Arckanum - Antikosmos
Chronique
Arckanum Antikosmos
Il est des choses qui, parfois, vous rendent nostalgiques… Vous vous perdez, vous vous souvenez de joies oubliées, de frissons que vous croyiez perdus, d'émois enfouis, de l'excitation de la découverte… Vous vous laissez aller, la mémoire vous réserve des surprises tantôt bonnes, tantôt moins, et au gré des souvenirs qui remontent, la douce langueur de la mélancolie vous transporte parfois très loin, jusqu'à revoir des images étincelantes, des images que vous auriez aimé voir inchangées… Ces élans de nostalgie sont parfois voulus, pour le plaisir de se laisser bercer par les effluves du passé, se laisser enivrer par ces plaisirs que l'on a connus, qui font de nous ce que nous sommes…
Parfois c'est beaucoup moins voulu : c'est la tronche de bobonne au réveil, dont l'haleine de fennec chasse vite fait les fragrances de la pluie de pétales de rose dont vous rêviez qu'elle émergeait, auréolée de ses vingt ans d'alors, au temps de votre rencontre… Ahah, vous auriez bien voulue qu'elle reste inchangée là l'image, quand vous vous demandez au réveil si elle n'a pas fait son gommage de la veille avec le gravier que vous réserviez à d'autres activités ? Il fait mal là, le retour de souvenirs ? Bon, pour ceux qui au réveil voient juste leur chien et son haleine digne de la votre, sans même savoir pourquoi ce n'est plus bobonne à la place, je ne peux rien pour vous, dégagez, je ne suis pas votre psy, je ne veux pas entendre vos jérémiades. Allez voir une bouteille elle vous comprendra.
Pour ceux qui n'ont pas encore connu ces joies là, souvenez vous plutôt de la première fois que vous avez revu votre première petite amie, plusieurs années après l'avoir perdu de vue… Elle vous apparait, belle, rayonnante, telle la muse qu'elle était pour vous… Quoique, non. Ça, ce n'est que dans les films. Dans la réalité, elle sera soit déjà laide à la base, soit le sera devenu à cause de la dépression qu'elle aura fait après vous avoir retrouvé dans son lit, un lendemain de fête trop arrosée. Donc ceux qui sont dans ce cas de figure, allez rejoindre les épaves autour de la bouteille, de toute façon vous êtes sûrement trop jeunes pour avoir connu le black metal dont je veux vous parler.
Car maintenant que le décor est planté, nous sommes bien là pour parler de ça après tout ?
Vous l'aurez compris, c'est la nostalgie qui s'emparera de vous à l'écoute de ce Antikosmos ; mais pas la version pétales de roses qui volent, lapins qui vous regardent forniquer (oui, ou l'inverse, si vous voulez) dans une clairière à la tombée du jour, etc… Non, c'est bien la nostalgie vicieuse version « comment j'ai pu aimer ça » qui vient vous gifler brutalement (oui, comme quand votre femme tire la chasse d'eau pour vous réveiller quand vous vous êtes endormi la tête dans la cuvette). Une fois l'intro passée, la première chose qui choque c'est la production : fini le son aux effluves de forêt qui allait si bien à la musique d'Arckanum, nous sommes en présence d'un mastering effectué au Necromorbus, et cela s'entend de suite, Antikosmos doit être le sept-cent-vingt-septième album cette année à être doté de cette production. Ceux qui auront été alléchés par l'enregistrement au mythique Sunlight en seront pour leurs frais, tellement l'empreinte du Necromorbus prédomine .La production est donc très bonne, massive mais claire avec juste ce petit quelque chose de boueux dans les guitares, mais elle n'a aucune personnalité, et même si j'aime cette sonorité qui va si bien aux groupes d'Orthodox Black Metal, son omniprésence actuelle devient extrêmement lassante.
Orthodox. Le mot est lâché. Oui, c'est la deuxième surprise, Arckanum donne maintenant dans ce style, donc adieu aux élans épiques, le souffle scandinave qui le caractérisait appartient dorénavant au passé, Antikosmos est de ce point de vue un album fermement ancré dans son époque. Beaucoup trop d'ailleurs, nous allons le voir… Si les deux premiers titres, dans l'ensemble rapides et accrocheurs malgré des breaks assez dispensables, réussissent à établir un pont entre le Arckanum d'antan et l'Orthodox actuel, dès Røkulfargnýr les choses changent. Le ton se fait plus lourd, les guitares sont jouées en étouffés et perdent en impact, le chant se fait plus éraillé et moins agressif, le coté accrocheur disparait malgré quelques accélérations sporadiques, et surtout une impression qui ne s'esquissait que discrètement jusque-là apparait alors dans toute son évidente amertume : tout cela sent le déjà-entendu, et dès lors l'album sombre dans la médiocrité. Là où les deux premiers titres se contentaient d'évoquer l'Orthodox, ce troisième semble être une chute de studio du Keep of Kalessin actuel… S'ensuit un long interlude, étrangement placé aussi tôt dans l'album, suivi d'un titre lent qui singe cette fois le Satyricon moderne ! Il est difficile de ne pas décrocher de l'album à ce moment là, tant ce morceau poussif rend laborieuse la reprise, et il est malheureusement suivi… d'un autre interlude, totalement anecdotique. Il est inutile de continuer à décrire plus avant l'album, la suite (deux titres seulement !) ne faisant que reprendre les mêmes recettes. Au final, l'écoute de Antikosmos est réellement pénible à cause d'une construction bancale au possible, et du manque total de cohérence entre les morceaux : on l'impression d'avoir écouté un patchwork d'influences plutôt qu'un album.
On peut s'interroger sur le coté très opportuniste de cet album : Shamaatae, la tête pensante et seul instrumentiste d'Arckanum ayant toujours été très investi dans l'occulte, il n'est pas étonnant qu'il se soit rapproché du mouvement Orthodox ; seulement, au lieu de continuer dans sa démarche spirituelle, très présente dans son œuvre, il n'a fait que reprendre les clichés de cette scène pour les mélanger avec des influences beaucoup trop récentes pour être réellement assimilées sans être bassement citées comme c'est le cas ici, et a perdu en chemin ce qui faisait l'âme d'Arckanum. Antikosmos rebutera les anciens fans, mais ne parviendra pas non plus à séduire les amateurs du black metal moderne pourtant visés par la majorité des titres de l'album, Shamaatae a totalement échoué dans sa quête de renouveau et nous offre une bien piètre offrande pour célébrer son retour.
Arckanum est devenu la petite amie que l'on a pas vu depuis dix ans, mais avec qui on a passé des moments magiques, main dans la main dans la forêt, et qui revient subitement, méconnaissable, marquée par le temps et maquillée à la truelle : on se rend compte que bien souvent, le passé devrait rester là où il est, dans les souvenirs… Bon, les épaves, il reste de la place autour de la bouteille ?
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