Rares sont les groupes et les disques de Grindcore qui parviennent à me toucher. Disons que, comme nombre d'entre nous, ce n'est pas ce que je recherche en priorité dans le style. J'ai beau me creuser la soupière, hormis les groupes menés par Jon Chang (
Discordance Axis,
No One Knows What The Dead Think et surtout
Gridlink), pas moyen de mettre le doigt sur une formation qui, au delà de m'administrer de bonnes tartines de doigts, parviennent à me remuer. Mais ça, c'était avant
"Threshold".
Pourtant, entre
Cloud Rat et moi, ça n'a pas collé immédiatement. Il m'a fallu un peu de temps pour accepter ce que je considérais comme de menus défauts : des compositions faussement alambiquées, des élans pleurnichards qui tombaient un peu à plat, un chant pas toujours à-propos... Découvert sur le tard avec
"Pollinator" et sa pochette cryptique, également paru chez Artoffact en 2019, le trio mené par Madison Marshall m'était plutôt sympathique, sans plus - disons que je ne me retrouvais pas dans l'immense enthousiasme de ses auditeurs. Il manquait ce petit quelque chose qui suscite le déclic, que je n'ai pas réellement trouvé malgré les allers et retours assez réguliers de la galette sur ma platine. Et nous revoilà, trois ans plus tard.
On ne peut pas dire que
Cloud Rat ait fondamentalement changé sa recette. Pourtant, cette fois-ci, c'est la bonne :
"Threshold" est l'album que j'espérais, celui qui me ferait définitivement tomber amoureux du groupe. Un coup de foudre, et un chef-d’œuvre en puissance, ni plus, ni moins. La fougue d'un Grindcore dopé aux émotions pures, presque naïves, coupé à des élans quasi-Screamo, justement dosés (tant mieux, le style me collant immanquablement des plaques), des compositions presque progressives tant elles cherchent à briser les carcans d'un genre bien balisé...
"Threshold", c'est une raclée, oui... Mais administrée avec l'énergie du désespoir. Une atmosphère unique, où chacun verra, ressentira ce qu'il pourra - abstrait jusque dans sa superbe pochette, signée Jacob Van Loon
*. Quinze élans de désir fou, abattus en plein vol par la sinistrose ambiante, une demie-heure de colère sourde, d'envie d'y croire, parfaitement résumée par l'aphorisme ouvrant le livret :
"An infinity of possible nows, each of them real, all of them meaningless".
Fait-maison, car enregistré par le guitariste Rorik Brooks, puis confié aux bons soins d'Harris Newman pour le
mastering,
Threshold se paie le luxe d'une production parfaite. Rien que ça. La batterie folle de Brandon Hill claque sèchement (cette caisse claire, putain !!), ses roulements et
breaks tonitruants en voleraient presque la vedette à ses deux comparses... Si ces derniers n'avaient pas été aussi inspirés. Rorik dispense des riffs tantôt teintés de Death, tantôt teintés de Punk, toujours à propos, et mis en valeur par cette section rythmique galopante. Madison, quant à elle, trouve enfin sa place dans le spectre, et tant mieux - car c'est elle qui mène la danse. Un chant viscéral, plaintif, à peine maîtrisé - Il déborde, se brise parfois en quasi-sanglots. Et c'est bien ce qui le rend si attachant.
"Threshold" est touchant, oui, car il est sincère dans ce qu'il raconte, ce qu'il transmet. Si
Cloud Rat montre qu'il excelle dans la violence frontale ("Cusp", "Persocom" et ses folles descentes de toms), c'est bel et bien lorsque les larmes montent aux yeux qu'il se montre le plus convaincant - et font les meilleurs titres du disque. "12-22-09" dont les riffs lavasses rappellent furieusement les plus belles heures de
No Omega (en particulier l'album
"Shame"), l'hallucinant single
"Kaleidoscope" et son clavier diffus qui hante les frappes épileptiques d'un batteur au sommet de son art, et surtout, surtout la conclusion "Babahaz", symbiose parfaite entre l'agression suprême d'une première moitié menée tambour battant, et le profond abattement d'une seconde moitié qui laisse entrevoir la lumière à travers son déluge de nappes
noise.
On ressort de
"Threshold" lessivé, comme après la dispute de trop, la mauvaise nouvelle, la rupture difficile. Vidé, entamant un processus de deuil qui s'annonce difficile - Déni, colère, marchandage, dépression, et enfin, l'acceptation et l'espoir qui va avec, même s'il est insensé. Là est toute la force du disque, et tout le génie de
Cloud Rat : transmettre tant de choses par de
simples blast-beats, riffs éminemment Punk, et paroles glapies. Le trio de Mount Pleasant signe ici non seulement son meilleur disque, mais également ce qui s'impose, petit à petit, comme l'un des meilleurs albums de l'année, tous genres amplifiés confondus - si j'étais taquin, je dirais même que c'est pas la peine de sortir un autre disque de Grindcore avant 2023... Mais je suis quand même curieux d'écouter le premier jet de
Bandit, prévu pour Décembre.
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