Ad Nauseam - Nihil Quam Vacuitas Ordinatum Est
Chronique
Ad Nauseam Nihil Quam Vacuitas Ordinatum Est
Avez-vous déjà entendu parlé des Big Data ? Ces études des masses de données informatiques prennent apparemment (pour le béotien vaguement renseigné et paranoïaque que je suis) une place de plus en plus importante dans nos vies, celles-ci ayant permis de définir les critères favorisant à l'époque la réélection de Barack Obama au poste de président des États-Unis. À un niveau moindre, la série à succès House of Cards a profité de statistiques permettant de prédire sa réussite, par une recherche sur les attentes actuelles des spectateurs. Un outil certes flippant (tant il parvient avec justesse à cibler nos goûts les plus particuliers) mais capable d'offrir des créations nécessairement satisfaisantes – quant à savoir si cela tient plus du produit que de l'Art, je laisse la question à de plus doués que moi pour y répondre.
Je dis ça, car j'ai l'impression que Ad Nauseam a profité de ces outils. Ce jeune groupe formé en 2012, aux membres auparavant inconnus au bataillon (issus aux trois quarts de Death Heaven, formation death metal), tape tellement dans le mille avec son premier album qu'il fait se demander s'il n'a pas usé des enquêteurs les plus experts pour composer Nihil Quam Vacuitas Ordinatum Est. Pratiquant un death metal qui se permet d'être affreusement jouissif et technique mais aussi ambiancé où les noms de Gorguts, Ulcerate ou Deathspell Omega viennent rapidement à l'esprit, les Italiens ont bien potassé leurs leçons sur les courants intéressant de plus en plus nombre d'amateurs de metal bac + 5, cela à un point où il devient difficile de dire ce qui tient du recopiage et de l'assimilation complète frôlant le génie.
Car de ce batteur mimant à la perfection John Longstreth (pour sa justesse et sa vigueur à user de tous les types de blasts mis à sa disposition) et Jamie Saint Merat (pour son feeling apparaissant lors des moments aériens) à ces guitares enchaînant sans jamais se perdre mélodies improbables et accrocheuses ainsi que concassages touchant au mathcore, tout paraît taillé pour plaire aux fanatiques de ce death metal hybride, à la fois à l'aise dans la barbarie la plus sauvage que les instants vécus au ralenti dans le Warp. Un style que l'album Colored Sands de Gorguts avait magnifié et auquel Ad Nauseam se permet d'apporter une folie que la musique jouée avec précision de Luc Lemay manquait parfois. Normal après tout, puisque l'on parle d'un groupe italien et que l'on sait que ce pays n'est pas le dernier pour offrir une lecture excessive du metal ! Sur Nihil Quam Vacuitas Ordinatum Est, tout est débordant, furieux, perçant et baroque, transmettant parfaitement une atmosphère de guerrier perdu dans la galaxie, le manque d'oxygène lui faisant halluciner des images monstrueuses. Dès « My Buried Dream » et son accélération à trois minutes six secondes tellement vigoureuse qu'elle donne envie de sortir son Bolt, le quatuor choisit le camp du death metal impétueux, raffiné à l'extrême dans son art de la boucherie.
Mais tout cela se révélerait vite fatigant sans quelques riffs dont l'évidence marque au fer et Ad Nauseam l'a bien compris. Celui aimant écrire au stylo bic les passages faisant directement mouche ferait bien de renouveler son stock de papier avant d'écouter ces cinquante-six minutes, des morceaux comme « La Maison Dieu », « Terror Haze » (et son rire terrifiant à deux minutes dix secondes) ou « Into the Void Eye » (et ses orchestrations finales évoquant « The Battle of Chamdo » sur Colored Sands) risquant rapidement de lui faire manquer de quoi noter. Ayant pris le parti de ne pas maquiller leur musique outre-mesure (production limpide au possible), les Italiens ne cherchent à aucun moment à avancer voilés, préférant attaquer de front malgré leurs tactiques élaborées.
Une accroche qui donne envie de poursuivre avec eux de nombreuses traversées dans leurs dédales, mais fait voir les quelques défauts présents ici. Parfois trop lisible dans ses influences (à l'image de « Into the Void Eye » dont les guitares cristallines évoquent à s'y méprendre le Deathspell Omega de Paracletus), Nihil Quam Vacuitas Ordinatum Est montre que derrière une maîtrise impressionnante, Ad Nauseam possède encore une marge de manœuvre pour donner un caractère particulier à son (post) death metal. Peut-être devra-t-il aller davantage vers ces quelques moments noise proches de Daughters et The Locust à l'avenir ? En l'état, ce premier longue-durée reste une œuvre imposante méritant pleinement sa belle pochette signée Manuel Tinnemans. Complètement dans l'air du temps mais possédant quelques à-côtés prometteurs pour le futur, les Italiens gagneront sans doute une popularité méritée, figurant en bonne place dans les bilans de fin d'année. 2015, définitivement un excellent cru !
| lkea 8 Avril 2015 - 1773 lectures |
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