Si vous êtes amateurs de Hardcore chaotique et noisy, vous n’avez probablement pas pu passer à côté de la nouvelle qui a agité la scène Hardcore européenne la semaine dernière. En effet, vingt-trois ans après leur dernier passage dans nos contrées, les Américains de Botch (qui avaient déjà suscité pas mal d’émoi l’année dernière avec l’annonce de leur reformation passagère) fouleront à nouveau les planches européennes. Alors bon, ce retour sur le vieux continent est pour le moment plutôt timide puisqu’il se limite à trois dates seulement (dont une au Hellfest) mais tout de même, avouez qu’il y a de quoi être sacrément enthousiaste. Du coup, face à cette actualité inespérée (et parce que j’ai aussi ma place pour leur concert de Haarlem aux Pays-Bas), il me semblait opportun de compléter le travail commencé ici par mon cher Ikea (R.I.P.) et donc me pencher sur le premier album des Américains.
Formé en 1993 à Tacoma dans l’état de Washington par quatre jeunes lycéens (Dave Verellen (chant), Dave Knudson (guitare), Brian Cook (basse) et Tim Latona (batterie)), Botch entame un début de carrière tout ce qu’il y a de plus classique avec la sortie en 1995 d’un premier EP intitulé
Faction sur deux petits labels du cru (World Of Hurt Records et Threshold Records). La suite ne se fera pas beaucoup attendre puisque le groupe signe son retour dès l’année suivante avec la sortie d’un second EP intitulé
The John Birch Conspiracy Theory sur Phyte Records (Left For Dead, Ochre, Good Clean Fun, Endeavor...) auquel succèdera en 1997 un split avec leurs compatriotes de Nineironspitfire sur le label Indecision Records (Strife, Kill Holiday, Unbroken, Adamentium...). Se faisant, Botch commence à attirer l’attention sur sa petite personne, notamment celle d’Aaron Turner (Isis, Old Man Gloom, Twilight, Mamiffer, SUMAC...) du label Hydra Head Records qui leur proposera alors de participer en compagnie des excellents Cave In à un split de reprises en hommage aux Anglais de Black Sabbath (une série baptisée
In These Black Days marquée par les contributions d’autres groupes de choix tels que Converge, Coalesce, Eyehategod, Neurosis, Soilent Green, Jesuit, Cable, Today Is The Day, Brutal Truth, Anal Cunt et Overcast). Une rencontre qui débouchera sur la sortie en mai 1998 de ce premier album intitulé
American Nervoso.
Enregistré en quelques jours au Litho Studio de Seattle (dont le propriétaire n’est autre que Stone Gossard, guitariste du groupe Pearl Jam) sous la houlette du producteur Matt Bayles (Soundgarden, Pearl Jam, Deftones, Brad, Mudhoney...) ce premier album porte sur lui certains des stigmates typiques des sorties Hydra Head de l’époque (les gros-plans qui de prime abord ne font pas vraiment sens, ces schémas et autres plans sortis d’on ne sait où, ces typographies écorchées (à l’intérieur du livret), ce petit côté arty fais de bric et de broc et autres collages, etc). Un artwork signé du guitariste Dave Knudson qui encore aujourd’hui reste parmi les plus emblématiques du genre.
Alors si les Américains côtoient effectivement la perfection sur l’excellent
We Are The Romans, j’ai du mal à partager l’avis d’Ikea lorsque celui-ci affirme dans sa conclusion :
"Il y a eu et, définitivement, il n’y aura que lui.". Peut-être que mon histoire avec le groupe et ma découverte de celui-ci à l’époque de la sortie de ce premier album y sont pour beaucoup mais s’il me fallait choisir aujourd’hui (et même hier), je crois que j’en serais totalement incapable... De fait, tout comme l’exprimait mon regretté collègue dans la chronique de son successeur,
American Nervoso va très vite s’imposer comme l’un des maitres-étalons du Hardcore Chaotique moderne. Bien sûr, on sait tout que la paternité du genre ne lui revient pas (coucou Rorschach) mais avec quelques autres (Converge, Cave In, Coalesce, The Dillinger Escape Plan...) il est de ces groupes qui ont largement contribué au développement et à la popularité du genre, notamment à la fin des années 90.
Ainsi à titre personnel, je ne trouve pas qu’il y ait beaucoup de différences entre
American Nervoso et
We Are The Romans. Sur la forme, peut-être, dans la mesure où la production de Matt Bayles sur ce premier album s’avère effectivement un poil plus abrasive et certainement plus sèche mais sur le fond pas vraiment… Déjà à l’époque c’est bien la guitare syncopée et nerveuse de Dave Knudson qui menait la danse grâce à ces riffs à l’efficacité immédiate mais aux tournures pour le moins tarabiscotées et bruyantes. Une approche particulièrement incisive offrant une véritable variété de rythmes tout au long de ces trente-cinq minutes frénétiques néanmoins nuancées par quelques passages plus en retenue (on pense par exemple à "Hutton's Great Heat Engine" et à ce moment débuté à 2:38 habilement souligné par les paroles suivantes :
"It’s so quiet here", aux premiers instants de "Dead For A Minute" (titre qui donnera son nom à un excellent groupe français évoluant naturellement dans le même registre) suivi de cette séquence entamée à 1:58, de "Oma" et ses derniers instants au piano...) permettant très justement de mettre encore davantage en exergue tous les moments plus intenses qui ponctuent
American Nervoso. Une approche dynamique et cadencée qui confère à la musique des Américains ce côté à la fois intense et complexe et en même temps terriblement accrocheur. Car toutes ces dissonances, larsens et autres passages chaotiques ne sont pas là pour assommer l’auditeur et le laisser sur le bas côté mais bel et bien pour l’embarquer dans ce tumulte éprouvant et mouvementé. Seulement monsieur Knudson n’est pas le seul à mériter les honneurs ici. De ces lignes de basse aux rondeurs aguicheuses qui posent les bases d’une section rythmique pleine d’énergie, de groove et de vivacité à cette batterie chaloupée qui nous régalent de ces plans syncopés et viriles quelque part entre Jazz, Hardcore et Metal sans oublier bien évidemment le chant écorché et passablement énervé (doux euphémisme) d’un Dave Verellen constamment au bord de la rupture, ce premier album n’est pas l’accomplissement d’un seul homme mais le travail de quatre garçons touchés par la grâce.
Aussi face à ce monument de la scène Hardcore dite Chaotique, je n’ai pas d’autre choix moi non plus que de lui mettre la note maximale. Bien entendu, la découverte de celui-ci à l’époque de sa sortie joue très probablement un certain rôle dans l’appréciation que je peux lui porter encore aujourd’hui mais très honnêtement, je ne trouve pas qu’il soit foncièrement en deçà de son successeur qui lui non plus n’a pas volé la note qui lui a été attribué. Pour moi, tout est déjà là, parfaitement dosé, savamment orchestré, brillamment exécuté, intelligemment restitué. Ainsi, au même titre que
We Are The Romans,
American Nervoso s’impose sans aucun mal comme une véritable leçon de Hardcore chaotique et noisy. De celles qui ont fait date dans l’histoire et sur lesquelles il est important de revenir régulièrement pour comprendre ce qui se passe encore aujourd’hui. Bref un premier album absolument incontournable qui, comme tout le reste de leur discographie, méritait bien sa place ici.
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