KMFDM revient. Implacable. Intraitable. Plus fort que jamais. Ce nouvel album, qui fait suite aux excellents
"WWIII" et
"Hau Ruck", a pour nom "Tohuvabohu". Dans l'Ancien Testament, tohuvabohu désignait le chaos de l'univers avant sa création. De nos jours, ce mot hébreu définit quelque chose de sauvage, instable, informe. Pour Sascha Konietzko, leader inaltérable de KMFDM, c'est surtout le terme qu'employait sa mère pour décrire le bordel qui lui servait de chambre quand il était gosse. Le jeune Sascha, insultant les voisins avec un haut parleur en balançant des vinyles de DEPECHE MODE sur leur engeance de caniche ? on imagine bien le petit Konietzko demander du gel pour sa crête et des lunettes d'aviateur pour les fêtes. Et la réponse de sa mère, invariable : "Range ton tohuvabohu d'abord"!
Actif depuis 1984, KMFDM a régné sur l'electro metal des 90's avec trois albums référentiels (Angst, Nihil, Xtort) avant de connaître un gros passage à vide au carrefour du nouveau millénaire. Un split et une poignée de disques fadasses plus tard, Konietzko décide de confier (en partie) le destin de son groupe fétiche entre les cordes vocales de Lucia Cifarelli. Si sa contribution sur
"Attak" (2002), l'album du retour, reste modeste,
"WWIII" relance définitivement la machine. Primo, Lucia se voit confier le micro sur la moitié des titres et alterne à merveille refrains pop entêtants et sorties plus aggressives. Secondo, Sascha et ses sbires ont ressorti les grattes du placard et bétonnent un mur de riffs comme aux plus belles heures d'un "Drug Against War". Classique de leur répertoire dont on retrouve ici un descendant direct, "Saft und Kraft", qui reprend à son compte toutes les composantes du thrash : double pédale qui muscle les abdos, riffs rapides et solo killer, rythme de course poursuite, le tout transcendé par des samples dont seul KMFDM a le secret. Un remake plus féroce encore que l'original !
Le reste de l'album, sans reléguer les guitares au second plan, est dans une veine plus électro, comme ce title track qu'on aurait pu retrouver sur la scène d'intro du premier Blade ; des vampires qui se déhanchent sous une pluie de sang, une danse de mort hypnotique sur fond de hardcore tek. Et ces guitares, tantôt suaves (façon KILLING JOKE), tantôt éfilées comme une lame de rasoir (comme sur "Feel" des illuminés de WALTARI) qui ne laissent jamais "Tohuvabohu" quitter la sphère métallique. Assez proche d'un 'Hau Ruck", "Tohuvabohu" martèle les côtes en cadence d'un refrain scandé à plein poumons par un Sascha littéralement déchaîné. "Looking for Strange" (très proche de "Real Thing"), "I Am What I Am" et "Not in my Name" mettent en valeur le registre pop de Lucia sur trois mid tempo assez irrésistibles. Mais ce n'est rien à côté de la reprise fantasque de LIAISONS DANGEREUSES, "Los Ninos del Parque", encore plus débile que le "Mini Mini Mini" de JACQUES DUTRONC sur l'album précédent. Chanté en espagnol, caviardé de samples crétins qui se jouent des défenses les plus élémentaires du cerveau, "Los Ninos del Parque" est LE titre qu'on attend fébrilement à chaque écoute de "Tohuvabohu". Firewalls et anti virus n'y pourront rien, vous finirez inéluctablement par headbanguer sauvagement sur ce monument de connerie sonore, entre guitares de cow-boys, synthés 80's et cris de hobbits bondissants (je pourrais pas mieux décrire !!!).
Dans un registre plus classique (pour KMFDM s'entend), on retrouve un de ces morceaux de propagande légendaire qui ont fait leur réputation, type "Inane" (Xtort, 1996) ou "D.I.Y." (Adios, 1999). Martelant le nom du groupe à intervalles réguliers, "Superpower" offre un condensé de ce que savent faire les allemands, capables de mixer dans un même morceau riffs d'acier, ultra heavy beat et cuivres jazzy. Impeccablement structuré, l'album ne laisse que peu de place aux bouche trous. Les morceaux les plus faibles sont sans doute "Spit or Swallow" (qui semble échappé des sessions de
"Attak" tellement il rappelle "Risen") et "Bumaye", qui entourent un bien plus mémorable "Fait Accompli", dont le refrain catchy n'a pas fini de vous hanter. Dans la droite lignée de
"Hau Ruck", dont il est finalement très proche (un line up enfin stable, ça aide), "Tohuvabohu" présente un KMFDM retrouvé qui progresse à chaque sortie. Revenez dans la danse, there's blood on the dance floor.
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