records, ce premier album d’Oppressor peut encore se trouver ici et là pour une somme relativement modeste. Aussi les archéologues de la scène et autres amateurs de petites pépites sous estimées seraient bien avisés d’en faire l’acquisition puisque, comme vous l’avez compris, Solstice Of Oppression mérite mieux que ce que lui a apporté ce mauvais timing et cette signature sur un label qui dès 1995 finira malheureusement par mettre la clef sous la porte. De ces riffs ciselés et techniques à ces passages soutenus et puissants en passant par ce groove redoutable d’efficacité, ces séquences plus écrasantes ou ces parties mélodiques extrêmement sympathiques, on ne peut pas dire qu’il manque quoi que ce soit à ce premier album pour espérer séduire. Et si la carrière d’Oppresor aurait probablement été bien différente si les Américains avaient sorti Solstice Of Oppression deux ou trois ans auparavant, le fait est que personne ne peut réécrire l’histoire. Reste donc ce genre de chroniques pour espérer mettre certains d’entre vous sur la piste de ces formations oubliées mains néanmoins méritantes.
| AxGxB 17 Avril 2023 - 958 lectures |
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