Le parcours de Mastodon est à la fois exceptionnel, classique et fâcheux. Quatre premiers opus de feu en progression constante qui le plaçait parmi les groupes les plus talentueux de sa décennie, puis au cinquième album un virage que certains n’hésiteraient pas à qualifier de commercial jusqu’à aujourd’hui. Cela ne vous rappelle personne ? On se disait bien. Donc troisième album de la période que l’on pourrait qualifier de « FM », car pour les quelques auditeurs plus âgés qui disent encore attendre que Mastodon sorte son « black album », c’est déjà fait, il s’appelle
The Hunter, et autant dire les choses clairement, cet
Emperor of Sand ne change pas la donne. Brent Hinds ne se cachant désormais pas pour dire qu’il déteste le metal (?!), une question légitime se pose : Mastodon aurait-il succombé à la mode lancé par Steven Wilson, Akerfeldt et sa bande, consistant à dénigrer le genre pour se plonger dans un rock progressif de seconde zone, porté aux nues par des hipsters dont on se demande s’ils n’ont jamais écouté un disque de King Crimson ?
Pourtant au démarrage, « Sultan’s Curse » arrive presque à redonner espoir avec une écriture légèrement plus profonde et progressive que ce que l’on a souvent entendu ces dernières années. Problème : après ce premier morceau encourageant déboule le single « Show Yourself ». Titre le plus radio-friendly jamais composé par le groupe, un Queens of the Stone Age des débuts ou un Foo Fighters aurait pu le faire. Fun sur le moment avec son clip, mais agaçant passé quelques écoutes. Et c’est bien le principal problème ici, au-delà d’une ambition quasi-inexistante et une orientation presque pop pas très heureuse, c’est la quantité de riffs faciles et totalement oubliables qui peuplent la plupart des morceaux. La majeure partie de l’album est remplie de titres accrocheurs, accessibles, aux refrains qui rentrent facilement en tête (mais qui en sortent facilement aussi) : « Show Yourself » bien sûr, « Precious Stones », « Steambreather » où les influences stoner reviennent en force, « Word to the Wise », « Ancient Kingdom » (le vieux gimmick de la cloche sur le refrain…) ou encore « Clandestiny ». Des chansons, parce qu’il s’agit vraiment de chansons ici, qui n’auraient aucun mal à se tailler une place sur les radios metal américaines.
Heureusement « Roots Remain » nous replonge timidement, mais avec un certain bonheur dans l’ambiance d’un
Crack the Skye, plus progressive et planante. Car oui, hormis ce morceau, seules les trois dernières pistes nous ramènent aux albums des années 2000 avec des riffs bien plus heavy et un tempo plus élevé. Là encore, rien de spécialement mémorable, si ce n’est le très beau « Jaguar God » qui commence comme une ballade touchante pour finir sur des riffs groovy en diable. Sans doutes possibles le meilleur moment d’
Emperor of Sand, mais une bien maigre consolation.
En fin de compte
Emperor of Sand possède les mêmes qualités et les mêmes défauts que ses deux prédécesseurs : le travail reste très solide, le jeu de Brann Dailor est toujours au-dessus de la mêlée, les leads de la paire Hinds/Kelliher font souvent mouche, mais bien trop peu d’intensité et bien trop peu de surprises, seulement quelques plans barrés, alors que c’est pourtant cela aussi que l’on aime avec Mastodon. Une nouvelle sortie trop souvent balisée qui nous fait d’autant plus regretter le récent passé du groupe, surtout quand on sait de quoi ils sont capables. Mastodon ne s’inflige pas un échec cuisant, loin de là, mais persévère dans une direction qui manque franchement d’intérêt.
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