Death the Leveller - II
Chronique
Death the Leveller II
L’Irlande et son histoire tragique, celle d’un peuple qui a souvent été opprimé et qui a très fréquemment souffert au fil des siècles. Un état de fait qui restera sans doute un lourd legs pour de nombreux musiciens de tous horizons, et bien entendu pour ce qui nous concerne dans notre giron métallique, avec des têtes de proue comme Primordial ou Mourning Beloveth. Death The Leveller s’intègre bien dans cette tradition, et ce n’est peut être pas un hasard si leur patronyme provient d’un poème de James Shirley, poète et dramaturge élisabéthain, et dont les vers résumeraient bien ce qu’évoque la musique du quatuor. Comme son nom ne l’indique pas, II est en fait le premier album des Irlandais, qui fait suite à un beau premier EP sorti il y a deux ans, - et qui m’avait laissé une très belle impression -, ce qui a sans doute permis une signature chez Cruz Del Sur, donnant enfin une meilleure lisibilité à cette formation. Toutefois, si sa formation remonte à l’année deux mille seize, ce ne sont pas des nouveaux venus au sein de la scène qui officient dans Death The Leveller puisque Dave Murphy - basse -, Shane Cahill - batterie - et Gerry Clince - guitares - proviennent tous les trois de Mael Mórdha, formation très intéressante au demeurant, et la mise en route de ce projet s’est faite au moment de la mise en hibernation de leur groupe principal.
Ne vous méprenez pas sur le propos musical du groupe, eût égard au curriculum vitae de trois de ses membres, puisque Death The Leveller nous propose ici un epic doom metal assez classique dans la forme et surtout très poignant. Ainsi, aucune des influences folkloriques de Mael Mórdha ne sont présentes ici. Évidemment, pour qui est habitué à ce style musical, l’on y retrouvera tout autant la combativité d’un Solstice, notamment dans ces moments bien plus intenses comme sur la seconde partie de The Golden Bough, que des moments plus en retenues et empreints d’un très grand pessimisme, et plus précisément sur So They May Face the Rising Sun, que l’on pourrait rapprocher d’un Warning. Mais si je donne ces deux balises stylistiques quant au contenu de ces quatre titres, il ne faut pas en déduire qu’il s’agit là d’un groupe sans personnalité, capable de décliner des formules toutes faites, comme d’autres le font avec plus ou moins de réussite. Ici, il n’est pas question de tout cela, car l’on a déjà une grandeur d’âme et surtout une réelle véridiction dans le propos. Et dans ce registre, je pense que le chanteur Denis Dowling donne très nettement des gages de qualité. Vraiment engagé et donnant clairement sens aux paroles de ces titres, il nous joue très bien la composition de l’homme seul face aux éléments et aux blessures induites par l’existence et qui reste debout envers et contre tous, redressant l’échine courbée sous cet héritage lourd à porter. Il sait aussi bien être cajoleur, qu’intimiste et rageur, s’époumonant comme s’il n’avait pas d’autres moyens pour expurger toute la tristesse et la rancœur emmagasinées depuis des années, jouant aussi la partition de l’aède des temps modernes.
Mais il n’est pas le seul atout de ce groupe, car il y a ici de quoi réjouir tout amateur de belles mélodies pleureuses, et non pas larmoyantes, de riffs qui creusent sans relâche le même sillon, comme ces hommes courbés derrière leur soc à racler cette terre inféconde pour tenter d’y faire pousser de quoi à peine subsister. Il y a tout de même une certaine pondération dans l’épanchement de leur mélancolie, comme s’ils avaient voulu garder une dignité et ne pas sombrer dans la pleurnicherie de bas étage. Il en ressort ainsi une sobriété dans les arrangements qui nous permet de nous concentrer sur l’essentiel et de ne rien perdre de la profondeur et de la sincérité de leur musique. C’est en cela que le travail mélodique de Gerry Clince est à saluer car il donne une grande solennité à l’ensemble. Ce qu’il y a de bien, et vous me direz que c’est normal vu la longueur des titres, c’est que le quatuor prend son temps pour tisser des canevas anthracites, jouant évidemment sur la redondance inhérente au genre, mais maîtrisant en même temps cette propension à faire monter petit à petit l’intensité dans ses compositions, ce qui est aussi bien le cas sur The Golden Bough que sur The Crossing qui vient clore l’album. Et si tout n’éclate pas aux premiers abords, l’on se rend compte que tout prend sens et devient de plus en plus attachant au fil des écoutes, même si sa courte durée, à peine trente neuf minutes, rend la chose un peu frustrante car l’on aurait aimé en avoir un peu plus à se mettre dans les esgourdes, encore que cela n’empêche pas de l’écouter en boucle. Évidemment, ces éléments mis bout à bout ne seront pas sans nous rappeler Primordial, mais il serait vraiment dommage de limiter Death The Leveller à une pâle déclinaison en version doom metal de leurs compatriotes, tant ce groupe apporte sa pierre à l’édifice.
Tour à tour poignant, tragique, nostalgique, intimiste et fervent, ce II demeure une belle réalisation d’un groupe qui affiche un très beau savoir faire en la matière et qui continue sa progression depuis leur premier enregistrement. Évidemment, il séduira sans doute celles et ceux à la recherche d’un epic doom metal plutôt contemplatif et fataliste, que belliciste, et les orphelins de Griftegård ou les déçus d’Isole y trouveront sans doute leur compte. Mais Death The Leveller a toutefois des atouts pour séduire toute personne avide de musique jouée avec son cœur et surtout avec ses tripes et qui est capable de griser toute journée ensoleillée et nous laisser en proie à une certaine amertume quant au sens de la vie, les larmes prêtes à couler le long du visage, à moins que ce ne soit la pluie qui dégouline sur nous, et les poings serrés agités en vain dans le vent en guise de contestation face à ce créateur qui nous a abandonné sur cette terre dans cette misérable condition. C’est là tout le tour de force de cet album qui saura également nous rappeler ceci: « Il n’y a pas d’armure contre le Destin » (James Shirley).
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