Il est temps de réparer une injustice et de laisser – enfin ! – une place plus importante sur ce site à The Gates of Slumber. C’est que ce groupe fondé en 1998 sur les cendres de The Keep par Karl Simon, Chuck Brown et Jason McCash a été marquant pour le doom metal, peut-être bien l’un des plus importants des années 2000. La scène était alors en plein renouveau, Reverend Bizarre ayant rebattu les cartes du doom metal traditionnel avec son fameux
In the Rectory of the Bizarre Reverend en 2002, album devenu culte au fur et à mesure des ans et d’un gain en popularité du style.
Malheureusement, The Gates of Slumber ne semble pas avoir profité du même statut au fil du temps (et ce, malgré son inscription dans le Circle Of True Doom aux côtés de Solstice, While Heaven Wept, Spiritus Mortis, Revelation ou encore Warning). Nom certes connu pour quiconque s’intéresse, même superficiellement, au doom metal, il n’est pas nécessairement un des premiers sortis quand on se penche sur lui, préférant évoquer les vieilles figures tutélaires au risque de faire passer le genre maître du long et lent pour essentiellement passéiste au point d’être dépassé. Une erreur, tant ce groupe de l’Indiana a su, derrière une musique extrêmement codifiée, redonner une saveur neuve à ce doom metal vieux d’allure et pourtant si vivant.
Des influences piochant chez Saint Vitus, Cirith Ungol et Manilla Road, un artwork provenant d’un détail d’une peinture de Brueghel l’ancien (
Le Triomphe de la Mort), remplacé plus tard lors de la réédition de 2012 par Abyss Records par une illustration de Ken Kelly, connu pour ses travaux pour Kiss, Rainbow ou encore Manowar… Tout cela ne transpire certes pas la nouveauté mais la flamme habitant The Gates of Slumber se situe justement dans cette capacité à faire vibrer un imaginaire connu de façon peu commune, alliant l’aspect foncièrement épique de ses thématiques et le classicisme de ses références à une noirceur personnelle. À ce titre,
...the Awakening est peut-être bien le plus âpre, rachitique et austère album de la formation : doté d’une production crue et grésillante (une des meilleures qu’ils ont pu avoir, en tous cas bien plus convaincante que celle moderne et plate avec laquelle Sanford Parker habillera les Ricains plus tard), il n’a pas encore ces moments étincelants, fortement imprégnés de heavy metal, que la bande se plaira à développer sur
Conqueror et surtout
Hymns of Blood and Thunder.
Non, ici on rentre dans un territoire désolé et nocturne, une sorcellerie aux odeurs nauséabondes semblent régner sur les lieux. Tel Sisyphe roulant sa couille dans le Tartare, The Gates of Slumber erre ici avec force et stoïcisme, sans lésiner sur le caractère hostile, profondément tragique, qui se terre à chaque instant dans ces histoires de mythes et légendes. « I walk again with a hunger that never ends » dit Karl Simon sur le morceau-titre : la vie ne tenant qu’à un fil, l’esprit de guerre prenant possession de l’âme, l’atmosphère virile enveloppant l’ensemble se drape également d’une grande fragilité, profitant aussi bien de riffs musclés (« The Jury » ; « The Executionner ») que d’une sensibilité transmise par cette voix se cherchant encore elle-même. Une voix qui n’a pas encore l’assurance qu’elle aura plus tard, mais déjà habitée d’une morgue et d'une candeur qui feront la magie de
The Wretch, dernier album en date du projet.
C’est bien cette manière à la fois convaincue, fervente, et chancelante, donnant le sentiment de pouvoir rompre à chaque instant sous son propre poids, de jouer son doom metal qui fait le sel de
...the Awakening et plus largement de The Gates of Slumber. Ainsi, les passages soulevant le cœur sont déjà nombreux, comme le groove et les stridences à la Dave Chandler de « The Judge », l’épique et barbare « Broken on the Wheel » ou encore la conclusion « soulful » qu’est « The Burial ». Il y a également cette constance dans l’exercice qui épate sur le long terme – une réécoute de cet album en vue de le chroniquer me l’a révélée –, montrant que tout était déjà là dès le départ, prêt à grandir sur des œuvres futures. La sensation de rencontrer un grand en devenir : voilà bien l’ultime qualité de ce disque, que la réédition comprenant le bonus « The Cloaked Figure » (issu de la démo du même nom de 2004) ne fait qu’accentuer.
Pour autant,
...the Awakening reste encore un peu timide, en particulier par rapport à son successeur.
Suffer No Guilt approfondira en effet les choses présentes sur cet album, accentuant encore plus cet amour d’un doom semblant aussi ancestral que les légendes qu’il raconte. Réveillé mais cherchant encore ses appuis, le doom de The Gates of Slumber s’étirera alors, prêt à figurer son héroïsme malade, si canonique et cependant si intime.
Artwork de la réédition
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