Cult of Erinyes - Golgotha

Les bonnes surprises se font rares dans le Black Metal actuellement. Entre les grands noms qu'on attend au tournant, les grosses cylindrées sur le déclin, ou encore les petites frappes qui allient prétention puante et chiasse auditive, l'observateur lambda, pour peu qu'il soit un peu pessimiste en plus, a bien du mal à faire de bonnes trouvailles, à dénicher un talent insoupçonné, tout simplement car bien souvent il est insoupçonnable ! Entre les innombrables pâles copies de DARKTHRONE, la chiée de groupes qui surfent sur une vague bestiale très actuelle, ou encore les jeunes groupes « post » imbuvables qui croient avoir inventé le bidon de trois litres mais qui, en réalité, servent une mixtouille immonde d'éléments avariés destinée aux grands fidèles de la gay pride, la scène est un peu bouchée, voire difficilement lisible. L'avenir viendrait-il de Belgique ? Il semblerait qu'au milieu des ENTHRONED ou autres CORPUS CHRISTII se cache CULT OF ERINYES, un jeune combo qui semble encore résister à la tentation de la facilité des tendances ou même de l'innovation à deux francs six sous, un jeune groupe qui n'a pas encore vendu son âme à ces modes inintéressantes qui habitent la scène depuis quelques temps. Il faut dire que les membres qui le composent n'ont pas du lait qui leur coule des narines ! Ils sévissent déjà depuis 2004 dans un autre combo, PSALM, qui dernièrement a fait parler de lui avec son Manifest datant de 2008. Leur musique composite mais d'abord Black Metal explore divers territoires comme le Death Metal ou encore le Thrash. Composé de passages assez bien chiadés, ce groupe pas déplaisant avait déjà de quoi dévoiler le talent des trois compères Corvus, Mastema et Baal –dans ce contexte, aux côtés de Baron et Algol- à travers des compositions bien rentre-dedans et dans l'ensemble plutôt réussies.

A l'évidence, ce jeune trio cherche des sensations bien différentes avec CULT OF ERINYES, via Golgotha, un EP au caractère bien trempé déjà sorti l'année dernière au format cassette chez Caverna Abismal Records et à paraître très prochainement en digipack chez le label russe Kunsthauch Records. Introduit par « Anima », une longue piste ambiante inquiétante et assez cohérente par rapport à ce qui succède mais trop longue cependant, l'EP se fend de deux morceaux qui suivent une ligne de composition assez cohérente. La force de « The Glowing Embers » et « The Years All Light Collapsed » réside dans la grande maîtrise des musiciens, qui composent un Black Metal très travaillé, avec une production qui le met parfaitement en valeur. Oui, cette production, limpide et très légèrement grésillante, sert à merveille ces trémolos et ces arpèges dissonants des belges. Les guitares façonnent une ambiance moite, torturée et malsaine, rythmée par un batteur inspiré, inventif et très régulier. Baal manie le blast avec une grande maîtrise là encore, utilisant quelques plans percussifs, notamment en dosant à merveille sa frappe de caisse claire ou en réalisant de bonnes descentes de toms « tribales » à la BLOOD OF KINGU pour dynamiser l'ensemble et renforcer l'ambiance très « ritualiste » qui règne sur cet EP. L'homme n'oublie pas non plus les moments plus lents et pesants, et le groupe accouche d'un rituel qui voit son intensité renforcée par la présence d'une basse assez lourde, qui manque cependant de punch et de profondeur. L'invocation est également bien pérennisée par la voix de Mastema, cette solide voix plurielle, qui tantôt éructe avec un timbre Black Metal assez grave à la WATAIN avec un rendu torturé à la manière d'un Attila (MAYHEM), tantôt plane sur ces compositions avec une voix claire un peu risquée mais très bien amenée, sans aucune fausse note, tantôt agresse avec une force gutturale proche du Death Metal. A l'évidence, cet organe constitue un des points forts du disque et contribue à façonner une vraie personnalité à cet EP et à ce groupe. Quelques chœurs incantatoires viennent parachever cette atmosphère générale très réussie : espérons juste que ce trio parvienne à imposer cette patte sur la durée d'un album complet !

Oui, c'est bien clair pour moi, CULT OF ERINYES, malgré ses quelques influences visibles, ne cherche à imiter personne et c'est tant mieux. Mais peut-être est-ce également cette personnalité déjà débordante qui fait la faiblesse de cet EP… le groupe s'éparpille un peu trop dans des structures alambiquées et très dissonantes pour un Black Metal certes très travaillé mais qui manque de spontanéité et d'agressivité. Certes, l'auditeur se ramasse une pelletée de riffs fort bien cogités dans les mirettes, mais cette effluve dissonante et torturée manque tout simplement de violence pure et de haine, éléments qu'on est en droit d'exiger de tout combo de Black Metal. De même, l'effort malsain véhiculé par le groupe ne fait pas oublier la longueur de leurs compositions… nos belges, en ne gérant pas toujours très bien l'agencement de leurs morceaux, dégagent une atmosphère parfois trop étouffante et un peu trop indigeste. Peut-être est-ce également le but du groupe, outre la véritable incantation qui ressort de l'atmosphère qu'ils créent? Dans tous les cas, il est certain les membres de CULT OF ERINYES gagneront à aérer leurs riffs et leurs compositions sur une plus longue durée.
Mais en définitive, on tient là un premier jet déjà plein de maîtrise, de culot et de talent pour un jeune combo fort prometteur qui à l'évidence se cherche encore. Vous me direz, et vous aurez raison, que certains groupes se cherchent toute leur vie sans jamais trouver une personnalité intéressante ou même quoi-que-ce-soit de valable ! Ici le groupe a franchi cette étape en posant ses couilles sur la table et en imposant, déjà, une vraie personnalité, donc inutile de vous dire que la confirmation à venir avec un premier album à paraître cette année est attendue le pied ferme, en ce qui me concerne !

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