Autopsy - Morbidity Triumphant
Chronique
Autopsy Morbidity Triumphant
Avec trente-cinq ans de carrière au compteur et une réputation qui n’est aujourd’hui plus à faire le gang d’Oakland a durablement marqué les mémoires des plus vieux comme des plus jeunes, surtout depuis son retour officiel en 2009 où il a enchaîné tous les ans sorties d’albums et d’Ep à vitesse grand v comme pour vouloir rattraper le temps perdu et le long silence lié à l’arrêt de ses activités. Pourtant après cette frénésie créatrice liée à sa reformation le combo a clairement eu besoin de lever le pied et reprendre son souffle, car depuis l’excellent
« Puncturing The Grotesque » en 2017 il n’a rien enregistré de nouveau - se contentant seulement d’être présent sur scène et de publier des compilations et des live, faisant ainsi vivre son œuvre passée sans chercher à en recréer une nouvelle. Autant dire que l’annonce de l’arrivée de ce long-format a ravi nombre de fans qui finissaient par désespérer vu que
« Tourniquets, Hacksaws And Graves » a quand même été publié il y’a un peu plus de huit années déjà, une éternité à notre époque actuelle basée sur l’immédiateté abusive et de la nouveauté permanente. Pourtant s’il y’a bien une chose qui ne change pas c’est cette capacité qu’ont Chris Reifert et ses acolytes (accompagnés désormais par le vétéran Greg Wilkinson à la basse) de pondre des disques hors du temps au son typiquement à l’ancienne, et au rendu toujours aussi jouissif vu que les décennies ne semblent pas avoir de prise sur leur inspiration.
Et en effet ce « Morbidity Triumphant » n’a rien à envier à ses prédécesseurs récents enregistrés depuis leur come-back, il va même facilement y trouver sa place tant comme d’habitude il n’y aura aucune faute de goût ni baisse de régime majeure pour une homogénéité constante qui va faire plaisir à entendre, et prouver que le quatuor reste au sommet malgré son ancienneté confirmant de fait que son statut et sa stature ne faiblissent en aucune circonstances. Car si ce nouvel enregistrement ne changera aucunement la donne il montre tout de suite à qui on a affaire et c’est tant mieux vu que c’est dans cette formule que ça fait mal à chaque fois, comme cela va être dévoilé avec le classique et redoutable « Stab The Brain » qui offre d’entrée le traditionnel mélange entre rythmique enlevée et boostée aux amphétamines avec celles plus lourdes à la fois rampantes et remuantes. Restant en terrain totalement balisé la formation réussit néanmoins totalement son démarrage, et la suite ne sera qu’un enchaînement impeccable de morceaux à la durée plus ou moins longue mais où l’accroche ne faiblit jamais. Car que ce soit dans l’équilibre des forces particulièrement dense entre bridage et explosions de vitesse (« Flesh Strewn Temple », « Skin By Skin » et « Slaughtered Of Souls »), ou encore quand l’ensemble montre un groove implacable donnant l’envie de headbanguer (via le dégoulinant et massif « The Voracious One » à lourdeur digne d’un road-train Australien, ou avec les sombres « Knife Slice, Axe Chop » / « Your Eyes Will Turn To Dust » qui nous renvoient en plein film d’horreur façon Hammer de par leurs cris et l’humidité qui suinte de partout), on est littéralement happé de bout en bout et on ne décroche jamais en cours de route.
Et histoire de pousser tout ça à son paroxysme on a évidemment droit en cadeau à des compos encore plus dépouillées et primitives comme l’ultra-court « Maggots In The Mirror » joué à fond les ballons et qui sent le Punk à foison sans jamais ralentir la cadence, ou au contraire l’étouffant « Final Frost » qui met une pression considérable tel une cocotte-minute prête à exploser mais sans que cela n’arrive totalement. Voyant en prime le futur classique « Born In Blood » faire particulièrement mal aux cervicales (et envoyer ainsi balader toutes les éventuelles critiques envers ses géniteurs), cette plage marque le point d’orgue d’une galette imparable et implacable qui trouvera facilement sa place dans les bilans de fin d’année et la longue discographie de ses créateurs. En tout cas conserver cette authenticité et intégrité après une aussi longue période est un phénomène rare et appréciable (qui se perd malheureusement de plus en plus), et fait donc qu’on ne peut qu’applaudir des deux mains cette vision 100 % pure d’un genre toujours actif et dont AUTOPSY est clairement le leader et probablement le dernier des géants encore actif, et dont la motivation ne s’est toujours pas tarie. Signe que ni alzheimer ni la retraite ne sont à l’ordre du jour et c’est tant mieux, vu que des réalisations comme ça d’un tel rendu et d’une telle accroche on en redemande tous les jours et on ne s’en lasse pas. Preuve donc que les anciens n’ont pas dit leur dernier mot et qu’ils ne comptent pas laisser la place aux jeunes et c’est tant mieux, vu que c’est toujours dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes.
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