Sans dire qu’il était totalement inattendu puisque nous étions tout de même encore quelques-uns à espérer voir ce jour arriver, le retour d’Alda officialisé par Eisenwald il y a de cela quelques mois maintenant fût néanmoins l’une des bonnes nouvelles de 2021. En effet, six ans après un troisième album particulièrement convaincant (l’excellent
Passage chroniqué ici même par Dysthymie), il était grand temps que les Américains viennent faire à nouveau parler d’eux et rappellent à tous ceux qui l’auraient oublié ou qui ne l’auraient tout simplement pas encore expérimenté, qu’il est l’un des groupes les plus intéressants à évoluer dans ce que certains nomment le "Cascadian Black Metal".
Originaire de Tacoma dans l’état de Washington, Alda fait en effet parti de ces groupes possédant une conscience environnementale particulièrement affirmée. De Wolves In The Throne Room à Agalloch en passant par Skagos, Ash Borer et quelques autres encore (notamment si on choisi de ne pas se baser uniquement sur l’origine géographique de ces formations), on va retrouver chez Alda un profond respect pour cette nature qui l’entoure ainsi que son histoire et son folklore. Le groupe va ainsi puiser l’essentiel de son inspiration dans ces montagnes boisées et humides de la chaîne des Cascades mais également dans une partie de cet héritage Folk nord-américain, celui des pionniers, trappeurs et autres chercheurs d’or ayant en leur temps arpenté maints sentiers en chantant cette vie de dur labeur.
Baptisé
A Distant Fire, ce quatrième album marque le retour très attendu d’un Alda que l’on croirait pourtant avoir quitté la veille. En effet, malgré ces six longues années d’absence, on constate très vite que rien n’a vraiment changé du côté des Américains dont le line-up n’a d’ailleurs pas bougé d’un iota depuis la formation du groupe en 2007. Si quelques têtes nouvelles font ici leurs apparitions, soit en tant que producteur (Jake Superchi), illustrateur (Craig Strother) ou encore musiciens spécialement invités pour l’occasion (Marit Schmidt et Jake Superchi), ces retrouvailles se font néanmoins sans heurts, avec notamment beaucoup d’émotions ainsi, il faut bien l’avouer, qu’un petit peu de soulagement puisqu’en effet il est heureux de constater que toutes ces années n’ont altérés ni la motivation ni le talent de ces quatre américains à créer ce genre de pièces musicales uniques, capables de vous hérisser le poil mais aussi et surtout de vous faire voyager loin, très loin…
Dès les premiers accords acoustiques de l’excellent "First Light" on se retrouve embarqué dans ces paysages boisés et majestueux qui s’étendent sous nos yeux à perte de vue. Une immersion dans ces territoires sauvages nord-américains du 19ème siècle qui font se bousculer dans nos têtes tout un tas d’images que l’on pourrait presque toucher du bout des doigts. Celles de chevauchées à brides abattues dans d’immenses plaines verdoyantes, de veillées au coin du feu sous des ciels étoilés envoûtants, d’errances solitaires et initiatiques ou de paysages naturels à couper le souffle... Néanmoins, même si ces quelques séquences acoustiques ("First Light", "Stonebreaker" à 4:38, la première et toute dernière partie de "Drawn Astray", "Loo-Wit", les trois premières minutes de "A Distant Fire" puis plus tard à compter de 8:38) participent naturellement à l’élaboration de ces atmosphères d’un autre temps, ce sont surtout ce violoncelle ("First Light", "Stonebreaker", "A Distant Fire") et cet alto ("First Light", "Stonebreaker") joués respectivement par Stephanie Knittle et Marit Schmidt qui donnent à ces moments des allures de bande-originale de film qui à titre personnel m’évoquent celle composée par Nick Cave et Warren Ellis pour le film The Assassination Of Jesse James By The Coward Robert Ford (bande-originale que je vous recommande d’ailleurs chaudement).
Moins cinématographiques mais tout aussi immersives, ces mélodies dispensées tout au long de l’album par le duo Tim Brown et Jace Bruton qui nous régalent sans jamais faillir de ces riffs racés, tour à tour mélancoliques, épiques, mystérieux, évocateurs et parfois même empreints d’une certaine fragilité... Un travail soigné qui rappelle évidemment celui d’un certain Agalloch avec qui le parallèle semble toujours aussi évident tant les deux groupes cultivent peu ou prou à travers leurs musiques ce même retour à la terre.
À la différence de son prédécesseur,
A Distant Fire rééquilibre les forces en présence pour un résultat plus agressif et dynamique. Si les passages Folk sont donc évidemment toujours de la partie, ces derniers occupent ici un petit peu moins de place. Un choix qui devrait à n’en point douter ravir les amateurs de la formation quelque peu déçu par un
Passage jugé par certains comme étant trop porté sur les atmosphères. Ici l’équilibre est rétabli et s’il y a bien une chose qui qualifie ce quatrième album c’est le retour à une certaine dynamique et l’impression qu’effectivement Alda a quelque peu retrouvé du poil de la bête. Aidé par des compositions au long cours, le groupe fait ici un travail de nuances particulièrement agréable qui donne la sensation d’un disque haletant et en même temps bourré de respirations aux tonalités automnales et boisées. De "Stonebreaker" à "Drawn Astray" en passant par "Forlorn Peaks" et "A Distant Fire", les moments purement Black Metal ne manquent pas et apportent ainsi une touche d’agressivité bien mieux dosée faisant de ce quatrième album un disque plus immédiat et finalement un peu plus convaincant que son pourtant très bon prédécesseur. Ces moments plus violents vont également venir souligner d’une certaine façon l’urgence de quelques unes des paroles scandées par un Michael Korchonnoff toujours aussi passionné et sincère :
"Stone by stone does this edifice rise to sunder the Earth and black out the Sky. We grasp upwards, sinking faster"),
"For the path we tread upon the future is clear. The trail is well worn. Where it ends, we will find our demise",
"Where trees are burned to their core, fields to their stalks. Our vision uncertain, our fate unwritten before the distant glow of devastation"
Articulé autour des mêmes ingrédients qu’auparavant,
A Distant Fire renoue néanmoins avec une énergie et un dynamisme qui sans avoir disparus semblaient néanmoins relégués au second plan d’un album aux qualités pourtant évidentes. Plus proche d’un
:Tahoma: que d’un
Passage, ce quatrième album ne devrait donc pas manquer de séduire davantage tous ceux qui en 2015 émettaient quelques réserves à l’encontre de son prédécesseur. Et si les amateurs de la formation américaine n’auront probablement pas attendus cette chronique pour se plonger corps et âme dans la découverte passionnante de ce nouvel album, j’espère que ces quelques paragraphes auront suffit à motiver aux plus curieux d’y jeter une oreille attentive. Si les livres ont cette capacité à faire voyager le lecteur, certains groupes et albums la possèdent également. C’est le cas d’Alda et de cet excellent
A Distant Fire qui promet à quiconque y posera ses oreilles une plongée particulièrement immersive dans ces montagnes humides et boisées de la chaîne des Cascades et d’une manière plus générale la possibilité de se reconnecter (fébrilement, je le concède) à cette nature qui fait souvent cruellement défaut à nous autres citadins ainsi qu’à tous ceux qui vivent sans prendre le temps de vivre et de se régaler de ce que celle-ci a à nous offrir au quotidien. Bref, un album idéal en ces temps malheureusement incertains...
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