Otargos - Fleshborer Soulflayer
Chronique
Otargos Fleshborer Soulflayer
Avec l’âge on évolue… c’est un fait avéré et qui s’est souvent passé au sein de l’industrie musicale quel que soit le style pratiqué et la notoriété de ses auteurs, si certains peuvent logiquement parler d’opportunisme pour d’autres il y’a ce besoin de s’éloigner de certaines convictions ou racines juvéniles, pour proposer quelque chose de plus mature et en phase avec son temps. Fêtant en ce moment ces vingt années d’existence la formation menée par l’inamovible Dagoth a appliqué à la lettre ce choix, passant d’une inspiration très classique à ses débuts vers une influence plus futuriste et moderne à l’heure actuelle, où se mêle la technologie et le jeu en réseau via des textes inspirés notamment par le Warhammer 40K. Si on avait déjà pu sentir sur le très bon « Apex Terror » que le quatuor s’éloignait de sa base initiale celui-ci avait poussé plus loin l’expérience sur le tout aussi réussi
« Xeno Kaos », qui montrait une musique plus froide et artificielle et dont le résultat n’avait pas manqué de faire parler comme pour chacune de ses sorties. Toujours fidèle à l’écurie Xenokorp son leader a en revanche vu une fois encore les grandes manœuvres s’opérer autour de lui (de cette précédente livraison ne subsiste que le bassiste Manu Pliszke) avec le retour d’Astaroth à la guitare et l’intégration du batteur Michaël Martin (ex-EXOCRINE et FLESHDOLL), du coup il n’est pas étonnant qu’entre cela et les confinements successifs il se soit déroulé six ans (un record) pour que ce septième album voit le jour.
De ce côté-là il n’y a pas de grands changements à attendre vu que ça reprend les mêmes bases que celles de son prédécesseur avec néanmoins une accroche plus immédiate et une herméticité moins importante, ce qui est une bonne chose vu qu’effectivement cela avait été peut-être un peu trop poussé à l’instar de la durée générale qui était sans doute trop longue. Ayant sans doute tenu compte de ce point précis le combo a raccourci son propos au maximum en livrant (et ce sans compter les plages bonus) le disque le plus court de toute sa carrière un choix qui va s’avérer payant dès la doublette « Incursion Of Chaos » / « Xenos », qui en à peine plus de trois minutes chacune donne le ton de ce que va être ce long-format. Etant basée sur le même modèle pour l’une comme pour l’autre avec deux parties distinctes où tabassage et vitesse intense côtoient des parties lentes et rampantes à la dynamique imposante et à la relative sobriété, celles-ci voient l’ajout de samples électroniques discrets et efficaces sur fond de classicisme exacerbé, où cohabite la facette actuelle de l’entité mais aussi un léger retour aux origines. Si ce point est encore peu présent ici il va s’afficher de façon plus claire dans la deuxième partie de cette galette, car pour l’instant le pendant moderne reste prépondérant… la preuve avec le rampant et froid « Blessed By Pestilence » qui joue plus sur la lourdeur et le côté massif à la double pédale, l’occasion de saluer le boulot du frappeur qui malgré son haut niveau technique n’en fait jamais des tonnes. Cela s’entend dans la foulée sur le dense et équilibré « Fleshborer Soulflayer » qui met en avant tout la palette de jeu des mecs, entre ralentissements pachydermiques et accélérations explosives… tout cela avec un break aux accents électroniques certes un peu forcé et qui tombe comme un cheveu sur la soupe, mais qui offre un rendu très convenable pour mieux faire redémarrer la machine ensuite.
Celle-ci va carrément grimper en puissance et qualité sur le redoutable « Larva Venom » qui ne cesse de jouer en continu sur la brutalité et les rythmiques débridées, pour offrir le morceau le plus radical de ce cru 2021 tant ça ne débande jamais et conserve toute son attractivité sans y perdre en férocité. Si ça peut facilement rappeler les grandes heures de « Fuck God-Disease Process » de par la noirceur et la violence qui s’en dégagent (ainsi que par le son plus organique) le résultat n’en est que meilleur et montre que la bande a toujours de beaux restes et qu’elle sait encore conserver une certaine sobriété que l’on croyait disparue, ou du moins partiellement. Si le suffocant et lourd « Daemonfire » qui s’enchaîne montre une qualité d’écriture un peu moindre et une certaine linéarité générale (bien que restant quand même fort convenable), la conclusion va être nettement plus intéressante même si ça reste convenu et sans surprises. Car entre l’énervé et violent « Cyclones Of Steel » et le plus technique et massif « Sentinel » (porté une ambiance aérienne et éthérée pas dégueulasse) tout cela se termine fort convenablement et prouve que la longue attente en valait la peine, et qu’elle est largement comblée.
Sans être un incontournable cet opus se place dans le haut du panier des aventures musicales des sudistes qui continuent leur petit bonhomme de chemin contre vents et marées, et ce malgré les habituelles mauvaises langues. Si tout cela reste balisé et convenu (sans pour autant changer la donne envers le statut des bordelais) cet équilibre entre ses deux périodes se révèle bien foutu et accrocheur, et ce même si on a parfois la sensation d’un recyclage permanent du côté des riffs et des patterns – mais qui est largement compensé par la composition directe et affûtée ainsi que la durée qui ne s’éternise pas. Du coup sans pour autant gagner de nouveaux fans (et sans marquer les bilans annuels de son empreinte) l’entité conservera ceux déjà présents et ça n’est déjà pas si mal dans un genre devenu aussi concurrentiel dans l’hexagone, où il est de plus en plus difficile de durer dans le temps et de se maintenir à un certain niveau d’efficacité… chose qui est le cas ici.
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