Simulacrum - Genesis
Chronique
Simulacrum Genesis
« If I was the sky
I would shut out all the light
And watch the world fall asleep »
Simulacrum n'est pas tout à fait un dieu du metal progressif en 2021. Formé en 1999 autour des frères Pulkkinen, Christian « Chrism » et Nicholas « Solomon », ce combo a gambergé pendant des années, rendant plusieurs copies restées confidentielles, avant de se distinguer par deux full-length honnêtes, à défaut d'être originaux, au début des années 2010. Olli Hakala accompagnait déjà la fratrie à la basse et au chapman stick depuis l'année 2000. The Master and the Simulacrum, en 2012, ne cassait pas trois pattes à un canard mais promettait pas mal. Sky Divided (2015) et son concept futuriste classique de guerres des mondes et d'invasion alien avait déjà plus de qualités ; le groupe semblait avoir franchi un cap. Outre des facilités techniques évidentes, condition sine qua non pour pratiquer ce genre de musique ambitieuse, le groupe a recruté, au fil des années, pour devenir aujourd'hui un septuet doté de deux chanteurs : Niklas Broman, chanteur principal du combo depuis 2004 assure des lignes typiques du genre qui alterne entre tessitures semi-éraillées et envolées lyriques ; Erik Kraemer, qui a rejoint le groupe en 2016 après de multiples auditions, forme le plus souvent un duo mélodique avec son comparse en lui offrant un supplément de puissance dans les aigus. Le guitariste Petri Mäkilä assure depuis Sky Divided des soli de grande qualité et reproduit ses exploits sur ce nouvel opus. Tatu Turunen et son look de videur de boîte de nuit viking les a rejoint en 2017 pour assurer ces parties batterie techniques que le genre exige. Ils sont tellement nombreux que j'ai l'impression de compter des élèves en voyage scolaire! Pour mon plus grand bonheur, le groupe semble être resté bloqué au début des années 2000 tout en ayant loupé le coche du succès international qui leur tendait les bras à ce moment-là. Nos sept bonshommes ont tout de même gardé de cette période l'envie louable de pratiquer dans leur dernier album un metal progressif authentique aux relents heavy, élevé au grain, aux contretemps et aux soli interminables. Forcément, avec une pochette d'aussi mauvais goût, il ne fallait pas s'attendre à une démarche ultra-moderne. J'ai presque honte de dire que celle-ci m'a suffisamment attirée pour me faire penser que l'affaire avait tout pour être ma came du moment.
Je ne me suis pas trompé : Genesis sonne exactement comme je m'y attendais. Nos Finlandais pratiquent effectivement ce metal progressif un brin nostalgique que Dream Theater ou encore Symphony X n'ont de cesse de lancer avec davantage de régularité dans les esgourdes aventureuses depuis des décennies. Pourtant, le genre offre suffisamment de latitude pour leur permettre d'avoir leur touche personnelle, leur petit truc à eux. Cette petite chose qui fait toute la différence est à chercher du côté des sons de clavier du membre fondateur du groupe, Christian Pulkkinen, qui se placent bien souvent au-delà des riffs mélodiques ciselés que propose Simulacrum. Il n'y a qu'à entendre « Nothing Remains », tube archi-accrocheur pour s'en rendre compte : le leader du groupe est suffisamment bon pour proposer dans ses soli une mélodie intriguante, presque dissonante mais suffisamment virtuose pour le mettre en valeur. Le clip offert à ce morceau met en scène l'éclosion d'une tueuse cybernétique tout droit sorti des années 80 (on pensera à Gunnm, Robocop ou encore à Sigourney Weaver) et porte également en lui ce sens de la démesure jouissif, à ceci-près qu'on évite pas les plans où le groupe joue dans un hangar sinistre. Je ferai fi de cet apparat usé jusqu'à la moelle pour préférer commenter l'efficacité évidente des riffs de guitares que nous offre le septuet sur ce Genesis : « Arrythmic Distorsions » et ses envolées épiques a lui aussi tout du tube efficace et authentique. Son refrain chanté à deux voix aigües, parsemées d'une mélodie poignantes montre que le combo sait ce qu'il fait. Le mid-tempo martial sur lequel repose l'ossature du morceau a tout pour séduire n'importe quel amateur de metal progressif, qu'il soit moderne comme nostalgique.
En effet, Simulacrum n'oublie pas de faire du dépassement de fonction : « Arrythmic Distorsions » tend par moments vers le djent, avec ses riffs contemplatifs saccadés envoyés par des guitares sous-accordées. « Scorched Earth », lui aussi, débute par un « sweeping » offensif pour évoluer vers un riff heavy percutant qui évoque Symphony X par les motifs orientalisants convoqués par le clavier de « Chrism ». La grosse cavalcade de double pédale virtuose et de « palm mute » saccadés qui rythme le refrain et le pont prog à partir de 3'09'' a tout compris : le combo est bel et bien capable de proposer des assauts qui sauront rester dans les annales d'un genre où tout n'a pas été dit. Ce genre de passage bien rythmé remplit totalement le cahier des charges nécessaires à la réussite de ce Genesis! Le solo de guitare de « Solomon » qui s'épanche sur ce pont martial hisse le septuet au niveau de ses inspirations, tout comme le solo de clavier qui utilise ce son rétro propre à « Chrism », qui compose l'intégralité des morceaux. Il en va de même pour le solo initial de « Genesis, Pt. 2: Evolution of Man » qui contribue à installer cette touche très intéressante. La production lui fait constamment la part belle, lui offrant bien souvent un écrin à la mesure de son talent. Dommage que les tremoli des deux chanteurs en fin de phrasés franchissent allègrement la barrière des manières dépassées à plusieurs reprises, comme sur « Like You Like Me » où le refrain qu'ils sculptent en duo demeure un peu crispant. Bien qu'ils s'acquittent du job de manière plus qu'honnête, force est de reconnaître que l'album respire lorsqu'ils se mettent en retrait. Ce n'est d'ailleurs pas pour rien si « Genesis, Pt. 2: Evolution of Man », instrumental qui montre toute l'ambition du groupe, fait partie des tous meilleurs morceaux de cet opus, en terminant par quelques notes de piano du meilleur effet qui confirme l'omniprésence de « Chrism » et le lie avec « Genesis, Pt. 3: The Human Equation » où on retrouve tout de même nos deux gugusses avec bonheur lorsqu'ils adoptent davantage de simplicité dans leurs lignes de chant :
« Gifted desire
Gifted with purpose
Gifted with reason
They may begin to comprehend »
Les quatre derniers morceaux forment d'ailleurs un ensemble conceptuel d'une grande et belle ambition, « Genesis ». « The Celestial Architect » célèbre le prog des seventies avec son pont bien barré où retentit un marimba totalement bienvenu (tenu par un autre frère Pulkkinen, Risto), rivalisant dans l'improbable avec un fulgurant solo de guitare. Belle initiative. Le riff ciselé qui suit cette bouffée d'air frais avec la voix grave robotique propulse Simulacrum vers l'excellence. Les lignes de basse y sont exceptionnelles : Olli Hakala démontre, comme il l'a fait à plusieurs reprises sur cet opus, une virtuosité évidente que la production cristalline nous révèle constamment. C'est également son instrument qui ouvre le dernier morceau, « End of Entropy », grandiose conclusion qui dévoile lui aussi un metal progressif de haute volée, tout en fulgurance de claviers bien rétro, de polyrythmies ambitieuses et de riffs saccadés écrasants. Force est de reconnaître que tout fonctionne fort bien dans ce Genesis qui, malgré sa démarche un peu rétro, ne fait pas l'erreur d'en faire des caisses : d'un très haut niveau technique, il est virtuose sans être démonstratif et n'oublie jamais l'efficacité, à l'image du jeu de jeu de double pédale aux petits oignons de Tatu Turunen qui apporte ce supplément de puissance qui manquait aux précédents efforts du groupe. Son jeu parvient à la fois à apporter la finesse et la lourdeur nécessaires : ses blasts beats furtifs rivalisent de créativité avec ses breaks virtuoses et son travail très subtil de la cymbale ride dans « The Celestial Architect ». Il contribue d'ailleurs à faire des passages atmosphériques du groupe de grandes réussites. Seuls les deux chanteurs, motivés par leur envie – louable par ailleurs – d'atteindre des lignes de chant impossibles, forcent parfois le trait jusqu'à affecter un peu cet ensemble convaincant. « Like You Like Me », morceau plus contemplatif qui évoquent les débuts de Dream Theater, souffre un peu des notes aiguës qu'ils cherchent à atteindre, par souci d'égaler la virtuosité éclatante de leurs cinq collègues. Dommage, car l'épique ouverture « Traumatized » et son riffing heavy qui cartonne son monde d'entrée laissait entendre que Niklas Broman était capable d'aller chercher des tessitures éraillées plus simples mais plus efficaces. Dommage que le refrain – accrocheur par ailleurs – pêche encore par cette obsession pour les lignes de chants lyriques complexes qui font difficilement mouche. Dommage également que Niklas Broman n'ait pas davantage parsemé l'album de ses tentatives de vocalises plus agressives et burnées.
Malgré des défauts imputables aux limites qu'il se fixe à lui-même, Simulacrum nous livre d'assez loin son meilleur album à ce jour. Avec sa production parfaite qui fait ressortir ses riffs efficaces, il s'impose comme l'album de la maturité : plus encore, cette sortie ambitieuse permet aux Finlandais de regarder leurs inspirations dans les yeux et même de rivaliser avec eux. Étrange de dire ça d'un groupe âgé de plus de vingt ans... mais pas plus, finalement, que cet espèce de dieu cosmique aux tons chatoyants tout droit sorti d'un comics de Jim Starlin qui orne avec un certain panache ce Genesis.
| Voay 17 Février 2021 - 1150 lectures |
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