Triptykon - Eparistera Daimones
Chronique
Triptykon Eparistera Daimones
« Tel Lazare revenant de l'autre monde pour vomir ses prédications, Celtic Frost renait et son cadavre se nomme Triptykon. Le visage est tuméfié, changé, amputé d'un membre fondateur et du thrash craspec de Monotheist, mais en même temps reconnaissable par cette production faisant sonner trois notes comme un morceau de gras jeté à la face du Christ. La voix de Warrior est plus brutale et vindicative que jamais, à l'image du « Triptych » clôturant le dernier méfait du groupe culte (les hurlements aux morts de « Goetia » ou « Abyss Within My Soul »). Les riffs tout droit sortis du Dieu unique n'empêchent pas V. Santura, d'apporter une patine neuve à cette descente aux enfers en mélangeant son style à la mixture maléfique de Warrior (« Descendant »). Si le ton est bien plus lourd, il n'arrête pas la charge impie et l'arrachage de peau de « A Thousand Lies » ainsi que les délices aériens et romantiques de « My Pain », un morceau presque trip hop s'il n'y avait pas cette douce voix de la chanteuse Simone Vollenweider. Malgré ces changements, c'est toujours la même enclume d'il y a quatre ans que l'on se prend en pleine face. Monotheist bis ? Oui mais quel plaisir ! Impossible de ne pas parler de « The Prolonging », bestiale et répugnante du haut de ses vingt minutes, où une batterie nauséeuse s'accouple avec les tremblements de terre des six cordes du dieu guerrier et pêcheur.
Celtic Frost est mort, vive Triptykon ! »
On arrête la déconne (ah, tu trippes p'tit con !), vous avez vu la note. Voilà ce que je pense en vérité :
Tout d'abord, j'attendais cet album avec impatience. Monotheist fait parti de mes références personnelles, le genre d'album qui fait regarder sereinement les œuvres du futur et différemment celles du passé (on n'en attendait pas moins d'un groupe ayant influencé à la fois Obituary et Anathema !). Et j'étais heureux de retrouver ces riffs typiques et cette voix de sodomite sur Eparistera Daimones. Au début.
Très vite, un malaise s'est installé lors de mes écoutes et pas le bon. Certes, malgré les intentions affichées de Tom G. Fischer, Eparistera Daimones ne sonne pas tout à fait comme un deuxième Monotheist, à cause de ces petites différences apportées par V. Santura, proches d'un Dark Fortress en plus lourd (et qui du coup ressemble à du Dark Fortress jouant du... je vous laisse deviner). Le tempo est aussi plus doom et moins thrash. Mais j'ai tout de même eu l'impression grandissante d'avoir dans les oreilles des chutes studio de Celtic Frost, impression qui s'est avérée exacte à la lecture du livret où, fidèle à son habitude, le leader suisse parle de la composition des morceaux. Si une grosse moitié de l'album fut composée uniquement pour lui, le reste provient d'éléments rejetés à l'époque par Martin Eric Ain. Ainsi « My Pain » est un rebus de la sélection des titres pour Monotheist, et « The Prolonging » est une compilation de riffs prévus pour le successeur du dit album. Quant à « Myopic Empire », elle date de 1996 et fut remise au goût du jour pour la dernière création de Celtic Frost mais finalement disqualifiée. Alors, qu'on m'excuse, mais chez moi on n'appelle pas ça « donner une suite », on appelle ça « recycler ».
D'ailleurs, je ne peux pas m'empêcher de penser à une mascarade. Prenez les contextes des sorties de Monotheist et Eparistera Daimones. Le premier signait un come back réussi que pourtant beaucoup craignaient (on a tous à l'esprit un exemple de grand groupe foirant son retour et les dernières œuvres de Celtic Frost n'étaient pas franchement ce qu'ils ont fait de mieux), alors que le second joue sur un succès mérité et cherche à reproduire un corps bicéphale, moins une tête. Si cette musique n'était pas aussi extrême, des étudiants en école du commerce trouveraient que c'est un beau coup, à l'image de cet artwork clinquant qui à force pue le « on a tout donné en droit d'auteur à Giger alors on comble en mettant partout des bouts de sa peinture ».
Même quand j'arrive à oublier ce malaise (merci mon thérapeute) et à me concentrer uniquement sur la musique, la nausée surgit sous une nouvelle forme : j'entends « My Pain » je pense à « Obscured », « A Thousand Lies » je pense à « Progeny », « The Prolonging » je pense à « Triptych », « Goetia » je pense à « A Dying God Coming Into Human Flesh »... Bref, ça évoque mais ça n'égale pas et on est plus proche d'un remake que d'une continuation.
Ce disque est malgré tout de bonne facture et le simulacre de chronique au début de ce texte n'est pas totalement usurpé. Je suis même persuadé que beaucoup penseront qu'il est un bel hommage rendu à Monotheist. Et oui, malgré ses digressions qui auront tout intérêt à se développer à l'avenir, c'est un hommage. Rien de plus.
| lkea 8 Avril 2010 - 5064 lectures |
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