Sólstafir - I Blóði Og Anda
Chronique
Sólstafir I Blóði Og Anda
L’Islande terre de feu et de glaces, de contrastes saillants, avouez que l’on vous a souvent fait ce discours et donné ces images d’Épinal. Le cliché est assez simple et a la vie tenace, encore de nos jours. Pourtant, l’on ne retrouve pas tant que cela ce dualisme dans la musique prodiguée par les groupes venant de ce pays, à l’exception toutefois d’un album, le premier de Sóstafir, le bien nommé I Blóði Og Anda. Et si la scène métallique islandaise a su faire parler d’elle durant la décennie précédente, ce n’était pas la même chose il y une vingtaine d’années, où les groupes venant de cette île perdue au fin fond de l’Atlantique avaient tout au plus une petite saveur exotique et peu arrivaient à s’extraire d’un certaine anonymat, en dehors de XIII, Potentiam et Sólstafir qui nous intéresse ici. Le groupe s’était distingué avec un premier EP, Til Valhallar, et avait fait peu parler de lui entre temps, souffrant d’une certaine instabilité au niveau du line-up, avant que Svavar Austmann ne rejoigne le groupe au poste de bassiste en mille neuf cent quatre vingt dix neuf. Le trio s’enferma en studio entre avril et décembre de cette même année pour enregistrer ce premier album, I Blóði Og Anda, dont le mixage dura une année supplémentaire, un laps de temps qui permit au groupe d’enregistrer entre temps une démo, Black Death avec leur nouveau guitariste Sæþór Maríus Sæþórsson, mais qui n’aura enregistré aucune note sur cet album.
Colérique, tempétueux, fougueux, nostalgique, mélancolique, aérien, ce sont tous ces termes que l’on peut accoler à cet album qui est sans doute l’un des plus contrasté de la discographie des Islandais, et même au-delà. Des albums comme I Blóði Og Anda, il n’y en a pas deux semblables à ce dernier. Si l’EP Til Valhallar démontrait un groupe bien dans le jus du milieu des années quatre vingt dix, avec des influences évidentes et avec une petite personnalité, due sans doute à son origine géographique, l’on ne pouvait se douter que le trio allait faire quelque chose d’aussi original pour ce premier album. Original, car ce sont deux facettes du groupe qui vont être mises en exergue sur cette réalisation et qui surprendra beaucoup les personnes qui ont découvert le groupe avec ses réalisations les plus récentes. Car oui, Sólstafir était un groupe de metal extrême à l’époque et puisait bien ses influences au sein du black metal et les cinq premiers titres vont nous rappeler tout ce côté éruptif du groupe. En effet, sur ces titres, cela pétarade dans tous les sens, c’est incisif au possible et c’est on ne peut plus rentre dedans. Mais si le riffing est ancré dans le black metal, l’on sent déjà que les musiciens n’en faisaient qu’à leur tête et n’hésitaient pas à puiser dans d’autres sphères musicales, je pense notamment à ce chant écorché de Aðalbjörn Tryggvason, que l’on pourrait presque rapprocher de certains groupes de hardcore, et ce feeling assez punk qui découlent de ces titres, dans leur groove et dans leur énergie.
Oui, il s’agit bien de Sólstafir dont je vous décris sur ces cinq premiers titres avec une ambiance assez chaude et très incisive, et surtout totalement hirsute, pour ne pas dire hystérique. Ça défouraille sec sur ces titres, à l’instar du titre d’ouverture qui pose les pieds dans le plat et qui ne laisse quasiment aucun temps morts. Les riffs sont mémorables et le groupe est loin d’être linéaire, sachant de temps à autres ralentir relativement pour foncer tête baissée par la suite. Il y a de la fougue derrière tout ceci, c’est par instant un peu bordélique et les transitions sont parfois abruptes, mais le rendu est tellement bon. Ce d’autant qu’il y a tout de même des façons d’agrémenter les titres pour éviter qu’ils en deviennent rébarbatifs, je pense notamment au jeu de batterie assez inventif de Guðmundur Óli Pálmason - dont l’éviction aura tant fait de mal au groupe -, mais aussi le fait de faire monter l’intensité au fur et à mesure de l’avancée d’une composition comme c’est le cas avec The Underworld Song. Mais pour autant l’on ressent encore les traces ce de mélodisme hérité du black metal, dans ces mélodies développées par les guitares et qui donnent des aspects parfois épiques et réellement païens, dans ce côté horde incontrôlée et incontrôlable, prête à en découdre. Et il y a des instants assez intenses sur ces titres qui vont nous donner cette impression, comme sur le final avec des vocaux totalement arrachés du titre éponyme, ou bien encore ces choeurs guerriers sur Tormentor. Mais l’on retrouve déjà un facette un peu plus mélodique et froide dont ce passage aux arpèges sur le titre éponyme et cette mélodie sur les débuts The Underworld Song.
Pour autant, et comme vous pouvez vous en douter un peu, I Blóði Og Anda est un album à deux visages et la construction particulière de cet album le démontre aisément. Si les cinq premières compositions sont intenses et énergiques, la seconde partie de l’album va démontrer une toute autre facette des Islandais, celle que l’on connait bien plus depuis une bonne quinzaine d’années. L’ambiance va se faire ainsi plus éthérée, - pas complètement certes car il y aura toujours de nombreux passages plus enragés -, plus froide, plus poétique d'une certaine manière et plus mélancolique. En cela, le titre Ei Við Munum Iðrast est réellement la césure de cet album, puisque le début de ce titre commence tambours battants, comme les cinq premiers, avec un break un peu plus chaotique en son milieu, comme pour faire entendre que le côté rock’n roll et fun s’en était fini pour le moment et qu’il était temps de passer à autre chose, le groupe prenant ainsi des territoires bien plus post rock, où un piano fait son apparition avec une mélodie, assez simple et touchante, qui prend les devants et qui sera répétée assez longuement. C’est presque toute la dualité de la formation qui est exprimée au travers de ce titre. Le groupe va alors explorer en seconde partie de cet album des territoires un peu plus expérimentaux et creuser son chemin dans des sillons volontiers plus post-black metal, avec à la clef de très beaux morceaux, au premier rang desquels l’on placera ce bijou qu’est Bitch In Black.
Ah! Bitch in Black, je pourrais faire une chronique rien que pour ce morceau qui est l’un de mes favoris du groupe, toute période confondue, au point de me l’écouter régulièrement en boucle. Une mélodie simple, l’apparition d’un chant clair avec un voix assez grave tenue par Kola Kroze du groupe Dark Heresy et une ambiance très post punk lancent ce titre, avant que la furie ne débarque de nouveau avec un riff post-black qui a fait école et le retour du chant black metal et une mélodie de guitares répétées à l’envie pendant un long moment, avant que l’on ne revienne sur le thème du début et ce refrain emblématique: du pur bonheur musical sur plus de huit minutes. Il y a déjà ici les ferments de ce que sera Sólstafir pour les albums suivants, certes pas encore tout à fait dégrossi, mais l’on ne peut que tomber rapidement sous le charme. L’album se poursuit sur un instrumental de toute beauté avec Í Viking où l’on retrouve ces mélodies de piano et de guitares assez froides et nostalgiques qui vont se développer au fil de la composition, avec également des samples venant sans doute d’un film sur les vikings, - les Islandais ayant d’ailleurs composé une bande son instrumentale pour le film Hrafninn Flýgur, sans doute en était-ce les prémices -, mais ils ponctuent bien la narration de ce titre. L’album se termine de manière encore plus éthérée et froide avec le titre final où du chant féminin fait son apparition, un titre avec une ambiance plus mystérieuse, qui débute posément mais qui va voir son intensité monter au fil des minutes et où l’on retrouvera ces longues plages instrumentales et cavalcades entraînantes dont le groupe a le secret. Ces longues plages instrumentales qui te font rêver et décrocher de la réalité. Il y a déjà là les ferment de Masterpiece of Bitterness et de Khöld.
Au final, ce I Blóði Og Anda constitue un solide premier album qui surprendra par son côté intrinsèquement plus sauvage par rapport au reste de la discographie, plus abrupt même, et pas encore tout à fait poli. Sa construction aussi peut surprendre entre ces titres plus incisifs en début de parcours et ceux plus posés par la suite. Il ne faudrait pas y voir un brouillon imparfait de la suite discographique du groupe, mais bien une œuvre à part entière, comme une sorte de colère qui devait jaillir pour laisser ensuite écouler des flots de nostalgie. Pour autant, c’est tout ceci qui fait le charme plein et entier de cette réalisation. Ce côté encore pleinement juvénile et totalement païen de la musique des Islandais ressort nettement ici et rend cette réalisation des plus plaisantes, de sorte que j’y reviens assez régulièrement. Pas seulement pour ses qualités propres, mais aussi parce qu’il y une certaine dualité sur cet opus qui le rend vraiment attachant et qui donne nos seulement une certaine image de l’Islande, mais aussi une dualité inhérente à la vie, entre jours de colère et nuit à épancher son spleen. Cette ode aux éléments primaires, notamment la lave en fusion et le givre, a ce côté impieux tellement communicatif, dans ce côté foutraque, qu’il est difficile d’y rester insensible, un album qui touche à la fois le sang et l’esprit et un vrai baptême dans le feu et la glace.
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