Dimanche 1er mars 2020. Glazart, Paris. Tournée européenne commune de deux grands espoirs de la scène heavy metal canadienne, Traveler et Riot City. Une belle soirée malgré un son très approximatif comme souvent dans cette salle. Si j'avais su qu'il s'agissait de mon dernier concert avant que tout ne s'écroule ... À défaut de pouvoir revivre avant un moment les émotions procurées par notre bonne vieille musique sur les planches, on peut au moins en vivre sur galette. Quelle belle surprise en effet de voir déjà débarquer un nouvel album de Traveler, seulement un an après le très bon premier essai longue-durée éponyme. C'était en avril, toujours chez Gates of Hell Records. Quel plaisir aussi vu le niveau affiché sur
Traveler qui propulsait les Canadiens directement au rang des formations de heavy metal les plus prometteuses. Battre le fer tant qu'il est encore chaud, on comprend l'idée. Cela dit, difficile de ne pas éprouver quelques craintes sur cette nouvelle sortie, un enchaînement trop rapide pouvant s'avérer délicat à gérer. Ou alors c'est juste mon côté pessimiste. Parce que si l'on regarde comme ça, cette pochette noir-blanc-bleue similaire au précédent mettant à nouveau en scène leur mascotte, cette espèce de monstre galactique prêt à tout dézinguer, ou encore l'ajout de l'ex-Striker Dave Arnold à la basse, il y avait plutôt de quoi afficher un certain enthousiasme.
Un enthousiasme qui s'est vite transformé en satisfaction. Puis en orgasme. Car non seulement Traveler propose quelques évolutions intéressantes dans son style mais il arrive en plus à faire encore mieux que son premier longue-durée. On note déjà l'excellente production plus puissante et parfaitement équilibrée qui place tous les instruments à leur avantage. Seul le son de la batterie un peu trop synthétique et qui manque de nuance ne rend pas justice au feeling de l'excellent Chad Vallier, également dans Riot City. Rien qui ne vienne gâcher l'écoute toutefois et cela ne sonne pas aussi impersonnel que sur le fabuleux
Journey into Fear de Deaf Dealer, seul défaut de ce pur chef d'œuvre. Deaf Dealer ?! Le nom de ces Québécois injustement méconnus ne sort pas comme ça du chapeau. Deux raisons à cela. La plus évidente, Jean-Pierre Fortin, ancien bassiste émérite de la formation, a gracieusement offert le morceau "STK" à Traveler. Il sonne donc comme du Deaf Dealer. L'autre raison, c'est que ce
Termination Shock me fait beaucoup penser au quintette de La Jonquière, et pas que sur "STK". Traveler sonne ainsi désormais plus proche de Iron Maiden que de Judas Priest. Il y a toujours plus ou moins l'ombre du Priest et il y avait déjà du Maiden sur le premier album, néanmoins la balance penche désormais plus vers Bruce Dickinson et ses copains (un morceau s'intitule d'ailleurs "Diary of a Maiden" !). On sent aussi des touches power US. Déjà le cas sur
Traveler qui évoquait souvent Omen, c'est plus appuyé ici. À la différence que les influences se font plus classieuses puisque certaines séquences m'ont rappelé le magique
A Sultan's Ransom de Cloven Hoof ainsi que les deux premiers Crimson Glory. Et là, les amis, on touche au divin quand un groupe fait penser, même de loin, à la troupe du regretté Midnight. Quant au très speed "Deepspace", morceau le plus effronté du lot, il pourrait presque rendre jaloux Agent Steel !
Termination Shock se montre du coup plus varié et le travail mélodique y est plus fouillé que sur
Traveler pourtant déjà pétri de qualités. Les mêmes qualités que l'on retrouve sur
Termination Shock et tous les grands albums de heavy metal. Un riffing magistral, toujours efficace et riche en mélodies. Des rythmiques pêchues et entraînantes qui collent la banane pour la journée. Des solos tous plus jouissifs les uns que les autres de la paire Matt Ries / Toryin Schadlich qui se répondent du tac au tac, avec un guest de l'ex-Striker Ian Sandercock sur "Terra Exodus", magnifique pièce épique qui clôt le disque de la meilleure des façons. Une basse chatoyante et bien mise en avant même si pas aussi gourmande que celle de Fortin. Et bien sûr un chanteur d'exception. J'avais réservé à Jean-Pierre Abboud un paragraphe entier pour insister sur son importance dans le succès du premier opus, il aurait pu avoir le droit au même hommage tant le frontman fait montre d'un talent insolent. Dans le même registre heavy metal plutôt centré sur les médiums même si certaines montées aiguës nous font bien plaisir, Abboud réussit le pari de faire encore mieux en enrichissant encore un peu plus son panel, en véhiculant les émotions et en emportant l'auditeur avec lui comme les plus grands (les frissons au début doucereux de "After the Future" !). Il y a du Halford chez ce monsieur mais pas que ! Des couplets aux rythmiques vocales dynamiques et aux mélodies prenantes, des refrains catchy ultra efficaces mais pas du tout simplistes, c'est un festival que nous offre le chanteur.
Un peu plus d'un an après l'excellent
Traveler qui mettait déjà la barre très haut,
Termination Shock fait encore plus fort, venant confirmer tout le potentiel du combo de Calgary promis à un bel avenir. Traveler continue ainsi sur sa lancée en affinant encore son style pour nous présenter un panel d'influences plus large désormais dominé par Iron Maiden, se rapprochant dès lors fortement de ses compatriotes de Deaf Dealer qui, les voyant sans doute comme leur successeur, leur ont même fait grâce d'un morceau. Si vous aimez le heavy metal traditionnel de grande classe, au feeling incroyable, qui sait placer de belles speederies quand il faut et mettre la pédale douce pour des moments plus touchants, et qui s'acoquine parfois avec le power US, impossible de passer à côté de ce deuxième album des Canadiens. Les mecs viennent tout de même de placer deux tueries intersidérales en peu de temps, dingue ! Malgré la concurrence sévère cette année, c'est bien
Termination Shock qui remporte la palme du meilleur album heavy metal de 2020. Un putain de chef d'œuvre qui devrait ouvrir bien des portes à Traveler. Une montée en grade par une signature sur un label plus important pour davantage d'exposition et vivre la carrière qu'aurait pu avoir Deaf Dealer ? C'est tout le mal que je leur souhaite.
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