Joli sens de l’esthétique pour les Turcs de
SUICIDE, une formation qui semble bien plus inspirée dans le choix de ses
artwork que pour son nom de guerre, les homonymes étant légion. Il reste que
Yigit Can Alper est certainement également l’auteur des pochettes du LP «
Deaf Mute » (2016) et de l’EP «
Deliberate Delusion » (2024), son travail conférant une identité visuelle forte au quatuor. Personnellement, j’adore le rendu de cette toile, chapeau l’artiste.
Même si les membres ont tous un sacré bagage musical derrière eux, ce ne sera pas leur faire offense que d’écrire qu’en dépit de la longévité de cette formation (enfant du début des années 2000), son statut reste encore plutôt confidentiel, ne sachant même pas si elle a déjà pu percer en dehors de ses propres frontières, l’indépendance n’aidant probablement pas à l’émancipation comparativement à une signature labellisée, même de renommée modeste. Quoi qu’il soit, qui suis-je pour refuser une nouvelle ration de
death metal ? Vais-je faire la fine bouche sous un prétexte aussi fallacieux que le manque de renommée ? D’autant que c’est un peu mon pain quotidien, la confidentialité… Avec son lot de bonnes, comme de mauvaises, surprises. Et aujourd’hui, c’en est une bonne, pas encore de celles qui marquent fondamentalement l’esprit et qui durent toute une vie, plutôt de celles qui rendent brièvement guilleret tout en justifiant l’ouverture d’une bouteille de mousseux. Parce qu’on l’aime bien ce
death épais, un peu pataud, à la
APOPHIS,
KRABATHOR,
OBSCENITY, voire
DEICIDE pour une certaine granularité des vocaux… C’est tout cela «
Devour the Fallen », ni plus ni moins qu’onze titres qui te plongent la tête dans la mélasse.
Globalement, le disque avance ses arguments en s’appuyant sur de grosses rythmiques mid-tempos, les écarts techniques s’avérant rares (« Millenial Slaves ») mais d’autant plus agréables qu’ils posent une dimension forcément complexifiée, rendant l’écoute moins monolithique que ce que je craignais par suite de la découverte des premières mesures de « Sanctuaries Sold ». En prime, les ralentissements puissants du morceau éponyme frôlent le
doom death, chaque piste se voyant de toute façon bonifiée par une partition solo de qualité, de vrais
leads mélodiques qui contrebalancent intelligemment la pesanteur des rythmiques. À ce titre, il faudrait encore noter la grande diversité des rythmes déployés ici, les mecs se démerdant plus que bien pour jouer différemment un même riff. Donc, à défaut de déborder d’idées,
SUICIDE s’avère extrêmement malin dans sa capacité à recycler ses idées, les développer à fond pour en extraire tout le jus sans pour autant se répéter de trop, d’autant que les chansons ne dépassent jamais les quatre minutes, garantissant concision et efficacité. Je ne demande rien d’autre.
Troisième division ? Oui, avec néanmoins le talent suffisant pour jouer les barrages, notamment en raison de cet équilibre futé entre un
growl sévèrement guttural couplé à des aspects guitaristiques davantage atmosphériques, sous couvert de pesanteur plombée. Par conséquent, même si «
Devour the Fallen » peinera sans doute à trouver un écho international, il mérite toutefois une attention peut-être plus marquée que de la simple curiosité car, en termes de ressenti, ce LP me rappelle ce que j’avais pu ressentir en découvrant «
The Symbol of Death » de
DISBELIEF (2017), à savoir un impact démultiplié par le fait que je ne m’y attendais pas, sachant que je n’hésiterai pas à revenir vers les Turcs dès lors que j’aurais envie d’écouter un style efficace, pas prise de tête mais cependant qualitatif.
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