Cynic - Traced In Air
Chronique
Cynic Traced In Air
Outre celui de voir tous les rappeurs mourir dans d'atroces souffrances, je chérissais jusqu'à il y a peu un rêve inavouable, que je croyais fermement irréalisable, celui de voir un jour Cynic et Atheist en concert. Comble du bonheur, le Hellfest 2007 m'offrit ce rêve sur un plateau (boueux en l'occurrence). Je n'osais croire que ces deux groupes cultes, en plus de nous offrir des concerts, pouvaient se remettre à composer pour sortir de nouveau des disques. Mais 15 ans après Focus, Cynic sort enfin son second album, intitulé Traced In Air.
Comment succéder à un chef d'œuvre intemporel, vu à juste titre comme une pierre angulaire, et sans aucun doute comme l'un des albums les plus originaux et avant-gardiste, de l'histoire du metal ? Comment sortir un opus 15 ans après un album qui est toujours en avance sur notre temps ?
Autant de questions qui ont fait angoisser quelques générations de metalleux, attendant le retour de Cynic comme celui de Jésus sur Terre. Comme je l'ai déjà décrit dans ma chronique de Focus, ce fût la croix et la bannière pour sortir ce premier essai, le sort semblant s'acharner sur le groupe à coup d'ouragan et de déluge. Et pourtant, cet album est bien sorti, alors il ne faut pas s'étonner qu'après s'être tournés vers d'autres horizons (dont le plus connu reste Portal), Paul Masvidal et Sean Reinert aient eu envie de remettre le couvert 15 ans plus tard !
Cette fois-ci, point de Tony Teegarden ni de Jason Gobel à l'horizon, c'est déjà un miracle si Sean Malone a pu intégrer le groupe de nouveau (même si il n'a pas fait de tournées), c'est donc Tymon Kruidenier qui s'occupe de la seconde guitare et du chant death, et il arrive sans mal au niveau de ses deux prédécesseurs dans les deux domaines.
Pas de très gros changements donc du côté du line-up, mais la question restait en suspens : Cynic allait-il changer radicalement, se travestir, et trahir sa cohorte de fans tel un Judas de pacotille ? Je me dois de vous rassurer : on peut toujours voir au travers de la musique de Cynic la même envie et le même talent qu'il y a quinze ans, ne serait-ce qu'en allant les voir en concert. N'allez pas croire que nos gaillards se soient éloignés du monde de la musique pendant tout ce temps, bien au contraire, ils ont exploré de nouveaux horizons, ne faisant que renforcer encore l'hybridation de leurs influences, atteignant un nouveau degré de maturité dans le jeu.
Néanmoins, et on ne peut le nier, il y a bel et bien eu un changement au sein du groupe. Pas une évolution radicale, façon retournement de veste, mais plutôt une évolution douce, logique, celle du groupe qui après avoir démontré l'étendue de son talent et n'a plus rien à prouver, veut montrer une autre facette musicale.
Si Focus est déjà un album qui se ressent et se vit plus qu'il ne s'écoute, que dire de Traced In Air ? Ceux qui trouvaient que Cynic manquait déjà d'accroche ne devraient même pas poser une oreille sur ce nouvel opus, impossible qu'il leur plaise !
Plus intimiste, aérien et éthéré encore que Focus, Traced In Air s'éloigne de son ancêtre en abandonnant encore un peu plus le côté death metal et démonstratif de son prédécesseur. Mais il résulte indubitablement de l'essence même de Cynic : ce divin mélange de passages calmes, très progressifs, presque jazzy, et de passages plus rapides, intenses et denses.
Une fois de plus, j'ai bien du mal à trouver les mots pour vous parler de la musique du groupe, qui loin d'être aussi difficile d'accès que par le passé, demande tout de même un certain investissement pour pouvoir être appréciée dans sa globalité. Encore plus aujourd'hui qu'il y a quinze ans, il ne faut pas voir Cynic comme un groupe de death metal, de jazz metal, de metal progressif ou que sais-je encore, cet album va bien au-delà de ces clivages, transcendant allègrement les frontières du metal.
Pour être plus concret, il n'y a pas sur Traced In Air de morceau aussi rapides que « I'm But a Wave To… » ou « Uroboric Form », pas plus que d'instrumental à la « Textures », l'ensemble de l'album est encore plus cohérent que Focus, et ce sont les morceaux en eux-mêmes qui – une fois encore plus que par le passé – apportent ces contrastes saisissants. Je pense notamment à « The Space For This » et son intro toute en arpèges et en chant clair qui après une minute et demie laisse place à un riff comme seul Cynic sait les faire, techniquement bluffant (que je mettrais trop de temps à vous décrire alors qu'il vous suffit de l'écouter pour que votre mâchoire tombe) et indubitablement entraînant. Idem pour « Evolutionary Sleeper », qui est un morceau auquel les fans du groupe ont eu le temps de s'habituer vu que c'est le premier composé pour l'album. Tout sur Traced In Air est marqué du sceau de cette alternance merveilleuse qui ne fait qu'encore renforcer l'efficacité de cet album.
La beauté qui se dégage de cet album est autant à mettre au crédit d'un talent de composition aussi indéniable qu'évident, que de la virtuosité paroxystique des musiciens de Cynic.
Tymon Kruidenier confirme l'énorme impression qu'il m'avait fait en live en juillet dernier, il possède un chant death metal ultra convaincant et s'avère être un guitariste fantastique, reprenant sans mal l'intégralité de Focus.
Sean Malone est toujours un bassiste d'exception, apportant une touche indéniable à l'œuvre du groupe de par la justesse de ses interventions, mon seul regret étant qu'il n'est peut être pas aussi présent qu'avant, malgré le fait qu'il démontre à plusieurs reprises qu'il aurait pu l'être (et c'est particulièrement flagrant sur « The Unknown Guest »).
Paul Masvidal possède toujours un jeu de guitare divin, à vous tirer les larmes sur les solos, mais c'est au niveau du chant que l'évolution est la plus marquée. Sa voix est en effet bien plus puissante et beaucoup moins voccodée que par le passé, elle est par conséquent bien plus aigue et elle s'assimile aujourd'hui totalement à du chant clair.
Sean Reinert enfin est peut être celui qui m'a le plus bluffé. Il était déjà un batteur de génie il y a quinze ans, alors je vais commencer à manquer de superlatifs pour décrire sa prestation sur Traced In Air. J'avais déjà entendu des parties de batterie subtiles, mais jamais à ce point là, pas avec cette précision féline et cette vélocité dans le jeu ; je suis juste époustouflé par la manière dont il arrive à rendre naturel et évident un jeu si étoffé.
Vous l'aurez compris, cette virtuosité exacerbée loin de desservir la musique n'est là que pour apporter cette touche de ressenti et de finesse, incitant l'auditeur réceptif au voyage et à l'émerveillement.
Traced In Air est bel et bien de la veine de Cynic, et est à ce titre, ni plus ni moins qu'un chef d'œuvre. Alors, pourquoi pas de 10/10 ? Déjà parce que Sean Malone est comme évoqué moins audible qu'à l'accoutumée, mais aussi et surtout parce qu'il ne dure que 35 minutes ! Quinze ans pour si peu, avouons que ça fait cher de la minute.
D'aucuns diront que cet album ne vaut pas Focus, et c'est vrai, simplement parce que Traced In Air n'est pas un album unique en son genre, vu qu'il a… un prédécesseur. Un prédécesseur qui de surcroît est un poil plus varié, et comporte plus de passages encore plus géniaux que le reste des morceaux dont ils font partie (et je pense surtout au final de « How Could I »).
J'ai eu vent de quelques cas d'amateurs de Focus qui n'aimaient pas ce Traced In Air, jugeant que l'alternance des passages rapides et plus calmes est moins présente qu'avant, et qu'en conséquence, cet album est mou. En voilà qui ont compris tout l'intérêt de Cynic !
Tout sur Traced In Air n'est qu'évidence, une évidence toujours aussi complexe mais qui transporte autant que peut le faire Focus. Bien que moins démonstratif et moins rapide que son prédécesseur, cet album n'en est pas moins subtil, et transporte toujours autant. C'est là le véritable intérêt de Cynic, ce qui fait de ce groupe un spécimen totalement unique en son genre, et de cet album qui est de loin le plus élaboré dans la composition de l'année, à mon humble avis (qui vaut toujours plus que le vôtre), simplement le meilleur de l'année.
Comble du bonheur, il est disponible dans une édition spéciale : une belle et grande boîte renfermant un tas d'objets qui vont de l'indispensable à l'inutile (et donc totalement indispensable aussi), malheureusement arrivée bien trop tard pour que je chronique cet album dans les temps, sachant que Season Of Mist ne m'a jamais envoyé le promo (par contre pour m'envoyer le dernier Dagoba ils ne se sont pas gênés…). Voilà qui me ferait presque leur en vouloir si ils n'avaient pas signé le groupe qui vient de faire le retour le plus réussi depuis celui de Jésus sur Terre.
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