7 ans, c'est le temps qu'aura mis Aghora pour accoucher du successeur de leur très prometteur album éponyme. Et en 7 ans, il se sera passé beaucoup de choses, notamment en ce qui concerne le line-up. En tant que capitaine du navire, Santiago Dobles assure seul la transition entre hier et aujourd'hui : la totalité des autres membres du groupe ont été remplacés, excepté Sean Reinert qui demeure batteur mais... de session. Découvert à l'origine par Code666 (qui se fait décidément débaucher toutes ses trouvailles), c'est cette fois-ci label français Season Of Mist qui accueille le second album du combo américain. Côté musique il y également du changement, le groupe s'engageant dans une nouvelle voie, encore plus complexe et difficile d'accès. Alors accrochez-vous !
Je ne sais pas si c'est la frustration de l'attente de pouvoir s'exprimer à nouveau (7 ans c'est long), mais Dobles nous sort avec "Formless", l'album de la démesure. Si vous trouviez
"Aghora" trop complexe, vous pouvez d'hors et déjà considérer ce nouvel album comme hors de portée tellement tout y est plus contrasté. Toujours sur une base metal progressif à consonance orientale, le groupe prend un virage carrément plus extrême et technique : excepté les quelques interludes instrumentales, la plupart des titres descendent rarement en dessous de 5 minutes (avec un pic à 12'30 pour "Formless") et offrent des structures à tiroir alternant passages agressifs et passages très atmosphériques, doublés de riffs aussi déconstruits les uns que les autres. Les guitares électriques bien plus incisives qu'avant, tiennent désormais tête au chant féminin magnifiquement interprété par Diana Serra (aussi bon que celui de Danishta Rivero), cette dernière devant souvent pousser pour se faire entendre. Malgré tout, le mélange si particulier de la musique d'Aghora reste immédiatement identifiable. Dobles a parfaitement su conserver l'essence de son projet tout en l'amenant un peu plus loin.
Pour ceux qui auraient le culot d'oser se lancer dans l'exploration d'un tel album, il vaut mieux savoir que pour arriver à le dompter, la route sera longue et semée d'embûches. Déjà, sa durée exceptionnelle (plus de 70 minutes !) ne joue pas en votre faveur et se l'enfiler d'une traite nécessite donc une bonne plage horaire. De plus, le chant féminin que l'on pourrait croire "easy-listening" (comme c'est souvent le cas), n'est qu'un leurre ici car il n'enlève rien de la complexité de l'album, l'instrumentation chaotique et les structures restant indigestes. Ensuite, il faudra vous munir de votre plus grande ouverture d'esprit car la musique d'Aghora mélange habilement metal extrême, metal progressif, metal atmosphérique et influences diverses (notamment jazz dans l'esprit) avec en plus un chant 100% féminin.
Comme tout le monde je suppose, il m'a fallu du temps pour m'y faire et malgré une première impression assez négative, "Formless" se révèle au final plutôt bon et aventureux. L'atmosphère orientale appuyée par les mélodies et le chant féminin, est unique en son genre et apporte son lot d'émotions. Et même si certaines transitions sont brutales, le contraste extrême/atmosphérique demeure parfaitement assumé et maîtrisé. Toutefois, outre le fait que l'album aurait mérité d'être un poil plus court, la seule chose que je trouve dommage, c'est cette démonstration technique que Dobles, peut-être en manque de reconnaissance, nous sert à toutes les sauces, parfois bien sentie mais parfois totalement insipide et mal à propos. Il arrive donc que l'on s'ennuie ferme durant d'interminables masturbations de manche où seul le guitariste prend son pied. Un peu plus de simplicité n'aurait pas fait de mal à l'ensemble...
Par sa qualité et son abord très abrupte, "Formless" possède toutes les caractéristiques du bon album audacieux et représente une réelle prise de risque de la part des américains : en faisant le pari de l'extrême et de la complexité, Dobles prend l'auditeur à rebrousse-poil et l'oblige à effectuer un véritable chemin de croix pour s'en imprégner. Autant vous dire qu'il vous faudra avoir la foi pour persévérer dans ce dédale musical. Réservé aux metalleux ouverts et téméraires donc.
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