Une fois pénétré dans l'entrepôt, le brouillard avait laissé place à une fumée presque plus épaisse encore. La machine était sur mes talons, froide furie de cliquetis étouffés et de clignotements affolés, toutes lames et radars dehors. Ca allait être chaud, très chaud de la semer … Saloperie de tas de ferraille tenace ! J'avoue que contrairement à certains collègues, et bien qu'aguerri à la guérilla métallique urbaine, je n'avais jamais été confronté aux exemplaires précédents de la génération Red Harvest. Mais heureusement, le bureau m'avait bien briefé sur ce nouveau type de casseroles de la mort: modèle amélioré, le « Red Line Archives » était sensé rassembler le meilleur de la technologie cold indus norvégienne, compilé et réarrangé en une arme de guerre massive, impitoyable, inhumaine et définitive. Description au plus juste, j'en ai peur …
Zigzaguer entre les bidons rouillés et les éléments de la chaîne d'assemblage à l'abandon. S'écrouler au détour d'une allée, et reprendre son souffle derrière un vieux tableau de bord jaunâtre plein de cambouis.
Merde, c'est quoi cette musique soudainement ? Elle se prend pour une chargée d'ambiance musicale de cyber-train fantôme la boîte de conserve ? Garder son calme, il faut garder son calme bordel ! Heureusement, l'enseignement dispensé par l'Institut était le meilleur du secteur pour tout ce qui concernait les techniques de survie face à ces démons d'acier. J'étais ainsi fin prêt - bien que les nerfs à vif et pleinement conscient que mes chances d'y rester étaient non négligeables. Ces machines avaient décidément beaucoup appris de nous: singeant les hélicos ricains qui jouaient la « Chevauchée des Walkyries » pour terrifier le Viet dans « Apocalypse Now », les Traceurs lancés à nos trousses diffusaient en fin de chasse des sons froids et oppressants destinés à nous avoir par les sentiments, tour à tour amadouant l'humain, l'oppressant ou réduisant ses nerfs en pelote électrisées.
Argh ce martèlement rythmique aveugle et martial, ces volutes étouffants de synthé ambiant, ces samples stressant, cette voix cyber-rocailleuse, susurrée et désincarnée. Et vas-y, attaque vicieuse à base de rythmiques jungle (
« Move or Be Moved »), engluement dans l'inexorable flot rampant et lancinant d'un morceau digne du plus menaçant des Nerve (
« Dead »), danse hypnotique du serpent Nervo-
Marylin Mansonien attendant de fondre sur sa proie (
le tubesque « Last Call » … « Going nowhere fast »: elle se foutrait pas de ma gueule c'te saleté de killer-bot ?). C'est que ce chant des sirènes deviendrait prenant ! Résister, surtout résister … Allez, tentative d'échappée vers un escalier de service montant au premier niveau: on va tenter de se planquer entre les containers.
Ouawh, mais c'est excellent ! Voilà que le Traceur me la joue « Snap Your Finger » avec un tube tendu mais presque dansant (
« Abstract Moral »). Vraiment excell … Aaah la saloperie: une salve à un mètre dans les grilles de protection de l'escalier !! Monte, vas-y monte, arrête d'écouter ce superbe morceau qui sent à plein nez le
Ministry à peine rehaussé de superbes effets technoïdes sombres: ça sent l'appât gros comme une maison (
« Synthetize my DNA»)! Pas contente que je te file entre les pattes ma cocotte hein ? Vas-y, perds toi dans des ambiances amusicales (
« Bleed », « 4418 »), je sens bien que tu perds un peu le contrôle. Toi aussi tu as besoin de reprendre tes esprit, de souffler un peu … Puis de repartir bien revigorée, j'en ai peur (
« Desolation ») ! Gasp, c'est que la colère semble monter: au vu de ce démarrage indus/punk cradasse, puis de ce cyber-sympho black/indus plein de blast beats boîte à rythmesques, on sent que la sale bête à des origines maléfiques (
« Technocrate »). Flippant tout ça …
Crevé moi, j'en peux plus. En plus la musique devient de plus en plus ambiante, peu remuante, laissant la place à des claviers amples, de sporadiques cornes de brumes (
« Cyborg era »), des chants désincarnés de femmes et d'enfants, de lents et inexorables martèlements, de brumeuses et froides incantations rituelles (
« The Central Sun – part 1»)… Ne pas sombrer dans un sommeil catatonique comateux, ne pas se laisser emporter dans cette transe, sinon c'est sûr qu'elle va réussir à m… Aaaaaaaaaarghhhhhh !!
…
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