Trop, c’est trop. Si je n’attendais pas avec impatience la suite qu’allait donner Ad Nauseam au très bon
Nihil quam vacuitas ordinatum est – tant j’avais du mal à imaginer quelle suite apporter à cette album-somme d’une scène death metal technique et dissonante, sorte de
Gorguts surjouissif –, j’éprouvais tout de même une curiosité forte à l’égard de la direction qu’allaient prendre les Italiens. Allaient-ils trouver leur manière propre de jouer un metal extrême et retors qui, devant les derniers excellentes œuvres de
Ulcerate ou même Deathspell Omega (oui, je fais partie des plus-que-convaincus par le retour en forme
The Furnaces of Palingenesia), ne pouvait plus se contenter d’être extrêmement efficace alors que d’autres le magnifient ? Ou alors allaient-ils pousser encore plus loin les curseurs, approfondissant cette délicieuse excessivité marquant leur premier essai, comblant leur manque de personnalité par une bravoure de chaque instant ?
Réponse : un peu tout cela à la fois et pourtant, la déception est là ! Étonnant, tant on ne peut pas accuser Ad Nauseam de s’être reposé sur ses acquis avec
Imperative Imperceptible Impulse. Issu de plusieurs idées longuement réfléchies, ce nouveau longue-durée – dont c’est le premier sous la bannière d’Avantgarde (ayant sorti récemment l’excellent
Ultime pulsation | Demain brûle de Void Paradigm) – marie à la fois un travail fait sur le temps long et une interprétation cherchant à éviter tout maquillage, le rendu brut comme touche finale. En effet, les cinq années séparant les deux albums ont servi aux Italiens à fabriquer leur propre équipement pour atteindre directement un son particulier, à la fois précis et spontané, fluide et organique, permettant de travailler au cœur les couches faisant leurs compositions.
Une démarche très séduisante, expérimentale aussi bien qu’intègre, qui malheureusement ne suffit pas à rendre intéressantes les cinquante-sept minutes de
Imperative Imperceptible Impulse. Dès « Sub Specie Aeternitatis », les riffs enlevés et furieux qui permettaient d’aérer savamment les instants toujours très denses des morceaux de la formation se cherchent mais manquent trop à l’appel. Pris dans son optique d’aller encore plus loin dans l’abscons, Ad Nauseam paraît se perdre à terminer ces titres sans sentiment particulier de progression ou de finalité. Les écoutes répétées, d’abord bienveillantes puis finalement ennuyées, m’ont au fur et à mesure montré que cet élan vers une accumulation de mélodies, d’entrelacements continus d’instruments et motifs, manquait clairement d’un fil rouge, concret ou abstrait, fil qui fait la différence entre un étalage stérile de technicité (que la formation possède à n’en point douter) et une œuvre se servant de ses talents pour créer une proposition artistique plus profonde qu’il n’y paraît au premier abord. Ici, la maîtrise ne dessine rien d’autre qu’une coquille vide où les tourbillons nous perdent sans nous emmener vers un lieu particulier, quelques images d’une transe musicale sauvant par endroits l’œuvre, cf. « Horror Vacui » et le morceau-titre, plus fluides et construits que les autres jams surhumains mais dépourvus d’horizons que sont « Inexorably Ousted Sente » ou l’interminable « Coincidentia Oppositorum » et ses promesses d’escalade de violence vite déçues.
L’impression générale reste donc étrangement tiède devant ces différentes démonstrations de force, tant Ad Nauseam atteint ici un point de non-retour qui plaira peut-être à ceux voyant le metal comme une imposante construction d’ingénieur surdiplômé, aussi complexe qu’inutile, aussi travaillée qu’impraticable. Etant de ceux considérant que la musique, quelle que soit sa forme, quels que soient ses outils, se doit avant tout d’être un vecteur d’émotions et de sensations, je ne suis clairement pas visé par
Imperative Imperceptible Impulse et ses considérations vaniteuses d’épatement et de jusqu’auboutisme. N’ayant jamais aimé les frimeurs sans substance, je passe mon chemin sans regret, retournant vers un prédécesseur gardant pour lui d’accrocher pour mieux balader.
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