Ouh qu'elle est moche ! Non, pas ta copine (enfin sûrement si t'as rien d'autre à foutre que lire des chroniques sur Internet) ! La pochette du dernier Exumer ! Pourtant, c'est le Roumain Costin Chioreanu qui l'a dessinée. On l'a connu plus inspiré le gaillard ! Pas très grave cela dit, les pochettes moches dans le thrash, c'est un peu une tradition. Et la tradition, ces anciens menés par l'indéboulonnable Mem Von Stein la perpétuent depuis 1985, avec tout de même une longue pause entre 1991 et 2008. Depuis leur reformation, les Allemands ont sorti deux albums très corrects,
Fire & Damnation (2012) et
The Raging Tides (2016). Voici donc le troisième,
Hostile Defiance, sorti en avril 2019 chez Metal Blade. Alors, toujours en forme les Teutons ?
Eh bien ça se maintient, on dirait ! Enregistré par la même équipe responsable de l'opus précédent,
Hostile Defiance s'avère un opus de thrash tout à fait satisfaisant, tant que l'on n'est pas trop exigeant. C'est qu'il ne faut pas s'attendre à quelconque originalité, si ce n'est cette intro lente et dissonante de "The Order of Shadows" suivie d'un riff et d'une rythmique très dansants assez surprenants ou cette mélodie aux sonorités orientales sur "Descent". Non, ce cinquième album du quintette de Francfort fait dans le thrash tout ce qu'il y a de plus classique et de plus basique. Simple et efficace, point barre. N'en demandez pas plus ! Du thrash fast-food ou du moins grand public pour faire moins péjoratif, facile à assimiler, servi par une production puissante, propre et moderne typée Nuclear Blast avec la batterie bien mise en avant (il est d'ailleurs ironique de noter que les vieux groupent préfèrent souvent un son moderne alors que la plupart des petits jeunes n'en démordent pas des années 1980) . De l'ultra calibré, des morceaux au format standard entre trois et quatre minutes, des structures classiques couplet/refrain/couplet/refrain/solo ... Une alternance typique tchouka-tchouka endiablé et mid-tempos headbangants. Voilà ce que propose Exumer sur
Hostile Defiance.
Ça ne vend pas du rêve ? Effectivement ! D'où le "pas trop exigeant". Pourtant, malgré cet aspect easy-listening gentillet,
Hostile Defiance est vraiment un bon album. Parce que les Allemands, en se concentrant sur l'essentiel, font preuve d'une accroche indéniable. La base, ce sont les riffs. La bande l'a bien compris. Sans révolutionner quoi que ce soit, le riffing ici se révèle de qualité, entre l'école germanique contemporaine et l'américaine. Un mélange bien dosé de simplicité, de feeling et de mélodie qui mine de rien requiert tout de même un minimum de talent d'écriture pour faire mouche tout de suite. Cela suffit à porter l'album tout du long. Les guitaristes Ray Mensh, seul membre d'origine aux côtés de Mem Von Stein, et Marc Bräutigam ajoutent aussi quelques solos bien sentis, montrant là encore une technique propre (ça sweepe un peu) et un feeling mélodique pas dégueulasse ("Hostile Defiance" à 1'53, "Raptor" à 2'16 aux influences Metallica, "Carnage Rider" à 1'28 qui prend le temps de se mettre en place, "Dust Eater" à 1'48, "King's End" à 1'40, "Trapper" à 1'55, etc.). Les mini-solos chaotiques à base de vibrato par contre, ça ne sert toujours à rien.
Si ce sont les riffs qui font le plus gros du travail, il ne faut pas non plus oublier ce bon vieux Mehmet Zendut (eh oui le monsieur est turc à la base) alias Mem Von Stein qui n'est pas étranger à l'efficacité de
Hostile Defiance. Son chant éraillé à la Araya (répétez le vite plusieurs fois !) auquel il reste encore un peu de hargne trouve souvent les bonnes rythmiques, les bonnes tournures, à l'image des nombreux refrains catchy ("Hostile Defiance", "Dust Eater", "Trapper", "Vertical Violence" ...). On le sent cependant moins à l'aise quand il tend vers quelque chose de plus mélodique (refrain de "King's End", "Descent" à 1'40 sur des guitares molles pour une fois peu inspirées). Le bonhomme a aussi tendance à se répéter un peu comme sur "The Order of Shadows" à 1'35 où l'on a l'impression d'avoir déjà entendu cette partie de chant plus tôt dans l'album. Un reproche que l'on pourra faire aussi aux guitares qui malgré la bonne copie rendue ne fait pas montre d'une incroyable variété, rendant l'album un poil répétitif et limité après plusieurs écoutes. L'opus connaît d'ailleurs un petit coup de mou sur sa deuxième partie. Et le coup des saccades sur "Descent" à 1'07, c'est non !
Alors oui,
Hostile Defiance est loin d'être parfait. Ce côté balisé, basique, facile et lisse, ces quelques fautes de goût, sa répétitivité, le manque de vraie personnalité pour un groupe formé en 1985 ... L'œuvre a aussi du mal à survivre aux écoutes répétées. Le ressortir pour cette chronique après l'avoir laissé reposer quelques mois ne lui a pas fait que du bien. Je lui aurais ainsi peut-être mis un demi-point de plus si je m'en étais occupé à l'époque de sa sortie qui remonte à plus d'un an. Clairement, ce n'est pas le genre d'albums que l'on réécoutera régulièrement pendant longtemps. On est plutôt dans l'efficacité éphémère, dans l'instant. Mais franchement, ça passe tranquille. Pour le genre ça peut suffire à bon nombre de personnes. Et si en plus on le compare à d'autres, il n'a pas à rougir, bien au contraire. Exumer a toujours été un second couteau de la scène thrash allemande même si son
Possessed by Fire claque à mort. Les fameux premiers de cordée eux, qu'est-ce qu'ils font ? Destruction n'a rien sorti d'intéressant depuis
Cracked Brain (30 ans !), Kreator s'est assagi et mélodisé, Sodom fait du pilotage automatique et Slayer a très mal fini. Du coup, j'ai plutôt envie de lever le pouce pour ce
Hostile Defiance qui, bien que limité, fait preuve d'une efficacité exemplaire en proposant des vrais bons riffs inspirés, son lot de tchouka-tchouka dont je ne me lasserai jamais et des solos pas vilains. Certaines versions offrent même deux reprises de Scorpions ("He's a Woman - She's a Man") et Entombed ("Supposed to Rot"). Sacrément couillu comme choix ! Raison de plus pour soutenir ces vétérans brandissant toujours fièrement l'étendard du thrash malgré les années.
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19/06/2020 15:02