Ah, cette belle année 2002, où après des mois de campagnes acharnées, des espoirs et toutes les chances de gagner sur le papier, une énorme surprise qui fit rire jaune environ 82% des français, advint. C'était décidé : il se retirait définitivement de la vie sportive professionnelle, le football français, après avoir fait un peu de tourisme en Corée du Sud. Moi je m'en foutais déjà, j'ai toujours été contre cette équipe de France de football, et de toute façon j'avais trop à m'occuper avec l'avalanche de tueries que cette belle année me proposait, et je ne parle pas seulement des émeutes au Gujarat, mais aussi des sorties de metal extrême qui foisonnaient. C'était notamment le retour de Decapitated, deux ans seulement après la sortie de l'excellent
Winds Of Creation et alors que la mode du death polonais battait son plein. Les jeunes prodiges avaient déjà impressionné, mais ce n'était rien par rapport à ce qu'ils nous ont proposé avec
Nihility.
Et oui, le travail abattu sur cet album a de quoi laisser sans voix, car même si le style de Decapitated est reconnaissable, les jeunes musiciens ont en l'espace de deux ans progressé autant sur le plan de la technique que de la composition d'une manière assez incroyable. Les titres sont moins fourre-tout, plus aérés et de facto moins brutaux, mais aussi beaucoup plus techniques, foisonnant de contre-temps et autres cassures rythmiques qui apportent une dimension de complexité supplémentaire à
Nihility. Revers de la médaille, ce second album est moins furieux que
Winds Of Creation, et est encore moins rapide que son aîné qui n'atteignait déjà pas des sommets de vitesse. Mais même un tempo moyen suffit à souffler l'auditeur quand les musiciens se mettent à jouer en parfaite synchronisation sur un riff comme celui de « Nihility (Anti-Human Manifest » de 1:20 à 1:50 où la précision diabolique de Vogg sur ce palm mute de doubles croches – technique souvent utilisée par Carcass, comme sur la reprise qui suit le solo de « Heartwork », mais pour un rendu bien plus impressionnant ici – n'a d'égale que la qualité du jeu d'un Vitek qui en deux ans a fait d'énormes progrès pour développer sa technique et varier son style. Rythmiquement parlant, cet album est un travail d'orfèvre, bien supérieur à tout ce que le modern death a engendré jusqu'à aujourd'hui, et qui pouvait en un sens laisser présager la tournure que prendrait le groupe avec
Organic Hallucinosis. Mais Decapitated n'avait pas encore oublié ce qui fait l'intérêt du death metal, à savoir la mélodie, et même ce bijou de « Spheres Of Madness » qui allait devenir le morceau phare des polonais n'en était pas dépourvue, malgré son intro caractéristique (devenue depuis la musique d'intro de tous les DVD d'Earache) qui a presque de quoi faire trembler un Meshuggah au sommet de sa forme. Si les riffs sont effectivement moins fluides qu'avant, les leads sont aussi plus nombreux et méritent toutes les éloges, ne serait-ce que ceux qui suivent l'intro de « Spheres Of Madness » ou le magnifique tapping qui jalonne « Symmetry Of Zero », et les solos tiennent presque du divin. Les morceaux sont plus contrastés en leur sein, théâtre de cette bataille permanente entre saccade et fluidité, rythmique et mélodique ; le paroxysme des compositions étant généralement atteint quand tous ces éléments fusionnent en un riff dont seul Decapitated détient le secret (j'en reviens au refrain du magique « Spheres Of Madness »).
Tous les points forts de Decapitated se retrouvent aussi sur
Nihility, et l'ensemble est d'une grande qualité ainsi que d'une extrême cohérence, bien que l'on puisse cette fois-ci distinguer sans peine les titres phares de l'album que sont « Spheres Of Madness » et « Symmetry Of Zero ». Toute la technique que les membres du groupe ont acquis n'a servi qu'à enrichir les compositions et à apporter un côté métronomique encore plus poussé à leur musique, qui est devenue plus complète. On retrouve toujours avec bonheur les vocaux de Sauron, si profonds (bien qu'un peu moins que sur le précédent opus) et puissants, qui apportent un dynamisme certain à des morceaux déjà franchement peu monotones. La production est elle aussi excellente, permettant à la guitare et la batterie de s'épanouir librement sans que jamais un instrument ou la voix ne couvre un élément de jeu. Elle laisserait même une place à la basse si elle décidait de ne pas suivre bêtement les guitares (ça a toujours été le point faible de Decapitated), bien que l'on puisse l'entendre à quelques reprises sur l'album et qu'on la devine aisément derrière les accords de Vogg et la grosse caisse de Vitek.
Alors que Lost Soul sortait le chef d'œuvre de l'histoire du death metal polonais avec
Übermensch et Vader continuait sur sa formidable lancée avec un
Revelations qui ne l'est pas moins, Decapitated finit de placer la Pologne sur un piédestal avec cet excellent
Nihility. Voilà l'album le plus abouti de ceux qui furent à l'époque les jeunes loups du style : plus technique, plus marquant et mémorable, il n'obtient pas le 9/10 qu'il aurait mérité par le seul fait qu'il soit beaucoup trop court : 35 minutes seulement. Deux morceaux de plus n'auraient pas été de trop pour assoir définitivement son statut d'album magistral. Mais je ne vais pas trop me plaindre, ses deux successeurs ne faisant que diminuer tant en durée qu'en qualité avant le désastre que vous savez, je ne vais pas en rajouter une couche sur le dernier album des polonais. Mon amour pour un album si orienté sur le côté rythmique peut étonner pour ceux qui suivent un peu mes digressions diverses sur un style communément appelé le « modern death », et dont
Nihility a été une influence (notamment pour Outcast, un des très rares groupes digne d'intérêt dans ce style). Mais il ne faut pas oublier le travail mélodique de Vogg, les variations salvatrices de Vitek, la voix exquise de Sauron, le jeu discret mais subtil de Martin, et tout simplement le fait que même la saccade de « Spheres Of Madness » est faite avec intelligence et discernement, ne répétant pas
ad nauseam la même note. Un magnifique travail qui confirme franchement que, il n'y a pas à redire, 2002 restera la meilleure année de la décennie.
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