Sólstafir - Endless Twilight of Codependent Love
Chronique
Sólstafir Endless Twilight of Codependent Love
Le cas des islandais de Sólstafir a ceci d’intéressant qu’un groupe venu d’une île qui ne faisait pas trop parler d’elle dans la première moitié des années deux mille, - et qui allait par la suite devenir un peu un des épicentres de la hype -, s’est rapidement fait remarquer avec une mixture sonore originale héritée du black metal mais qui n’allait pas tarder à s’ouvrir à bien d’autres cieux, que ce soient le post metal, puis le post rock, quelques éléments épars de gothique et plein d’autres choses, pour une suite d’albums vraiment excellent, de mon point de vue pour ce qui est des quatre premiers. Et puis, il y eut Ótta, qui, s’il n’excellait pas, avait ses charmes nocturnes et une orientation vers quelque chose de plus soft et quasiment pop, ou en tout cas où l’empreinte d’un Sigur Ros, par exemple, se faisait de plus en plus prégnante, au même titre que d’autres formations, ce que confirmera ensuite Berdreyminn sorti il y a trois ans et demi, le premier faux pas du groupe à bien des égards, car l’on n’y retrouvait rien de vraiment transcendant. L’on sentait bien que la facette incandescente des Islandais avait été mise de côté. Pour autant, ce nouvel album, Endless Twilight of Codependant Love nous était présenté comme étant une sorte de syncrétisme de tout ce qu’avait pu faire le quatuor depuis longtemps, avec beaucoup d’effets d’annonces, comme souvent dans les fiches promotionnelles des labels, qui ressemblent quasiment à un programme électoral, avec les suites que l’on connait avec ce genre d’annonces quant aux déceptions que l’on a le plus souvent en retour.
J’en attendais beaucoup de cet album de Sólstafir, sans doute beaucoup trop, mais il faut dire que durant l’été dernier, un premier extrait avait été mis sur les internets avec le titre d’ouverture Akkeri des plus alléchants. Oh, il m’avait bien plus ce titre! L’on y retrouvait tout autant la fragilité des deux disques récents mais aussi quelques fulgurances avec ces riffs qui tournent comme au bon vieux temps d’un Svartir Sandar, avec une ouverture d’album de plus de dix minutes. Et ce titre m’avait gonflé à bloc, je dois l’avouer. En plus, je trouvais le parti pris de la production assez intéressant, avec un son de guitare un peu plus tranchant et un peu plus gras, sans retrouver les aspérités métalliques d’antan, et de très belles lignes de basse, instrument bien mis en avant. Il est vrai que dans le story-telling de cet album, il y était évoqué Smashing Pumpkins, d’où sans doute cette production qui sonne assez rock alternatif des années quatre vingt dix, avec un son très naturel et assez ample. Malheureusement, ces fulgurances d’antan ne vont réapparaître qu’à quelques reprises sur cet album, avec les titres Dionysus, en milieu d’album, et Úlfur, qui vient le clore pour sa version standard. Pour être honnête, je m’étais dit que l’on allait peut être assister à un retour en arrière stylistique de la part du quatuor, ce qui ne m’aurait guère indisposé. Bon il est vrai qu’il y a un côté plus rock sur un titre comme Alda Syndanna qui n’est pas déplaisant en soi. Mais cet excellent Akkeri est bien l’arbre qui cache la forêt. Et ce n’est pas faute d’avoir insisté ces dernières semaines pour me familiariser avec cet album, le temps n’a rien fait, j’en reste sur cette première impression.
Et pourtant, même dans les petites montées d’adrénaline que nous avons sur cet album, je suis réellement resté sur ma faim, pour ne pas dire vraiment déçu. En fait, cela tourne bien trop souvent en rond sur cet album, ça ronronne de temps en temps, mais sans vraiment vous gifler le visage comme le givre en plein hiver, ou vous réchauffer le cœur par ce côté impétueux. Déjà, les titres plus intenses cités plus haut sont loin d’être une réussite. Dionysus pourrait surprendre si l’on n’avait pas l’impression d’avoir une resucée du titre Til Valhallar, enfin plutôt de sa version réenregistrée à l’époque d’Ótta, avec un riff sur la partie centrale qui rappelle bien trop celui, fantastique, du titre Bitch In Black du premier album pour que tout ceci soit vraiment honnête. Le titre final pourrait être bien, si l’on ne s’était pas endormi sur le reste de l’album, pour rester poli, car l’on est ici très souvent proche du fussoire. Car c’est bien cela qui va caractériser ce Endless Twilight of Codependent Love, c’est qu’il donne vraiment l’impression ou bien d’un bâclage en règle des choses pour satisfaire un carnet de commande, ou bien un ratage totale, c’est qui est encore plus flagrant pour certaines expérimentations. Pour la première catégorie, l’on peut citer le titre Drýsill avec ses riffs d’une pauvreté affligeante et ce côté limite forcé de faire une petite montée en intensité avec des chœurs, histoire de bien respecter le cahier des charges. Même la mélancolie qui est censée en émaner paraît surfaite, en dépit d’un certain minimalisme dans le parti pris, comme si le groupe avait découvert le très beau On the Beach de Neil Young et avait voulu en faire une relecture sur cette composition, mais ça tombe à plat. Tout ce qui pouvait faire l’intérêt du groupe semble s’être étiolé derrière l’égo démesuré du leader incontesté et suprême de Sólstafir, qui pour le coup est bien mis en avant et donne l’impression d’en faire des caisses. C’est sans doute pour satisfaire une durée minimale d’album que l’on a du remplissage avec un titre tel que Til Moldar, ballade infâme à soupirer d’ennui, ou bien, pire encore, avec des niaiseries telles que Her Fall From Grace, avec ses « na na na nanana nana » en guise de paroles, tournures sémantiques et audacieuses que l’on retrouve aussi sur un des titres bonus, dispensable d’ailleurs, Hann For Sjalfur. Ils auraient pu au moins avoir la décence de demander à leur producteur son dictionnaire d’Hopelandic.
Mais l’on touche encore plus le fond avec leurs expérimentations sur cet album. Le groupe souhaita apporter une touche de blues sur le titre Or, l’on insiste d’ailleurs bien dessus dans la fiche promotionnelle, et le résultat est des plus horripilants, car ce n’est nullement une facette qui convient au groupe. J’apprécie beaucoup l’aspect nocturne qui émane de cette formation, mais pas celle d’un vulgaire tripot sur la route 66 digne d’un mauvais groupe de reprises de la fête de la musique, voilà en quoi en est réduit le quatuor par instant. L’autre foirade c’est le titre Rökkur avec son introduction mielleuse, ses expérimentations électroniques et spoken word du plus mauvais effet, comme si l’on avait rapidement lu le manuel Dark Side of the Moon pour les nuls écrits par les membres d’Anathema, tellement c’est kitch, sans âme et inoffensif. Et c’est assez symptomatique de tout cet album, bonus compris, tant l’on retrouve souvent dans le même titre le pire, le fond du fjord et, parfois, quelques moments de mieux, même s’il faut nuancer ce dernier terme. Effectivement, l’on retrouve tout ce qu’a fait le groupe sur la précédente décennie, mais en moins bien et très prétentieux: l’utilisation du fameux e-bow, des claviers, du piano, des cordes, un peu de chant féminin, quelques expérimentations, tout y est, ne vous inquiétez pas, même le jeu de batterie lénifiant et sans emphase Hallgrímur Jón Hallgrímsson, - quand on pense qu’il est normalement meilleur que son prédécesseur -. Le problème c’est qu’il n’y a rien de vraiment captivant sur cet album et ce sont ses accents pop qui en deviennent tout autant grotesque qu’agaçants. Au point où quand le groupe veut nous faire croire qu’ils sont encore des gros durs, et pas seulement des fans de Coldplay ou des capitalistes à la recherche des parts de marché laissées vacantes par la mise en stand-by d’Anathema, ça pétarade le plus souvent dans le vide et tout ceci retombe bien à plat et bien gentiment, très proprement même, en n’oubliant pas de passer la serpillère après leur passage.
Il y a un peu du syndrome du gentleman négligé sur cet Endless Twilight of Codependent Love, mais qui reste tout de même bien bourgeois dans l’esprit et dans la forme, un peu comme si c’était un groupe censé animé une université d’été de centristes ou d’une école de commerce. Cet album porte bien son nom dans le sens où il est interminable et que l’on assiste bien au déclin d’un groupe qui aura marqué son temps, mais cela fait bien trop longtemps qu’il est aux abonnés absents pour ce qui est de la créativité. La fiche promotionnelle évoque un certain Mellon Collie and the Infinite Sadness en parlant de ce disque, notamment de la pochette qui est censée ressembler à celle dudit Mellon Collie and the Infinite Sadness. L’on est très loin du concept album retraçant une journée avec ses diverses humeurs, même s’il y a de l’idée dans la comparaison, et surtout, le double album du groupe de Billy Corgan recense des titres bien plus violents et intemporels que ce que peut contenir cet album des Islandais, dont je doute fort que l’on en reparlera autant dans un quart de siècle. Encore une fois, le titre d’ouverture est très bien mais c’était sans doute la dernière explosion et l’ultime coulée de lave d’un volcan qui s’est désormais éteint.
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