Hate Forest - Innermost
Chronique
Hate Forest Innermost
J’ai de la chance ces derniers temps, je te l’ai déjà dit. Je peux chroniquer uniquement des merveilles. A la vérité, il n’y a guère que ça qui tombe dans mon escarcelle depuis quelques semaines. Cette fois-ci, ce sont les géants d’Hate Forest. Eux aussi, à leur façon, ils sont vernis. Depuis leur toute première demo de 1999, ils n’ont jamais connu l’échec. Tu vas me dire que c’est facile quand tu produis peu. C’est vrai. A ceci près que les Ukrainiens produisent beaucoup. Du EP, de la demo, du full-lenght, de la compilation et même du split. Un vrai groupe de grind.
Hate Forest est de ces groupes qui marquent un style au fer rouge, qui en constitue la pierre angulaire, l’alpha et l’omega. Depuis The Most Ancient Ones jusqu’à Innermost donc, en passant par un nombre de chefs d’œuvre intemporels (Purity, Battlefields et Sorrow), les Ukrainiens ont balisé la route d’un black metal sauvage et mélodique à la fois, comme une meute d’ours traversant les grandes steppes de l’Est. Alternant, dans une science de la composition remarquable, les passages raw et un souffle mélancolique propre aux groupes de cette région du monde, Hate Forest a bâti sa réputation sur cette dualité qu’il porte au sommet de l’Art noir, à l’image de Drudkh (comme c’est étonnant) ou des groupes de la scène québécoise par exemple.
Innermost ne déroge pas à la règle. Alors que l’on pensait qu’Hour of the Centaur était un miracle, tant le niveau fut déjà élevé pour l’époque, après tant et tant de chefs d’œuvre, Innermost parvient à l’égaler sans sourciller. De nouveau, en usant des mêmes recettes, en ne cédant pas un pouce à la modernité, aux claviers, au vieux rock n’roll mainstream ou aux expérimentations hasardeuses, Hate Forest délivre son black metal radical sans aucune fioriture, avec la froideur et la précision clinique d’une lame qui pénètre la chair, bien aidé, de nouveau, par cette BàR martiale qui pilonne comme une colonne de chars et par cette voix, littéralement possédée, qui traduit en sons la sortie des eaux du Grand Cthulhu.
Innermost, comme ses ainés, est donc particulièrement sauvage et totalitaire. Those Who Howl Inside the Snowstorm est porté par des blasts qui claquent au vent comme les extrémités d’un fouet, mélange de blizzard et d’orage, et par une mélodie entêtante en fond sonore, dont le thème dessine des arabesques merveilleuses qui s’accordent parfaitement avec les atours totalitaires de la musique. By Full Moon's Light Alone the Steppe Throne Can Be Seen prend à la gorge, la sauvagerie des guitares et de la voix te happent littéralement pour ne te relâcher, à peine, qu’au moment du pont mélancolique sublime à la guitare sèche qui transperce la structure et étire son propos sur tout le reste du morceau. Ice-Cold Bloodless Veins joue encore sur ces trémolos incroyables, quasi stratosphériques, pour installer une ambiance à mi-chemin entre l’urgence et la méditation, proprement hallucinante et hypnotique. De fait, les respirations n’existent pas ; elles s’incarnent dans des passages mélancoliques, plus mid-tempo, mais dont la sauvagerie constitue également le matériau principal. Chez Hate Forest, la nostalgie ne peut s’incarner que dans la lutte, que dans la douleur et une forme de radicalisme évident. La mélodie est souffrance et intensité ou elle n’est pas.
La seconde partie de l’album, à compter de Temple of the Great Eternal Night, dresse un constat identique. La dissonance aérienne reste la norme, les attaques brutales, rapides également mais avec une profondeur plus importante à mon sens. Temple of the Great Eternal Night présente ainsi des atours plus lourds, plus abyssaux, notamment dans le thème principal. C’est plus « compact » et les breaks mélodiques qui brisent la dynamique sont e nouveau de pures merveilles, ce d’autant que la voix les porte en ajoutant sa propre profondeur et sa propre sauvagerie. La mélodie est plus fondue dans la masse, ce qui donne au titre des allures de reptation magnifiques. C’est brutal, aérien, profond et nostalgique à la fois, sans temps morts, sans faute de goût, sans excès d’ingrédients. Le pont central à la guitare sèche apporte la respiration nécessaire à la relance du morceau, sans rupture inappropriée. L’enchaînement avec Whiteout Silence est à mettre encore au crédit du génie des Ukrainiens, passant d’atmosphères cotonneuses et graciles à une attaque frontale ultra rapide sans avertissement mais d’une manière qui paraît parfaitement naturelle et pensée. Solitude in Starry December vient clôturer l’album sur des notes plus mélancoliques, plus posées mais toujours lancinantes comme un au-revoir de la main qui s’éternise, qui semble se figer à mesure de l’éloignement, pour ne demeurer qu’un souvenir. La BàR épileptique, qui dresse ce mur de son inimitable, apporte un contraste fort avec la lancinance des guitares et la mélodie qui se détache de la structure, comme pour signifier que la mise en sommeil ne durera pas.
S’il est arrivé que Drudkh déçoive, tel n’est pas le cas d’Hate Forest dont la constance dans l’excellence force l’admiration. Comme l’avaient souligné Voay et Saga dans leur précédente chronique du combo ukrainien, Hate Forest ne signe pas un retour en force ; il continue d’écrire sa légende, écrasant toute concurrence en poursuivant son œuvre de définition de ce qu’est et devrait toujours être le black metal.
| Raziel 28 Décembre 2022 - 2892 lectures |
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