Stygian Crown - Stygian Crown
Chronique
Stygian Crown Stygian Crown
C’est un fait avec lequel l’on va désormais devoir composer le metal à consonance épique avec une chanteuse a actuellement le vent en poupe, après la grande vague du female fronted doom metal de la décennie précédente, avec l’émergence de formations telles que Smoulder, Chalice, Chevalier, Meurtrières, et même mon Solstice adoré s’y est mis en recrutant la chanteuse de Chalice pour succéder à Paul Kearns. L’autre hype du moment c’est de prendre un nom de groupe avec Stygian dedans, à tel point que l’on pourrait confondre les projets musicaux, et pour les étourdis il n’est pas question ici du projet avec les membres de Bell Witch. Pour le coup Stygian Crown nous provient de Los Angeles et comprend, parmi ses musiciens, trois membres de Gravehill (death metal, USA), dont le batteur Rhett A. Davis qui officiait auparavant dans Morgion et dans Keen of the Crow, autre projet centré sur le monde de Robert Edwin Howard, le père de Conan le Cimmérien. Pour information, la Stygie est l’un des royaumes du monde de l’âge Hyborien créé par Howard et où l’on trouvait beaucoup de sorcelleries et créatures démoniaques. Rien d’étonnant d’une certaine manière de retrouver ce groupe signé chez Cruz Del Sur tant il correspond bien à la charte musicale du label romain.
La fiche promotionnelle nous présente ce groupe avec le terme de Candlethrower pour décrire la musique de Stygian Crown, soit la rencontre entre l’epic doom metal de Candlemass et le death metal guerrier de Bolt Thrower. J’ai toujours autant de mal avec ce type de présentation, même s’il est vrai que d’une certaine manière, l’on retrouve l’influence du grand groupe suédois chez les Américains. Il est bien évidemment question d’epic doom metal ici, avec évidemment ce va et vient entre parties plus lentes et posées et d’autres plus énervées, où l’on sent le côté plus incisif hérité des anglais et du background musical des musiciens ici officiant. Attention, il ne faut tout de même pas s’attendre à des grosses accélérations avec des blast beats et des gros trémolos, il n’est pas question de ça ici, mais plus dans ce côté mid-tempo assez puissant que l’on pourrait rapprocher de Bolt Thrower, et surtout par l’utilisation d’un accordage assez bas et d’un son plus gras et pesant, et assez moderne dans le rendu. Cela nous donne tout de même parfois des passages plus sauvages, comme cette partie centrale de When Old Gods Die, donnant une plus grande intensité à tout ceci, ou sur Trampled Into the Earth. Voilà pour les petites particularités du groupe d’un point de vue musical qui fait cela de manière assez conventionnelle et très scolaire si je puis dire, et l’on n’est pas loin de penser à Crypt Sermon dans le sens où cela reprend pas mal de canons du genre, notamment dans ce côté volontiers plutôt old-school dans la démarche, bien que la production sonne assez moderne, mais sans les mélodies de Crypt Sermon, ni sa maturité.
En soit, l’on ne peut pas dire que cela manque de savoir faire, c’est même très bien exécuté et il y a de bonnes idées, évidemment. Pour autant, l’on pourrait toutefois reprocher à ce groupe de sonner clairement trop américain et donc d’avoir un côté un peu bas du front: une forme de profondeur et de lyrisme manquent cruellement ici. L’on joue plus sur l’efficacité de la chose et dans ce registre cela fonctionne assez bien, mais beaucoup trop de compositions sont aussi vites oubliées qu’elles ont été écoutées, et il est assez rare de relever la tête d’un certain ennui, c’est notamment le cas sur la seconde partie de l’album, qui n’aurait sans doute pas perdu de son effet avec deux compositions de moins. L’on peut dire aussi la même chose des soli qui émanent de chaque composition: ils sont assez rares ceux qui vont apporter quelque chose de probant à l’ensemble et, pour le coup, je trouve qu’ils sonnent bien trop death metal qu’autre chose. Le même écueil peut être appliqué à la chanteuse Melissa Pinion qui, si elle ne manque pas de puissance, donne malheureusement l’impression d’avoir été bridée sur cet enregistrement. Elle a un timbre de voix assez médian, il ne faut pas s’attendre à des vocalises haut perchées, et l’on pourrait la rapprocher à certains moments à Sharie Neyland de The Wounded Kings. C’est même comme si le groupe avait tout misé sur son chant pour ce qui est de ses aspérités mélodiques et l’on sent que quand elle se lâche et donne de l’intensité cela marche très bien, et même bien mieux, comme sur Two Coins for the Ferryman, à tel point que l’on ne peut que rester sur sa faim en entendant certaines de ses lignes de chant bien plus crispantes comme les nombreuses fois où elle fait de « ohohohohoh » comme simple gimmick.
Au final, je me pose la question si l’on n’a pas plus à faire à des musiciens un peu opportunistes prenant le train en marche et qui se réfugient derrière une chanteuse plus que tout autre chose. En tout cas si l’ensemble est bien exécuté et comprend de bonnes idées, il y a quelque chose qui n'œuvre pas du tout avec cet album éponyme, comme s’il manquait ce supplément d’âme qui fait la différence entre un disque lambda et un disque marquant. Et pourtant, c’est assez dommage, car lorsque Stygian Crown s’inspire plus de Solitude Aeturnus comme c’est le cas sur l’excellent titre Up from Depths, cela donne quelque chose d’excellent, avec notamment ces motifs un peu orientaux qui cadrent bien avec l’image que l’on se fait de la Stygie, sauf que malheureusement ce n’est qu’une fulgurance dans une cinquantaine de minutes que l’on oublie assez vite. Bref, ce qui pouvait être bien sur le papier retombe assez rapidement une fois écouté, et l’on va s’en retourner écouter la démo des Suédois de Dwoom qui avaient bien mieux réussi cette mixture d’epic doom metal avec le son death metal.
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