Striborg - Through the Melancholy Tunnel of Despair
Chronique
Striborg Through the Melancholy Tunnel of Despair
Les humains ne s’aiment pas. Alors attention, parce que cette phrase peut porter à confusion, et certains l’auront comprise dans le sens que « les humains ne s’aiment pas eux-mêmes ». Cela arrive effectivement que certains détestent ce qu’ils sont et qu’ils espèrent en finir le plus vite possible avec la vie. Mais ici, le sens que je mettais dans ma première phrase était celui de la haine que les humains ont pour les autres humains. Cette haine n’est pas nécessairement très forte, et elle peut même n’être que de l’animosité, du dégoût, de l’hostilité ou de la répulsion. Mais quelle que soit sa forme, elle est évidente et se constate continuellement, au quotidien… Plus encore envers les personnes qui nous semblent éloignées de nous-mêmes. C’est comme un automatisme, comme si notre esprit voulait se protéger de ceux qui ne partagent pas nos choix, notre logique, ou notre condition, et ne trouvait comme réaction que l’insulte et le crachat. D’autres se forcent même à trouver des différences au sein de leur propre communauté, sans doute parce qu’ils aiment s’imaginer uniques, s’imaginer différents, s’imaginer supérieurs, ou inférieurs, aux autres. S’ils n’arrivent pas à être « les meilleurs en quelque chose », ils essaieront d’être « le pire en cette même chose »...
Il ne serait sans doute pas nécessaire de donner des exemples tant chacun d’entre nous a déjà pu constater cette réalité, mais j’ai envie aujourd’hui de replonger dans le passé, de me souvenir d’il y a une vingtaine d’années, lorsque je découvrais les avantages et défauts des forums sur Internet... Mes premiers véritables échanges avec d’autres amateurs de black metal. Avant cela, je ne partageais pas ma passion, je n’avais pas de proche qui s’exprimait sur ce qui lui semblait convenir ou ne pas convenir dans la scène BM, et là, je découvrais toute une tripotée de philosophes éclairés ravis d’éduquer les cochons. C’est une période où j’écoutais beaucoup de black sympho, même s’il commençait déjà à être un sous-genre fatigué, presque fatigant. Je lisais donc avec attention les chroniques publiées sur le site que je visitais, et il était fréquent que des lecteurs expliquent dans des commentaires véhéments que « le synthé ou les vocaux féminins, c’était pour les tarlouzes ». Oui, en 2002, on avait du vocabulaire plutôt fleuri... Donc, au lieu de passer leur chemin, au lieu de dire que leur conception de ce style musical leur empêchait d’accepter certains éléments, ils étaient poussés par une envie incontrôlable d'humilier celui qui avait une autre approche, une autre vision, une autre vérité. Bref, ils étaient terriblement sûrs d’eux. Vingt ans plus tard, certains d’entre eux sont toujours là, mais c’est un fait, la plupart ont disparu du monde du black, tout simplement parce qu’ils sont passés à autre chose. Ils écoutent maintenant de la variété, du classique, du jazz ou de la bossa-nova. Et grand bien leur fasse, je ne me rangerais pas du côté de ceux qui leur disent : « Alors, toi qui savais tellement ce qu’était le black metal, tu l’as lâché ! Tu t’es plutôt éloigné de tes convictions, hein ! ». Parce que moi, ma haine, elle se manifeste plutôt par de l’ignorance. Je me fous terriblement de ce que les autres écoutent. Et puis je sais aussi ce qu’ils répondraient, je l’ai déjà vu : « Et toi, tu écoutes encore du black metal ? Il va falloir penser à grandir un peu ! La crise d’adolescent, ça fait de la peine quand on n’a plus 20 ans. ».
Les humains ne s’aiment pas. Pas besoin de vouloir changer ça, c’est dans sa nature, et puis, de toute façon…STRIBORG est toujours là...
C’est à la fois un miracle et une évidence qu’il soit toujours là. C’est un miracle parce que l’Australien existe depuis 1994, même si au début il officiait sous le nom de KATHAARIA. Il est toujours tenu par un seul et unique cerveau : Sin Nanna. Après avoir été ultra-actif jusqu’en 2009, il a un peu disparu, mais voilà, il est redevenu un grand marathonien de la composition à partir de 2017 et 5 années plus tard, il est toujours aussi productif. D’ailleurs Through the Melancholy Tunnel of Despair est carrément son 29ème album ! Mais encore plus que ce rythme indécent, c’est surtout un miracle qu’il ait continué après toutes les volées de bois vert qu’il a pu se manger par le passé. Rarement un groupe aura été aussi ouvertement insulté, méprisé, rejeté, renié. Il a été la cible de ceux qui ne savaient pas cacher ou orienter leur haine, et qui ne comprenaient pas qu’une frange du public black metal ressente tout le contraire d’eux. Comment était-il possible qu’une musique aussi minimaliste, avec des instruments qui n’en étaient pas toujours de vrais et qui étaient aussi mal utilisés, devienne addictive auprès de certains ? Ce n’était pas concevable, et il fallait absolument réparer cette erreur de la nature. Il fallait absolument dégueuler sur STRIBORG et sur chaque personne qui avouerait apprécier le travail du Tasmanien. Sin Nanna en a-t-il été personnellement touché ou meurtri ? C’est possible. Son éloignement de la scène au début des années 2010 en était peut-être une conséquence... Et pourtant il est revenu, et c’est normal. Il est même de plus en plus logique avec lui-même, apparaissant de plus en plus apaisé et capable d’assumer ses choix... son identité. Il se permet donc tout ce qu’il a envie de faire et envie d’être, et il ne faudra donc s’étonner d’aucune des décisions prises sur ce nouvel opus.
Déjà, l’album ne sort pas sur un label. À quoi bon ? STRIBORG fait sa musique, et il la met à disposition sur son Bandcamp, sans avoir à se soucier d’une écurie. Le prix est d’ailleurs libre. Tu tombes dessus, tant mieux, tu ne tombes pas dessus, tant pis. Et puis cet album, du fait qu’il soit digital, il n’est pas limité par le temps, il n’a pas besoin d’être raccourci ou divisé en plusieurs CD / Tape / vinyles. Il contient 15 morceaux, et il totalise 2h30 de black ambiant misanthropique ! 2h30 ! Au prix que tu souhaites. Mais là surtout où l’on comprend que Sin Nanna est devenu véritablement libre, c’est au sujet de son niveau de jeu. Sa façon de jouer était critiquée ? Son clavier faisait cheap ? Eh bien il montre maintenant qu’il n’en a plus rien à carrer en faisant l’impasse sur les guitares. Il n’y fait plus appel et il assume complètement son goût pour les machines. Il n’y a plus qu’elles qui composent sa musique : des machines, des claviers, et tout de même de petits passages à la batterie... Histoire de...
15 pistes de STRIBORG. 15 compositions qui reprennent ce que l’on a connu du groupe depuis plus ou moins ses débuts. Il revient même plus à ses ambiances désertiques des années 2000, avec des passages qui nous replongent dans les marécages poisseux de l’époque, avec en fond ses vocaux fantomatiques qui font tomber une brûme épaisse. Il conserve aussi quelques éléments plus récents, comme ces effets électroniques qui ont marqué ses albums du début des années 2020, quand il se présentait fièrement comme un artiste psychédélique. Il n’en abuse pas, et c’est même plutôt discret… Finalement Sin Nanna poursuit son chemin, partageant ce qui le représente, ce qui le symbolise, sans se soucier un seul moment de l’auditeur, et encore moins ses haters. Il ne se pose même pas la question de savoir si c’est long, si c’est bon, si c’est efficace.
Voilà donc ce qu’est cet album… Et maintenant, si tu ne supportes pas STRIBORG, tu n’as plus qu’à cliquer pour écrire un commentaire outré et expliquer aussi vulgairement que possible pourquoi tu sais plus que les autres ce qu’il convient ou ne convient pas d’écouter... Tu en gagneras sûrement ce respect que tu réclames en ton for intérieur…
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