Si The Gates of Slumber aura mis six ans à créer son premier album, le tutélaire et prometteur
...the Awakening, à peine deux ans séparent ce dernier de son successeur.
En un sens, cela se ressent.
Suffer No Guilt paraîtra en effet pour quiconque s’y essaye un album rempli de belles choses mais également démoulé un peu trop tôt, dégoulinant hors du plat jusqu’à mettre à l’épreuve les estomacs les plus solides. Soixante-quatorze minutes d’un doom metal empruntant des voies aussi ardues que multiples, tantôt traditionnelles, tantôt plus épiques – voire fricotant avec un heavy metal étonnamment dynamique, les influences de Manilla Road mais aussi Mercyful Fate et Thin Lizzy se montrant plus marquées qu’auparavant –, cela n’est clairement pas pour tout le monde ! Pourtant, là réside sans doute une des plus belles qualités de cet album aussi maladroit que généreux. Une qualité sur laquelle il convient de s’arrêter, tant elle est iconique de ce qui fait la particularité de ce groupe trop souvent assimilé à un cahier des charges respectueux du Vrai Doom Metal.
Soit le même acronyme qu’une Vie De Merde que The Gates of Slumber a toujours côtoyée, allant d’addiction à l’alcool à décès tragiques de ses membres (cf. les disparitions de Jason McCash, J. Clyde Paradis et Iron Bob Fouts, soit un petit cimetière). Rejoignant ainsi les formation de doom laissant croire que l’expression d’une souffrance dans leur musique n’est pas qu’une lubie mais bien celle d’un trop-plein, il l’explore cependant derrière un imaginaire guerrier et horrifique, n’abordant ces thématiques frontalement que dans un
The Wretch paraissant toujours aussi testamentaire malgré la reprise d’activité du projet.
Cela laisse un sentiment particulier, entre plongée dans un monde fantasmé où se côtoient horreurs cosmiques, terres de magie noire issues de la dark fantasy, héros barbares et aventureux… et une hypersensibilité où les larmes, l’effondrement de soi, ne paraissent jamais loin. Un peu comme un narrateur qui aurait la voix étranglée en plein conte, The Gates of Slumber joue un doom épique avec un feeling bien à lui, presque blues et étrangement fragile, où la lenteur devient la nécessité de rester tant le risque de partir pour toujours est grand, où les images de grandeur deviennent un baume pour ceux qui n’ont pu vivre que petit et se sont retrouvés écrasés par les grandes bottes de l’existence. Où derrière le maquillage de fierté, de bravoure, on lutte pour ne pas plier le genou, définitivement abattu.
Il y a de cela dans
Suffer No Guilt, ces mots gravés sur l’épée du père de Conan sonnant alors bizarrement comme des vœux de libération de sa propre culpabilité face aux condamnations de la vie. Entre l’acclamation de temps sombres (le jouissif « Angel of Death » ou encore « Slay the Weak ») et compositions écroulées où la solennité se pare de mélancolie (« Riders of Doom », autre moment fort de cet album), le groupe semble chanter des temps plus grands que lui avec toute la force dont il dispose. Des temps qui sont rêvés plus que vécus, à l’image des instrumentaux « Gemini » et « The Woe of Kings », leur splendeur surannée et inaccessible. Mais c’est quand la voix de Karl Simon apparaît que ce sentiment est le plus intense, son chant entièrement dédié au doom, moelleux et éraillé, gorgé de vie en même temps qu’usé par elle. Sans doute y-a-t ’il eu de nombreuses critiques envers ses performances, notamment au sujet d’un manque de puissance dans ses vocalises. Ce serait passer au second plan ce groove particulier qui l’habite, à la fois émotionnel et emporté, lui aussi guerrier trop frêle pour un monde trop dur.
On ne peut que ressentir de la tendresse pour ce doom-ci, si classique dans sa forme et si humain dans son fond. Excessif,
Suffer No Guilt l’est clairement, dans ces phases ne voulant jamais s’arrêter – le morceau-titre en est un bon exemple, sans oublier évidemment « God Wills It » –, ses longueurs qui deviennent langueur, des appels à s’enfuir dans les livres que l’on dévore, les mythes que l’on s’invente, les paradis et les enfers dans lesquels on se dérobe.
La grâce dans l’échec : voilà sans doute une formule qui pourrait encapsuler ce qui rend chez moi cet album si précieux, en dépit de défauts évidents. Il existe – heureusement ! – beaucoup de disques réussis. Il existe aussi un bon nombre de disques cultes.
Suffer No Guilt est un disque qui fait tout pour être tout cela sans y parvenir tout à fait, un disque qui essaye, touche du doigt l’absolu et paraît se morfondre de ne pas le tenir fermement. Il en attrape alors une beauté propre, finalement plus rare...
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