Zulu - My People...Hold On / Our Day Will Come
Chronique
Zulu My People...Hold On / Our Day Will Come (Compil.)
Zulu, c’est l’histoire d’un jeune musicien américain né de parents originaire de Taïwan et de l’île Sainte-Lucie dans les Caraïbes. Un musicien précoce qui dès l’âge de 9 ans va former avec son grand frère le groupe The Bots qui, excusez du peu, ira faire quelques années plus tard les premières parties de Yeah Yeah Yeahs, Blur et Tenacious D en Angleterre et aux États-Unis... Musicien métissé aux influences variées (Punk, Hardcore, Soul, Rap, Reggae...), le jeune Anaiah Lei va profiter de son temps libre pour écrire et composer seul les morceaux de Zulu, projet qu’il mènera d’abord en solo avant de faire appel à d’autres musiciens histoire d’assurer ici et là quelques dates bien musclées.
C’est tout d’abord via le label londonien Quality Control HQ (Crown Court, Arms Race, Violent Reaction...) que le one-man band américain fait ses débuts avec la sortie en cassette (ainsi que sur Bandcamp) de sa première démo intitulée Our Day Will Come. Bien décidé à ne pas en rester là, Anaiah Lei enchaîne dès l’année suivante avec la parution, toujours sur Quality Control HQ, d’une seconde démo baptisée My People... Hold On. Évidemment limitées et peu pratiques dans leur usage, ces deux démos sont aujourd’hui réunies sous la forme d’une compilation LP concoctée par le label américain Flatspot Records (Mizery, Take Offense, Backtrak, Higher Power, Hands Of God...). Une compilation d’ores et déjà sold out à peu près partout et qui reprend au passage l’artwork de Savannah Imani utilisé initialement pour la démo Our Day Will Come.
Projet particulièrement engagé, l’idée principale derrière Zulu est d’aborder à travers ses paroles des thèmes propres à la communauté noire. Mais également de prouver à quiconque n’en serait pas certains (par manque de confiance en soit ou pire, par manque d’intelligence) que les afro-descendants ont également leur place et leur mot à dire au sein de ces scènes Punk et Hardcore que l’on sait majoritairement menées par des blancs. Sujet délicat et toujours un brin casse-gueule lorsque l’on dit ou ne souhaite parler que de musique mais qui forcément chez Zulu ne peut être occulté puisque toute cette rage, cette intensité et cette énergie, Anaiah les puisent dans ce quotidien, dans toutes ces injustices que l’on entend évoquées à longueur de journées (ou non d’ailleurs) dans les médias et dans ce racisme plus ou moins latent qui ronge nos sociétés. Alors oui, en effet, si vous avez un problème avec tout ça, il va être difficile d’apprécier la musique et le message fort de Zulu.
Bouclée en dix sept minutes, cette compilation présente donc de manière antéchronologique les deux seules sorties de la formation californienne qui depuis le début propose un mélange de Hardcore et de Powerviolence particulièrement virulent. Bien qu’exacte, il serait néanmoins dommage de réduire Zulu à cette seule description puisqu’à vrai dire les samples et autres interludes à la fibre Soul évidente jouent ici un rôle majeur dans la construction de l’identité de cette jeune formation bien décidée à faire entendre sa voix. De Nina Simone sur l’introduction de "We’ve Only Just Begun" à Carl Weathers aka Chubbs Peterson dans Happy Gilmore sur la conclusion de "We’ve Only Just Begun" en passant par Ruby & The Romantics sur "I Sit Alone In My Four Cornered Room Staring At Candles", Malcolm X (le discours présent à la fin de "Things Ain’t Gonna Change"), Buju Banton sur "Watching From The Sideline" ou bien encore Eddie Kendricks sur "Now They Are Through With Me", les emprunts et autres références à la culture afro-américaine (et jamaïcaine) ne manquent pas. Saluons également ce discours introductif où Anaiah Lei choisi de laisser sa place à une femme pour que celle-ci puisse s’exprimer sur sa condition (celle de femme noire) et les doubles peines que cela implique au quotidien. Bref, derrière cette forme épurée et radicale d’expression qui va prendre la forme de compositions "coup de poing" à la fois intenses, violentes et expéditives, il y a toutes ces paroles et références qui comptent au moins tout autant et qui forcément sauront résonner auprès de tous ceux qui pensent vraiment le mot "unité".
Clairement pas là pour rigoler, Anaiah Lei, propose donc ici un mélange de Hardcore et de Powerviolence qui dans son exécution n’a en soit rien de très original. Mais là n’est clairement pas l’essentiel puisqu’en plus de ces paroles acerbes et sans équivoques, le garçon que l’on retrouve également chez les excellents Dare dont on parlera prochainement semble avoir mis un point d’honneur à accoucher de compositions ultra efficaces. Passées entre les mains expertes de Joe Smalls (Our Day Will Come) et Zach Tuch (My People... Hold On), ces deux démos (et notamment My People... Hold On) bénéficient de productions en béton armée qui vont permettre de décupler la puissance de ces breaks parpaings et autres séquences particulièrement chargées (l’entame absolument redoutable de "Now They Are Through With Me" et même un peu plus loin à 0:54, "Straight From Da Tribe Of Tha Moon" à 0:07 et ses dernières secondes bien lourdingues, "Do Tha Right Thing (And Stop Frontin')" à 0:49...). Certes, la différence en matière de rendu reste notable entre ces deux sorties mais il n’y à rien de préjudiciable à l’appréciation de l’une ou l’autre, bien au contraire. Et si Zulu se plaît à briser des nuques il aime également faire chalouper ses auditeurs à coups de passages au groove pour le moins fiévreux ("Now They Are Through With Me" à 0:15, "Straight From Da Tribe Of Tha Moon" à 0:21, "On The Corner Of Cimarron And 24th" à 0:16, l’introduction de "Do Tha Right Thing (And Stop Frontin')", etc).
Évidemment à l’opposé de ces passages écrasants ou au groove pour le moins irrésistible se trouve ces fulgurances sauvages et intenses lors desquelles Anaiah explose de rage. Des moments aussi brefs que destructeurs menés à coups de riffs très simples mais ô combien redoutables et de blasts explosifs et impitoyables ("Now They Are Through With Me" à 0:29, "Straight From Da Tribe Of Tha Moon" à 0:37, "I Sit Alone In My Four Cornered Room Staring At Candles", "Things Ain't Gonna Change" à 0:15...) et qui au final ne prêtent absolument pas à sourire bien qu’ils soient tous particulièrement réjouissants.
Sortie providentielle pour tous ceux qui ont décidé de ne pas succomber au retour de la cassette, My People...Hold On / Our Day Will Come s’est rapidement imposé comme un incontournable de 2021 pour tous ceux qui gravitent de près comme de loin au sein des scènes Punk / Hardcore. Certes le discours est engagé et les prises de positions bien campées mais c’est justement l’essence même de ces musiques qui s’inscrivent depuis le départ dans une critique de nos sociétés discriminatoires et inégalitaires. Bref, si vous cherchez à écouter ou à découvrir un disque qui vous secoue les conduits auditifs bien comme il faut tout en vous faisant réfléchir et éventuellement revoir vos perceptions sur les conditions de certaines personnes dans nos sociétés, My People...Hold On / Our Day Will Come ne devrait pas manquer de répondre à vos attentes.
| AxGxB 2 Décembre 2021 - 1083 lectures |
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