Alors qu'aujourd'hui encore, nombreux sont les groupes à reproduire fidèlement les codes pourtant éculés d'une scène Hardcore qui semble avoir bien du mal à se renouveler, quelques groupes vraisemblablement plus inspirés tentent à leur manière d'apporter un soupçon de fraicheur face à cette politique du mimétisme à outrance.
A ce petit jeu là, les Américains de Defeater sont certainement parmi les groupes les plus excitants du moment. Formé en 2004 à Boston tout d'abord sous le nom de Sluts, il faudra attendre 2008 pour que le groupe sorte enfin son premier album, l'excellent
Travels. Disponible dans un premier temps via le label Top Shelf, l'album sera réédité l'année suivante par Bridge Nine. Depuis, la notoriété du groupe n'a cessé de croître. Il faut dire que Defeater a tout de suite su séduire grâce à un Hardcore moderne et intelligent tout en émotion et qui depuis
Travels, s'appuie sur un concept original, intéressant et particulièrement bien conté.
Un concept qui prend ses racines dans l'Amérique meurtrie de l'après seconde guerre mondiale. Ainsi dans
Travels, Defeater nous racontait l'histoire d'une famille touchée par la pauvreté, d'une mère accro à l'héroïne, d'un père violent et alcoolique et de leurs deux enfants. Deux frères qui vont se déchirer. En effet, l'ainé va assassiner son père et prendre la fuite en abandonnant le plus jeune à une mère de plus en plus touchée par son addiction. Avec
Empty Days & Sleepless Nights, Defeater reprend cette même histoire mais en la racontant du point de vue de ce frère abandonné ravagé petit à petit par l'amertume et la haine et qui lui aussi va sombrer dans l'alcoolisme pour finir par ressembler de plus en plus à son propre père. De cette histoire va naitre un désir de vengeance chez ce frère laissé pour compte.
Si on pourra reprocher à Defeater de "surfer" sur ce concept depuis maintenant deux albums et un EP (
Lost Groud s'intéressant à un personnage secondaire), il faut bien reconnaitre que cela lui donne toute la matière nécessaire pour mettre en musique cet éventail d'émotions vécues par l'ensemble des protagonistes. Et effectivement, l'un des atouts majeurs de Defeater réside dans cette sensibilité à fleur de peau, ces émotions sincères et intenses qui habitent chacun de ses morceaux. On est ici bien loin des stéréotypes du genre. Exit les mosh parts ou les sing along, exit aussi les tough guys bas du front et la "bad ass" attitude qui va avec. La musique de Defeater fait davantage le pont entre Hardcore, Screamo, Indie Rock et Punk Rock. En atteste principalement ce jeu de guitare tout en nuances, tantôt saturé et incisif ("Warm Blood Rush", "White Knuckles"...) tantôt mélodique et touchant ("Dear Father", "At Peace"...). Un jeu de guitare qui vous prend aux tripes et vous donne la chair de poule, symbolisant parfaitement ces tensions exacerbées, la détresse de ce frère abandonné, ces moments de doute, de pleurs, de rage... A ce petit jeu là, le tryptique "Warm Blood Rush", "Dear Father" et "Waves Crash, Clouds Roll" suffit à nous hérisser le poil. Jamais Hardcore n'avait été aussi beau et passionné, plongeant l'auditeur dans un tourbillon émotionnel fort et intense. Mais même avec la larme à l'oeil, Defeater ne perd pas de sa virilité. Car le groupe de Boston reste malgré tout un groupe de Hardcore avec ses moments de bravoure. En atteste les excellents "Warm Blood Rush", "No Kind Of Home", "White Knuckles" ou encore "Quiet The Longing" sur lesquels se côtoient une batterie nerveuse et dynamique, un chant rageur et passionné, des guitares incisives et mélodiques, une basse vrombissante servit par une production impeccable.
Le second point fort de Defeater c'est bien évidemment son chanteur, Derek Archambault, capable tout en criant d'exprimer la joie, la peur, la haine, la douceur, l'angoisse... Là encore une multitude d'émotions servit avec toute la sincérité du monde. Et toute la difficulté est là, réussir à retranscrire cette histoire en la faisant sonner la plus vraie possible. Ne pas trop en faire tout en donnant à l'auditeur la possibilité de s'immerger dans cette histoire comme on peut le faire au cinéma ou avec un livre. Exercice réussi.
Découpé en deux parties bien distinctes, cet album de Defeater nous donne à voir les deux visages de Defeater. Visages que le groupe n'a jamais vraiment caché mais qui pour la première fois se distinguent l'un de l'autre. Après un
Empty Days ancré dans les origines Hardcore de Defeater, les quatre titres de
Sleeples Nights s'orientent dans un tout autre registre également très cher à nos cinq garçons de Boston, soit une Folk simple et touchante sans trop d'artifices. On serait en droit de s'attendre à quelque chose de bancal mais Defeater maîtrise quand même pas mal son sujet. A tel point qu'on en vient à se demander si le groupe ne serait pas capable de nous sortir un album entièrement composé d'hymnes Folk. Seul petit regret, quelques arrangements pas forcément bienvenues (violon, violoncelle), notamment sur le titre "Brothers". A l'inverse, le groupe est nettement plus convaincant lorsqu'il se contente d'être simple comme sur les superbes "I Don't Mind" et surtout "Headstone".
En continuant de développer son concept autour de ces mêmes protagonistes, Defeater ne surprend plus autant. Toutefois, la recette fonctionne toujours aussi bien et il est agréable de voir un groupe se donner autant de peine pour proposer quelque chose d'original se démarquant ainsi très nettement du reste des groupes évoluant dans le Hardcore. Defeater nous propose ici une histoire, des personnages avec du fond, des émotions, des sensations, une musique riche et intelligente, variée et passionnée le tout servit dans un magnifique digipack à la façon d'un livre où chaque titre est illustré par une photo. Quel travail! Si vous êtes un tant soit peu réceptif au Hardcore moderne de groupes tels que Verse, Have Heart ou Ceremony, vous ne pouvez absolument pas passer à côté de Defeater. Une future référence.
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