Carthage - Punic Wars!
Chronique
Carthage Punic Wars!
Nous sommes en 241 av. J.-C. et le monde méditerranéen sort tout juste de vingt-trois ans de guerre pénible opposant Rome et Carthage, dont la bataille finale, aux Îles Egates, donne le fin mot de l'histoire aux Romains. De lourds traités sont imposés aux vaincus, d'autant que Rome continue d'exacerber la haine africaine en imposant de nouvelles conditions humiliantes quelques années plus tard. C'en est trop pour le jeune Hannibal Barca dont le père, Hamilcar, a été la personnalité carthaginoise dominante durant cette grande guerre. Formé à l'art de la guerre par des précepteurs qui lui font découvrir les exploits d'Alexandre le Grand, Hannibal grandit en prêtant le serment de rester à jamais ennemi de Rome - selon la tradition... Mû par un désir de revanche ardent, il va être à l'origine de la deuxième guerre punique, de 218 à 202 av. J.-C, et va réaliser l'exploit prodigieux de traverser l'Espagne et les Alpes avec ses armées et ses éléphants pour semer la discorde en Italie.
Comme vous pouvez le constater, le duo Carthage est hautement - si ce n'est exclusivement - axé sur l'Histoire antique et plus précisément, celle des tribulations politiques et militaires de la Nouvelle Ville. Formé en 2018 à Thessalonique, en Grèce, par le guitariste et bassiste Leonidas qui officiait jusqu'à présent au sein de formations black et death metal grecques (Khoraja, Deuteronomy, Cease of Breeding), ce projet n'a pour l'heure qu'un seul disque, Punic Wars!, sorti l'année de sa formation, via Amputated Vein Records. En moins de trente minutes, ce disque de brutal death vient nous conter, de la manière la plus sombre possible, les exploits et les échecs du plus grands des généraux carthaginois au travers de titres évocateurs ("Siege of Saguntum", "Crossing the Alps", "On the Lake of Trasimine", "The Battle of Cannae"...), à l'image de cette pochette plutôt sobre qui, derrière un filtre Photoshop, se contente d'afficher le célèbre buste d'Hannibal - possiblement idéalisé, comme une grande partie des faits d'armes du monsieur, d'ailleurs.
Officiant donc dans un brutal death plutôt bas du front et plus que direct qui peut faire penser à un Anaal Nathrakh, un Nile ou un Suffocation par moments, Carthage a d'abord le mérite d'intéresser par le parti pris de la production : batterie synthétisée, guitares au son étouffé qui peut faire croire lui aussi à une simulation, voix enveloppée d'effets étouffants et crades... pour un résultat particulièrement sombre et menaçant. En dépit de tous ces bidouillages informatiques, on est loin d'un Rings of Saturn ou d'un Origin qui déversent des flots de soli en harmonie à une vitesse épileptique : Carthage fait fi de toutes ces superficialités pour concentrer sa musique dans une offensive de riffs quasi-constante, pour un résultat minimaliste voire simpliste.
L'album débute avec "Dido's Land", une intro aux guitares clean qui posent une ambiante assez glauque et où les guitares électriques, qui viennent s'ajouter après lors d'une instrumentale aux relents doom, ont le mérite d'annoncer la couleur. Peu après démarre "The Fields of Zama" et nous plonge immédiatement dans le chaos de la bataille finale entre Scipion et Hannibal, avec cet excellent main riff tout en tremoli et cette batterie martelante. Les morceaux s'enchainent alors rapidement en présentant tous plus ou moins le même schéma : riffs en tremolo picking, batterie infernale et voix gutturale étouffée. L'album tempère par deux fois (trois, si on compte l'intro), d'abord à mi-chemin, dans "Crossing the Alps", et pour conclure avec "Carthago Delenta Est". Le premier est un morceau de transition où l'on retrouve un certain côté doom dans la tonalité particulièrement sombre et peu incisive de ce brutal death, fonctionnant à coup de power chords dissonants et d'un lead mélodique qui accompagne le morceau en fond. Il s'énerve quelque peu aux deux tiers, retrouvant un riffing plus technique pouvant penser à du Decapitated moderne, mais les défauts de l'album se font sentir.
Punic Wars! est un album frontal, fait à partir d'éléments relativement simples. Il n'est pas fait pour les compos qui essayent de présenter différentes constructions instrumentales et "Crossing the Alps" en fait donc les frais : sans réelle offensive, mal construit, le morceau a tendance à nous lâcher momentanément - sans être non plus une purge -, d'autant que le côté synthétique de la batterie se fait particulièrement sentir dans les fills. On l'écoute donc sans ressentir quoi que ce soit, avant de se faire réveiller en force par "On the Lake of Trasimine", qui repart à l'attaque (comme le nom laisse entendre, je vous laisse chercher sur Wikipédia ce dont il s'agit) à coup de riffs en tremoli et des riffs de couplet façon Necrophagist. Outre les riffs en tremoli, on retrouve d'autres techniques très Suffocation-esque comme les power chords qui frôlent les slam parts ("Siege of Saguntum", "The Battle of Cannae") ou les riffs hachés, à l'image du couplet de "Death in Trebia". Finalement, le meilleur titre reste sans doute "Hasdrubal", vite expédié, particulièrement sombre et brutal et qui s'accompagne d'un petit lead pas mauvais.
Less is more, c'est la formule qui pourrait très bien résumer ce disque. S'il n'est pas le plus diversifié des albums (on ne compte même pas un seul solo "technique"), la frontalité et la brutalité des riffs, desservis par une composition minimaliste, mélangés à une production particulièrement noire pour du brutal death metal, permettent à Punic Wars! de se démarquer de ses comparses. Finalement, dans une scène où le mot d'ordre est "toujours plus", que ce soit dans la production ou dans les orgies de guitares, un album comme celui-ci fait grand bien aux oreilles. Certains n'apprécieront pas pour son côté plastique et simulé que le mix dégage ; pour ma part, l'offensive de riffs presque permanente et cette atmosphère sale, rappelant un Anaal Nathrakh, me fait particulièrement apprécier cet album.
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