Chaos Catharsis - Extase dans la violence
Chronique
Chaos Catharsis Extase dans la violence
Une belle pochette au mélange de couleurs chaudes et froides rappelant ce bon vieux Exterminate qui m'a tout de suite fait de l'œil. Un nom de groupe sans équivoque. Un titre en français qui met le doigt sur ce qui nous anime tous face au metal extrême. Une origine québécoise souvent synonyme de qualité. Voilà ce qui m'a fait cliquer sur ce Extase dans la violence et non sur tel ou tel autre album parmi les centaines qui sortent tous les mois. Je sentais qu'il y avait moyen d'être pote. À peine la première écoute passée sur Bandcamp et je me mettai en quête de me procurer le CD, finalement déniché sur le label russe Lord of the Sick Recordings chez qui il a débarqué en avril dernier. Bien plus que des potes, c'était des âmes sœurs que nous allions devenir.
Chaos Catharsis, c'est en effet tout ce que j'aime dans le brutal death. Il y a bien longtemps que je n'avais pas été autant remué par une sortie d'un genre en décrépitude pour lequel j'ai perdu beaucoup d'intérêt. Dire que je n'avais jamais croisé ce nom avant de tomber sur Extase dans la violence par hasard alors que le quatuor de Québec existe depuis 2008 ! Le groupe n'a cependant pas fait preuve d'une grande productivité puisque sa discographie se limitait jusque-là à un seul album en 2016, Renaissance psychotique. La qualité plus que la quantité. C'est ce que l'on se dira à l'écoute de ce tonitruant deuxième album. Chaos Catharsis nous propose un brutal death très intense, dense et assez technique, old-school dans le fond via les riffs et le chant si ce n'est trois-quatre gruiks, et moderne dans la forme avec cette production surpuissante qui ne sonne cependant pas synthétique comme bon nombre de sorties du genre. Les Canadiens trouvent leur influence principale chez Suffocation dont beaucoup de caractéristiques se retrouvent ici : les changements de rythme fréquents, le ratio riffs/morceau élevé, la basse bien placée dans le mix, les semi-blasts à la Mike Smith et les parties de tchouka-tchouka thrash, le groove et, la base, le contraste entre accélérations blastées sur riffs rapides et techniques et parties plus simples et groovy, lourdes et grasses, au riffing huileux qui tâche. On pense également à d'autres entités comme Origin, Unmerciful, Odious Mortem (old), Deeds of Flesh voire leurs compatriotes de Cryptopsy.
Alors forcément, quand le modèle se révèle être ton groupe de brutal death préféré, ça aide beaucoup à apprécier l'œuvre. Cela dit, si tous les groupes de BDM prenant exemple sur Suffocation sortaient des merveilles, ça se saurait. Chaos Catharsis réussit donc là où tant d'autres échouent. La première chose qui impressionne, c'est la puissance et l'intensité que dégage la formation. On s'en prend plein les oreilles, un vrai bonheur ! Grâce à la production énorme bien sûr, et aussi parce que le groupe en fout partout, une grande générosité dans la brutalité. Ça tabasse violemment sur une grande partie du disque par le riffing rapide, technique et bouillonnant qui ne tient pas en place du guitariste Christopher Watt, donnant l'impression à l'auditeur d'être une balle de flipper, et par pléthore de blast-beats et semi-blasts (voire deux-trois gravity) de la part de la sulfateuse qui sert de batteur et accessoirement membre le plus connu du trio, Charléli Arsenault (live pour Forteresse, Cantique Lépreux, Au-delà des Ruines, Chasse-Galerie ...). C'est franchement jouissif, d'autant que les riffs s'avèrent le fruit d'un travail de qualité, chose assez rare dans le brutal death d'aujourd'hui. Chaos Catharsis arrive même à sonner de façon intense quand il lève le pied. Car oui, s'il aime nous emporter dans la tourmente, il ne fait pas que foncer dans le tas. Il sait aussi varier les plaisirs sadiques, notamment en apportant beaucoup de groove par, entre autres, ces riffs bien gras (foutre Satan le riff d'intro de "Craniectomie", on n'est pas loin de la jouissance d'un "Catatonia" !). On pourra aussi noter quelques dissonances par-ci par-là, sans oublier une poignée de très beaux solos mélodiques qui nous font regretter qu'il n'y en ait pas davantage. La plus belle preuve de la versatilité des Québécois se trouve sans conteste sur le fabuleux "Un océan de vide", pièce majoritairement mid-tempo mais qui fait quand même un effet bulldozer et ce dès le démarrage sur ce riff sismique qui fait trembler la Terre (l'ouverture de l'opus sur "Oppression de masse" s'avère aussi assez exceptionnelle dans le même genre). Il s'agit en plus du morceau le plus long de Extase dans la violence, atteignant presque les huit minutes sans que jamais l'ennui ne se fasse sentir. Assez incroyable pour du brutal death. Cela montre bien le talent d'écriture des musiciens. Tous les morceaux se révèlent de toute façon assez bavards avec plus de cinq minutes en moyenne. Et ça ne redescend jamais dans la qualité et l'intensité, l'album proposant une homogénéité parfaite emballée dans un tracklisting intelligent.
Une belle prouesse qui ne s'arrête pas là. On connaît la volonté de nos cousins d'outre-Atlantique de mettre la langue de Molière en avant, combat incessant contre l'anglais d'à-côté. À l'instar des excellents Outre-Tombe dont il se révèle un peu le pendant brutal death, Chaos Catharsis, malgré un nom en anglais, a ainsi choisi le français pour ses paroles. Clairement un gros plus qui les démarque et me les fait aimer encore davantage. Les paroles, qui plus est plutôt bien écrites pour le genre, se font ainsi plus parlantes, plus percutantes pour nous autres Français, d'autant que le growl puissant et intelligible de Christopher Watt (le quatrième membre Francis Plamondon ne s'occupant du micro que pour le live) s'avère un des nombreux points forts de Extase dans la violence, participant lui aussi à la brutalité et l'intensité de la musique. Sur "Un océan de vide", son growl se fait même carrément terrifiant ! J'y trouve aussi un côté catchy dans certaines rythmiques vocales (craniectomie, craniectomiiie !). Là encore, on se place dans une efficacité maximale. Même le plus à droite des lecteurs ne pourra s'empêcher de lever le poing et de scander "Oppression de masse" dans un brusque élan révolutionnaire ! Le chant compréhensible en français n'a toutefois pas empêché quelques malentendus de ma part avec quelques hallucinations auditives comme sur "Un océan de vide" où les premiers grognements semblent vouloir dire pousse mousse (je ne te remercie pas, toi qui te reconnaîtras !). Et plusieurs fois par la suite, j'ai toujours l'impression d'entendre la fête est finie !
La fête, quoi qu'il en soit, c'est bien ici. Une fête ininterrompue de blast-beats dévastateurs, de riffs qui tuent, de groove huileux et de growls terribles sur un son maousse costaud. Absolument jouissif ! Du début à la fin, Chaos Catharsis démontre une maîtrise totale en délivrant une véritable leçon de brutal death comme j'aimerais en entendre plus souvent. C'est comme cela qu'il devrait toujours sonner. On retrouve ici tout ce qui fait ou faisait la grandeur de ce style : l'intensité, la brutalité, la technique, le groove et même de vraies ambiances. Sans oublier ce growl génial en français, sorte de cerise sur un gâteau des plus généreux qui pourrait sembler bourratif de prime abord mais qui passe en fait tout seul. Extase dans la violence, qui porte bien son nom, ne souffre de quasiment aucun défaut si ce n'est des solos qu'on pouvait espérer plus nombreux, une basse qui aurait pu se montrer plus aventureuse d'autant que le mix l'avantage ou encore les "spoken words" dispensables sur "Un océan de vide". Pour le reste, on n'est pas loin de l'idée que je me fais de la perfection pour ce genre exigeant. Seuls les Australiens de Depravity, toutefois un léger cran en-dessous, auront su rivaliser cette année dans un style similaire, un brutal death intense mais varié, moderne dans le son mais classique dans ses influences. Ce deuxième opus des Canadiens s'impose ainsi comme une nouvelle référence, un indispensable pour les amateurs de Suffocation et autres joyeusetés. Une énorme tuerie et un gros, gros coup de cœur personnel pour celui qui remporte le titre de meilleur album brutal death de l'année. Et peut-être même bien des dix dernières.
| Keyser 30 Décembre 2020 - 2225 lectures |
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