Hum - Inlet
Chronique
Hum Inlet
Comme beaucoup d’autres gamins de ma génération, j’ai parfait ma culture musicale à l’aide de nombreuses VHS dédiées à la pratique des sports extrêmes (skateboard, snowboard, surf, BMX, FMX, roller...). Une activité à temps plein (enfin selon mes parents) qui m’a mis naturellement sur le chemin d’une tripotée de groupes dignes d’intérêt (Type O Negative, Social Distortion, Engine Kid, Fugazi, Sonic Youth, The Promise Ring, Sense Field, une partie de l’écurie Fat Wreck Chords, etc). Parmi eux également, les Américains de Hum découvert sur une vidéo Transworld Snowboarding datant de 1994 mais qui d’après les souvenirs que j’en ai n’a trouvé le chemin de mon magnétoscope que deux ou trois ans plus tard. Le hasard faisant parfois bien les choses, je tomberai sur l’album Electra 2000 (dont est issu l’excellent "Iron Clad Lou" présent sur cette fameuse vidéo Transworld) dans un bac à occasions de l’enseigne OCD. Ni une ni deux, après avoir quand même taxé les sous d’un pote, me voilà reparti avec l’album sous le bras près à enchaîner les écoutes de ce qui m’apparaissait à l’époque comme un groupe très proche dans l’esprit d’un certain Deftones (j’apprendrai en fait plus tard que Hum a été une très grosse source d’inspiration pour les Californiens, notamment en matière de son).
Formé en 1989 dans l’Illinois, Hum ira enregistrer sa toute première démo à Chicago sous la houlette du producteur Steve Albini avant d’enchainer les albums avec pas moins de quatre disques à son actif parus durant les années 90. Malgré un contrat avec RCA et quelques chouettes opportunités (une participation au Howard Stern Show et la diffusion d’une vidéo pendant l’émission Beavis and Butthead), le groupe aura quelques difficultés à convaincre. Les ventes n’étant pas particulièrement au rendez-vous, Hum sera ainsi rapidement lâché par son label. C’est après un accident de la route survenu la même année que le groupe choisira d’en rester là. Partis s’occuper ailleurs, les Américains reprendront toutefois le chemin des planches, d’abord en 2003 pour un concert unique puis en 2015 pour une tournée nationale couronnée de succès. Probablement motivé par ces retours extrêmement positifs, Hum va s’atteler en toute discrétion à la composition d’un nouvel album paru il y a quelques jours seulement. Une sortie pour le moins inattendue puisqu'à l’exception de publications relatives à la réédition vinyle de Downward Is Heavenward et quelques dates de concerts ici ou là (enfin surtout là-bas), il n’a jamais été fait mention de la sortie d’un nouvel album... Après Quicksand en 2017, autant vous dire que la planète Post-Hardcore s’est largement retrouvée en émoi après la mise à disposition de l’album sur Bandcamp et dont les versions physiques seront disponibles à compter du 31 août via Earth Analog Records (label de Matt Talbott, chanteur/guitariste de Hum).
Car c’est effectivement de Post-Hardcore dont il est question ici. Un Post-Hardcore toujours très fortement marqué par les années 90 et aujourd'hui servi par une production aux petits oignons. Puissante, abrasive et d’une limpidité sans faille, elle apporte notamment aux guitares de Matt Talbott et Tim Lash un grain ainsi qu’une lourdeur particulièrement savoureuse. Un son âpre et chaud au service de compositions aériennes et contemplatives qui, inlassablement, invitent à lever les yeux au ciel et laisser vagabonder son esprit.
D'ailleurs c’est un pari un peu osé que fait là Hum pour son retour. Revenir comme ça d’entre les morts avec un album de cinquante-six minutes et des compositions qui pour certaines flirtent (et même un peu plus) avec les huit minutes (quatre titres sur huit au total) n’est pas forcément la chose la plus aisée. Alors bien entendu, le Post-Hardcore n’est finalement qu’une étiquette sous laquelle on a vite fait de balancer tout un tas de groupes qui n’ont pas forcément grand-chose à voir les uns avec les autres (de la scène de Washington D.C. et l’école Dischord en passant par Neurosis, Cult Of Luna, Quicksand, Handsome, Drive Like Jehu ou Unbroken, il y a effectivement de quoi faire le grand écart) mais ne serait-ce que par simple jeu de comparaison avec les précédents albums du groupe, on sent bien que les Américains ont chercher à élever leurs intentions sans pour autant bouleverser les éléments qui ont fait leur renommée parmi les connaisseurs. Ce que propose aujourd'hui Hum c’est un Post-Hardcore aux accents Shoegaze particulièrement développés (plus qu’avant en tout cas) et qui tout en suivant la trace de ces albums sortis durant les années 90 va aujourd’hui accentuer certains traits, quitte parfois à frôler l’excès de répétition. Si le groupe a ainsi gagné en puissance et en lourdeur ("Waves", "In The Den", "Desert Rambler", "The Summoning"...) grâce à cette production moderne mais néanmoins emprunte de caractère, la formule a cependant perdue en intensité. Moins explosives qu’elles ne l’ont été, les compositions de Hum font désormais la part belle à des constructions beaucoup plus hypnotiques comme l’atteste des titres tels que "Waves", "Desert Rambler", "The Summoning", "Cloud City" ou "Folding" qui vont jouer sur la répétition afin d’amener l’auditeur la tête dans les nuages ou à des passages qui n’auraient pas fait tâches sur des albums d’Indie Rock/Emo des années 90 ("Cloud City", "Folding" ou "Shapeshifter" notamment). Des ambiances éthérées également renforcées par l’usage de nombreuses nappes de synthétiseur aux sonorités vaporeuses et parfois même célestes ("The Summoning", "Folding", "Shapeshifter"...). Et pour tous ceux qui auraient peur d’avoir affaire à un album beaucoup trop linéaire, sachez quand même que ce sentiment de répétition est largement estompé par le travail mélodique de grande qualité effectué par Hum ("Waves", "In The Den", "Desert Rambler", "The Summoning", "Cloud City", "Folding"...) ainsi que par ces lignes de chants subtiles que Matt Talbott se plaît à faire évoluer au fil de chaque morceau.
Grand oublié des années 90, Hum fait ici un retour inattendu, inespéré et surtout particulièrement réjouissant. Car même si l’énergie et l’intensité déployées ne sont plus tout à fait au niveau des albums précédents (Downward Is eavenward remonte tout de même à plus de vingt ans), on retrouve néanmoins ces évidentes qualités d’écriture, ces riffs Post-Hardcore typiques des années 90 et ce chant clair savamment dosé qui ont permis au groupe de gagner cette renommée parmi les amateurs du genre. Et puis surtout, Hum revient avec un album audacieux de Post-Hardcore teinté d’une forte emprunte Shoegaze. Jugé à l’emporte-pièce, Inlet pourrait sembler répétitif au possible alors qu’en fait, c’est tout simplement l’un des albums les plus enivrants et addictifs du genre sorti ces dernières années. Une franche réussite, oui !
| AxGxB 29 Juin 2020 - 2186 lectures |
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