Non mais cétacé ! Après avoir pris d'assaut nos chères têtes blondes à grand coups de « Flipper le dauphin » et de « Il faut Sauver Willy », les bébêtes à nageoire dorsale, profil hydrodynamique et rires cliquetant s'en prennent dorénavant au monde du métal. Préparez-vous, amis métalleux dont la bouée de sauvetage naturelle a été gonflée au houblon, à découvrir – ou redécouvrir – Monique, la joyeuse orque matinale dans la super production autrichienne: « 10h00: Monique, orque extra »
…
Tûûûûût, Tûûûûût, Tûû… Click ! « Allo ?
- Allo, Cyril ? C'est Chris. J'ai lu ton intro pour la chronique de « Not To Be Undimensional Conscious »: franchement j'ai pas envie que Carambar, Télé Z ou l'Almanach Vermot nous colle un procès au cul pour utilisation illégale d'humour pourrave, alors tu remballes ton jeu de mot là, et tu nous fais une vraie intro, OK ?
- Pfffffff… Bon, OK. »
Click ! Tûût, Tûût, Tûût …
Bon, on rembobine alors.
1992. Peu de choses à se mettre sous la dent quand on a découvert le death metal récemment, que la soif de nouveauté est insatiable et que l'on n'a que la presse mensuelle nationale pour se tenir au jus. En effet, en ces temps désormais révolus, le must de l'information en réseau passait par une boiboite nommée Minitel: inutile de vous dire que pour les novices en matière de gros son qui tâche, il était dur d'accéder à la partie immergée du riche iceberg underground, la seule source d'information en la matière étant la menue page accordée par Metal Hammer France aux sorties plus que confidentielles de micro labels répondant aux doux noms de Adipocere ou Holy Records. Heureusement, la qualité des sorties compensait bien souvent la quantité, et la clairvoyance et l'activité bouillonnante de petits labels de qualité comme Earache, Roadrunner ou encore Nuclear Blast – qui réussissaient on ne sait comment à accéder aux colonnes « Chroniques » des Hard Force et autres Hard Rock Magazine – permettaient d'entretenir le fiévreux enthousiasme d'ados accros à cette came musicale comme le lapin de Garenne l'est au petit coup vite fait bien fait de 8h20 (
et de 8h36, et de 8h55, et de …)
Dans cette éternelle et impatiente recherche de nouveauté, imaginez un peu l'impact, sur un jeune chevelu adhérant par ailleurs aux exactions non conventionnelle d'irrévérents joyeux lurons comme Faith No More,
Coroner (
joyeux Coroner ?) ou Infectious Grooves, de l'arrivée du 2e album de Disharmonic Orchestra, trio autrichien carrément barré au patronyme croustillant et aux photos promo les mettant en scène au milieu de peluches et autres jouets pour bambinos. Du vrai pain béni, de celui dont on fait les tartines métalliques réussies! Matez -moi donc cette pochette carrément arty, ce titre prise de tête à mille lieux de « Scream Bloody Gore » et … Attendez voir: il paraîtrait même que le groupe se fend d'un passage hip hop sur « The Return Of The Living Beat » !! Ni une ni deux, y a pas à tortiller: une partie de l'argent de poche du mois partira dans l'achat de cette galette, crénom !
Et il se trouve que pour une fois, l'habit faisait bien le moine. Si la prod' parfois un peu brouillonne de T. Skoksberg apporte l'habituelle (
mais ici tout de même relativement légère) touche boueuse made in Sunlight à des guitares qui vont donc sporadiquement lorgner vers
Dismember (
à 0:51 sur « Like Madness From Above », ainsi que sur toute une partie du début de « Mind Seduction » ), voire vers une version light et sourde de
Grave (
à 1:24 sur « A Mental Sequence »), on se retrouve tout de même bien, au final, avec entre les oreilles un OVNI musical qui reste aujourd'hui encore sans vraiment d'équivalent. En effet si la musique du groupe est bien à la base un death sombre et tourmenté, elle n'en adopte pas moins des structures jazzy libres de toute entrave stylistique et possède une dynamique très personnelle, l'accent étant mis sur les galipettes expérimentales et la recherche du groove et du feeling à travers des plans hors du commun, plutôt que sur la puissance et la brutalité à tout prix. Ainsi la batterie et – encore plus rare – la basse jouent à fond la carte de l'indépendance et du contre-pied, posant des plans souvent tordus, parfois totalement éthérés, multipliant les cassures et les rythmiques en décalage complet avec la nature purement death metal des morceaux. Très peu de blasts donc. Un poil de double quand même. Mais par contre on se prend dans les oreilles moult roulements légers, nombres chatouillis de cymbales mutines, des schémas rythmiques osés, claudicant, tourneboulant ou jouant des claquettes sans sacrifier pour autant au postulat habituel qui veut que l'auditeur doit s'en manger plein la tête sans avoir le temps de respirer. La basse est d'ailleurs ici tellement importante que l'on a parfois l'impression que c'est la guitare qui sert à la mettre en valeur et non l'inverse. Côté chant, - puisque chant il y a, même s'il est plus un outil de second plan ici -, Patrick fait dans les vagissements sourds et étranglés plutôt que dans le rugissement rocailleux. Mais il a l'intelligence de s'effacer assez régulièrement pour laisser s'exprimer les vrais acteurs de cette magistrale expérimentation en territoire extrême.
Comme si tout cela ne suffisait pas, les 3 olibrius qui animent cette sympathique entité savent écrire des morceaux – ou tout au moins des passages et enchaînements – bien accrocheurs, voire carrément tripants. Quelques exemples parmi tant d'autres pour vous faire une idée: à 1:48 sur « A Mental Sequence », le groupe nous propose une chevauchée en solo dans une prairie battue par la pluie. A 2:00 sur « Like Madness From Above », on a le droit à un passage aussi grandiosement entraînant que bancal et dépouillé. Il faut encore citer la totalité du fabuleux « Groove », tube extra-terrestre ayant fait l'objet d'un clip aussi dérangé que cheap, dont le passage le plus singulier consiste en un plan fixe pris à même le sol d'un élevage de volaille, où l'on voit se croiser, piétiner et s'étirer une multitude de pattes d'origine volatile, délire parfaitement étranger à l'imagerie classique ayant cours dans le cadre de la sphère (
death) metal. Le groupe aime à se singulariser encore et encore, ce qui l'amène à tenter des trucs plus ou moins farfelus, comme par exemple des passages totalement dépouillés, à mille lieux de la saturation attendue (
au début de « Time Frame » par exemple), à rajouter de très occasionnelles touches de clavier (
Peu fréquent à l'époque si ce n'est chez Nocturnus), voire à faire, comme je vous le disais un poil plus haut, dans le rap – mais malheureusement dans ce cas précis, le groupe se vautre un poil en donnant dans le hip hop à 3 francs cinquante, maladroitement intégré au sein d'un morceau un peu bidon semblant uniquement destiné à amener cette private joke musicale qui n'a finalement que le mérite de durer moins de deux minutes.
Au final, ce disque n'est clairement pas fait pour plaire à tout le monde. La démarche de Disharmonic Orchestra est résolument d'avant-garde, tellement d'avant-garde d'ailleurs que cet album reste tout autant (
ou « aussi peu », c'est vous qui voyez) d'actualité aujourd'hui qu'à sa sortie. D'ailleurs Metal Mind ne s'y est pas trompé, le label polonais proposant depuis peu de temps un repressage de l'album assorti des habituels bonus et goodies de circonstance (
en l'occurence l'EP "Successive Substitution"). Bref les copains, que vous parcouriez les bacs à vieilleries où ceux des rééditions, accordez donc sa chance à cet album: le ton y est certes complètement non conventionnel, mais finalement très séduisant et pas si dur d'accès que cela. Comme quoi, finalement, il existe bien des Monique sexy…
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