Convulsions - Grindcore Not War
Chronique
Convulsions Grindcore Not War
Insect Warfare.
Voilà, c’est dit, une fois de plus. Je sais que ces deux mots reviennent à longueur de papier sous ma plume. En même temps, comment pourrais-tu m’en vouloir ? Les sachants sachent, les ignorants sont dans l’erreur. « World Extermination », seul et unique full-length des Texans qui souffle cette année sa seizième bougie, reste un disque majeur, et l’une des meilleures sorties Grindcore de tous les temps. Si tu n’es pas d’accord, c’est que tu nies l’évidence : balaie simplement du regard la scène Grindcore contemporaine, et tu constateras qu’ils sont (très) nombreux à chercher à émuler la brutalité aberrante du trio… Résultats souvent convaincants, mais qui ne parviennent jamais à tutoyer le sommet. Ce qui reste certain, c’est que depuis leur split définitif en 2017, nous sommes nombreux à nous sentir orphelins. Bref, je tourne en boucle, et je m’éloigne du sujet : revenons-en à nos moutons.
J’avais bien vu passer le nom de Convulsions sur mes fils d’actualités, sans jamais vraiment m’appesantir sur la chose : quelle erreur ! La prestation des Espagnols au Lixiviat Festival fut une correction dans les règles de l’art : riffs, feeling, jeu de scène, tout était taillé pour me plaire. L’occasion de réparer mon tort en consacrant ce papier à « Grindcore Not War », premier full-length du quatuor, sorti la semaine dernière. Les écoutes successives de ce missile à tête chercheuse justifient le premier paragraphe de cette chronique : Convulsions me rappelle furieusement le Grindcore sans concession de la bande à Beau Beasley – et me file, peu ou prou, les mêmes papillons dans le ventre… Avant de les éliminer au lance-flammes.
Quatuor formé en 2016 à El Ejido, Convulsions poursuit son petit bonhomme de chemin, entre EPs et splits (avec Six-Score, Insect Terror et No God Rethoric pour les plus notables), produisant un Grindcore que je qualifierais de « bovin ». On ne réinvente ni la poudre, ni le fil à couper le beurre, on ne cherche pas à être le couteau le plus affûté du tiroir : on veut simplement faire dans la dentelle, en remplaçant les fuseaux par la sulfateuse. Lits de blast-beats sur lesquels on couchera des riffs simplets, un chant de gorge qui me rappelle furieusement celui de Rahi Geramifar, du sample judicieusement placé, parties plus typées mosh ciselées pour faire couler la sueur… Quitte tes chaussures, enfile les pantoufles : tu es comme à la maison.
Enregistré entre Septembre 2021 et Août 2022 de l’Andalousie à la Norvège (!), mixé et masterisé par Álvaro Zamora au Toxic Noise Studio (Disturbance Project, Unrested, Cannibal Ferox…) en Février de cette année, « Grindcore Not War » se verra pressé sur cire translucide par RSR et Hecatombe Records – il faudra, pour l’heure, se contenter de la version digitale, disponible sur le Bandcamp du groupe. Vingt-deux titres, vingt-quatre minutes (durée rallongée par la seconde moitié de « Freya », et sa mélodie au piano assez inutile), le groupe n’a pas menti sur la came : comme le Port-Salut, c’est écrit dessus. Production à l’émeri, riffing au chalumeau, vocaux glaireux et incompréhensibles : pas vraiment des "premiers pas", pas plus qu'on puisse considérer "Grindcore Not War" comme un "long" format, au sens strict du terme... Mais Convulsions transforme largement l'essai, ça, c’est une évidence.
Je l’ai déjà dit, l’influence Insect Warfare est plus qu’évidente : elle se voit comme un nez cassé au milieu d’un visage tuméfié. Quand le disque bourre, j’y retrouve tout ce qui fait le sel de «World Extermination ». Une batterie véloce (pas autant que celle de Dobber Beverly, certes), où les breaks fracassants (La seconde moitié de « La ley del padrón », raaaaah) succèdent à des kilomètres de pédalage frénétique, sur des riffs certes simplistes, mais Ô combien efficaces. Même les parties menées à un tempo moins soutenu transportent directement au Texas : « Noche agónica », « La molécula »… Mais c’est particulièrement flagrant sur « Todo habrá acabado » et ses temps forts marqués au dôme de la cymbale ride. L’on pourra opposer à « Grindcore Not War » les mêmes critiques qu’à n’importe quel disque de Grindcore : trop linéaire, trop répétitif, trop monotone… Les gars, vous savez pourquoi vous avez signé. Tu ne vas pas voir « Bloodsport » en espérant un film d’auteur. Qu’importent les esprits chagrins, les médisants, les grincheux : avec Convulsions, tous les coups sont permis. C’est la grosse chicane faite musique. Enfin, «musique »… On se comprend, hein.
Pour ne rien gâcher, je retrouve également dans « Grindcore Not War » une autre petite influence, à aller chercher du côté de l’Australie. Oui, oui, si loin. Ces lignes de guitare tourbillonnantes, qui hantent tant « Toubkal », « Sangre Por Dinero » que les superbes motif centraux de « Te Pudres » et «Sin libertad » … On jurerait du Brad Smith, qui aurait fait des infidélités à Internal Rot le temps d’un disque. Deuxième gage de qualité, donc : encore une fois, les connaisseurs apprécieront – j’invite les autres à interrompre leur lecture, et prendre les vingt-trois prochaines minutes de leur temps pour aller se repaître de « Grieving Birth ».
Pour le trop long, pas lu : Non, "Grindcore Not War" n'apporte rien de neuf à la sauce. Et ce n'est pas ce qu'on lui demande. Tout ce que l'on est en droit d'exiger d'un disque de Grindcore, Convulsions nous l'apporte sur un plateau. Ce premier long-jeu se révèle d'une efficacité redoutable, qu'il tartine ou calme le jeu. Le quatuor sait ménager ses effets, fait rimer "simplicité" avec "branlée" - bref, gratifie 2023 d'une nouvelle sortie Grindcore de haut-vol, et d'une nouvelle excuse pour faire le derviche tourneur, bras tendus, poings serrés, dans la fosse.
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