MASTODON et moi, c'est l'histoire d'un rendez vous manqué. Le groupe sort
« Blood Mountain » en 2006, un album référence encensé par tous ? Je ne jure que par le grind de ROTTEN SOUND ou CEPHALIC CARNAGE, et mes conduits auditifs en lambeaux sont encore loin de céder aux sirènes de la scène stoner. Leur passage au Hellfest 2007 ? Un set calamiteux ruiné par des conditions météorologiques à deux souffles d'entraîner la perte du festoche, un son tourbillonnant et des zicos au bord du pétage de plombs, qui reportent à plus tard mon approche de la bête. Plus tard c'est l'année suivante, lorsque le déjà plus daté
« Remission » remonte le courant alternatif jusqu'à mon disque dur, sans toutefois me laisser un souvenir impérissable. La faute au chant, un peu trop abrasif et râpeux à mon goût, qui masque en partie un abattage rythmique que je pressentais à la hauteur. Ayant depuis largement succombé aux effluves seventies des géniaux KYLESA et BARONESS, la sortie du cinquième album de la bande à Troy Sanders, « Crack The Skye », participait d'un timing idéal pour accueillir le bestiaire dans mon salon, d'autant que le zookeeper maison ($am, reviens!) a déserté la thrashocage depuis l'année dernière. Oh, j'ai bien proposé à Keyser de s'occuper du bestiau mais vous connaissez l'animal et son goût immodéré pour la viande rouge. Dans l'esprit de notre boucher préféré, une espèce en voie de disparition a vocation à finir clouée au mur, tête empaillée et viscères fumantes dans son assiette. Pour l'étude d'un spécimen vivant, hé bien, il faudra donc faire avec moi, tennisman en fin de carrière préposé à l'équarrissage au premier tour de Roland Garros.
C'est donc les oreilles à peu près vierges et sans pression particulière que j'abordais « Crack The Skye », présenté par beaucoup comme l'album le plus progressif de MASTODON. Une ballade électrique aux accents planants, marquant une rupture certaine avec leur ancien répertoire et dont la composante la plus versatile, le chant (ils sont trois à s'y coller, Brann Dailor, Brent Hinds et Troy Sanders, sans oublier un caméo de Scott Kelly de NEUROSIS sur le title track) ne manquerait pas de surprendre. En vérité, si l'évolution vers des contrées musicales moins abruptes se fait vite sentir, la plus large place accordée au chant clair sautant d'office aux oreilles, il est également évident qu'on est en présence d'un skeud de MASTODON, pas d'un album bancal aux faux airs de side project mal assumé. Qu'un amateur non éclairé du combo comme moi en fasse la remarque dénote combien MASTODON a su graver son style au fer rouge dans la mémoire collective, par le biais de guitares serpentines (sur « Quintessence » et « Divinations ») et de rythmiques tentaculaires, Brann Dailor imprimant toujours une dynamique ahurissante à des compositions plus lancinantes que par le passé. Et s'il faut patienter jusqu'au quatrième titre pour pénétrer le coeur de « Crack The Skye », le groupe ayant pris soin d'accompagner l'auditeur par la main le temps de trois morceaux plus traditionnels, c'est lorsque MASTODON abat la carte du progressif que le charme opère le plus ; titre exceptionnel justifiant à lui seul l'acquisition de l'album, “The Czar”, longue pièce prog de onze minutes découpées en quatre actes, multiplie les aller retour entre torpeur de salon d'opium au petit matin évoquant DATURA et rugosité stoner au groove indécent, les solis à l'ancienne et les lignes vocales ennivrantes du trio liant à merveille les différentes parties. Onze minutes de grâce qui en paraissent quatre, tant MASTODON fait preuve de fluidité et use à merveille (c'est à dire avec parcimonie) des artifices prog usuellement de rigueur, du piano aux parties de claviers tissant une trame riche d'ambiances et de thèmes, du mellotron au banjo en passant par le décidément très tendance voccoder (sur l'excellent title track), à nouveau de sortie après “Traced In Air” de CYNIC et “Cosmogenesis” d'OBSCURA. Une des grandes forces de “Crack The Skye” réside donc dans ce rééquilibrage réussi des forces vocales en présence, la timidité qui entourait les parties de chant clair
sur “Blood Mountain” appartenant désormais au passé. Délaissant par la force des choses l'aspect le plus bûcheronesque de son répertoire (pas de coups de butoir façon “Blood And Thunder” ou “Circle Cysquatch” à attendre ici), les musiciens de MASTODON a néanmoins pris soin de ne pas isoler “Crack The Skye” du restant de leur discographie en faisant la part belle aux guitares (tous les riffs sont de qualité supérieure) et en laissant à Brann Dailor toute latitude pour faire vivre les compos (festival annoncé sur “The Last Baron”, incroyablement riche à ce niveau malgré un break jazz incongru à 6:00). Bien que moins accidenté que d'ordinaire, la traversée de “Crack The Skye” ne s'effectuera donc pas sans heurts, l'étiquette rock progressif restant pour l'heure bien trop sage pour un MASTODON encore en phase de domestication.
A ce titre, l'équilibre entre animalité et spiritualité reste encore précaire, les morceaux de bravoure que sont “The Czar” et “The Last Baron” faisant clairement de l'ombre aux titres plus traditionnels, dont la nature transitionnelle (pont nécessaire entre l'ancien et le nouveau MASTODON) est en soit une faiblesse : car aussi plaisants que soient “Divinations” (dotée d'excellents solis, d'un pur refrain et d'une rythmique infaillible), “Divinations” ou “Oblivion”, ces trois premières salves n'ont ni le caractère dynamiteur des anciens titres, ni n'exercent le même pouvoir de fascination que les pièces progressives. On est alors en droit de s'interroger sur l'efficacité du tracklisting, les accents mélancoliques (comme sur “Ghost Of Karelia” à 1:59) prenant clairement l'ascendant sur les parties plus nerveuses (“Quintessence”, très en deça du reste), presque banales au regard des anciens skeuds. Dans le même ordre d'idée, MASTODON peine quelque peu à relancer l'album au sortir de “The Czar” malgré deux titres qui, sortis de ce contexte difficile, sont irréprochables. Dès lors, on termine l'écoute de “Crack The Skye” séduit par cette nouvelle orientation, mais avec le sentiment que MASTODON a quelque part trop cherché à assurer ses arrières. Sans doute fallait-il en passer par là, afin de ne pas marquer une rupture trop nette entre leur dernier né et le
critically acclaimed “Blood Mountain”. Si cela n'entrave en rien la montée en puissance du groupe et ne retire pas grand chose au plaisir de l'écoute, souhaitons qu'à l'occasion de leur prochain effort studio, la prise de risque soit, cette fois, maximale.
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