Un autre sludge est possible. Un sludge qui ne se complaît pas dans sa propre misère, qui ne fait pas de la dépravation un étendard se suffisant à lui-même, un sludge poétique et politique, attrapant à bras-le-corps les lendemains qui chantent, les mains cloquées quémandant la beauté, les yeux rouges d’excès regardant l’horizon et ses potentialités, la barbe hirsute du clochard devenant celle de l’activiste révolutionnaire.
Clamons-le comme Thou le clame sur
Summit : un autre sludge est possible comme « un autre monde est inévitable », et il se prend dans les matins succédant aux nuits de dèche. Intoxiqué mais l’esprit libéré, la décision d’aller dans le rose d’un ciel doux au cœur, il avance avec l’envie de laisser derrière soi la disgrâce du monde moderne, « slowcore » car le corps lent, s’appropriant comme un délice de finesse les promesses de l’aube.
C’est cela que transmet ce troisième album des Louisianais et c’est cela que j’ai mis tant de temps à comprendre le concernant. Emporté par les
Heathen, les
Magus, ces disques où Thou se montre esthète et ascète, maître de sa montagne sacrée, j’ai au départ jugé avec dédain cette montée vers le sommet. Trop d’absurdes beautés, trop de sentimentalité dans l’ordure... Difficile alors pour moi de me plonger dans la sereine majesté qui habite les premières lignes de « By Endurance We Conquer », d’apprécier cette recherche d’élévation qu’est « Grissecon », ce « Prometheus » étincelant et souffreteux que dessine la bande, pansant ses plaies à la chaleur d’un soleil naissant, le feu à la main et dans la cervelle.
Vous l’aurez sans doute compris : aujourd’hui,
Summit me prend tout entier dans sa musique ronde et consolatrice, empathique, solidaire envers les rejetés et les déclassés. Thou a toujours été une formation transmettant par son art une certaine vision du monde, un appel à la révolte et l’essor d’une certaine conscience. C’est, étonnamment, dans son album le plus directement beau que ce parti-pris s’affiche le plus fortement, dans ces lignes mélodiques impavides, cette voix arrachée qui invite de toute sa rage à conquérir les richesses d’un monde offert, décloisonner les privilèges, prendre et partager les splendeurs que l’on nous vole.
Là où les cyniques pullulent et s’habillent d’une supériorité qui n’est qu’apparat, cachant mal leur impuissance à lutter derrière un sourire narquois,
Summit ose donc faire du bien. Il ose soigner et parler de l’éventualité d’autre chose, sludge de l’après qui se prend à rêver qu’il peut être meilleur, jusqu’à des cuivres apaisés assurant que la Félicité est à portée de main. J’ai déjà parlé maint fois de l’amour que j’ai ressenti progressivement pour Thou et, même si je continue de préférer ce qui suivra ce disque aussi généreux qu’éperdu, paraissant lors de moments répétitifs chercher comme nous où aller pour révolutionner, ce n’est pas lui qui verra éteindre cette admiration que j’ai pour lui.
Non pas un grand album mais un album nécessaire, un album d’éveil, mental et corporel, la contemplation d’un alentour faite avec un regard neuf, la vie clochardisée comme révélatrice de la prospérité qu’il y a, au loin. Thou ira alors la voir et la faire sienne sur ses œuvres suivantes, avec le succès que l’on connaît. Mais ne faites pas la même erreur que moi : ne passez pas à côté de cette illumination qu’est
Summit.
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