L'idée que laissait au moins passer ma (mauvaise) chronique de
White Tomb était que j'attendais avec impatience la suite. Pas que le disque soit « seulement » prometteur, non non, le salaud m'avait mis une branlée avec son post black sorti de nulle part mais pas autant que ses deux colocataires de label plus expérimentés Cobalt et Krallice. La confirmation du talent des Irlandais avec l'EP
Tides m'a permis de mettre des mots sur ce que j'espérais d'eux : garder la simplicité organique en l'insérant dans une ambiance plus sombre, mordante. Alléluia mes frères, il semblerait que mes prières aient été entendues !
Terminées les comparaisons avec Isis dans lesquelles j'enfermais son prédécesseur. Si
Mammal ne dévie pas de la ligne tracée depuis
Sol, il a pour lui une noirceur le rendant unique dans l'œuvre d'Altar Of Plagues. Forte d'une production impeccable sonnant naturelle malgré les couches d'effets modulant les guitares, proche des tourbes qu'elle aime empoigner à coup de tremolos sous-accordés, l'ambiance toujours chargée d'orages s'est faite plus spectrale, centrée sur les atouts forts de ce mix Black Metal/Post Hardcore que les Anglo-saxons ont su magnifier. Côté face, le désenchantement de Leviathan et le désespoir fortement ancrée dans ses racines Irish du Primordial de
The Gathering Wilderness, ce dernier revenant à notre souvenir lors d'appels où la gorge dégagée de ses glaviots implore les éléments (le début de « All Life Converges To Some Center »). Côté pile, le ronronnement mystique du Year Of No Light d'
Ausserwelt et la rage froide d'Amenra. Du cœur à vif en somme, une remarque valant particulièrement pour la prestation du brailleur : là où il cherchait auparavant le cri parfait, James confie dans la fiche promotionnelle attachée au disque avoir privilégié la spontanéité lors de l'enregistrement de
Mammal. Et t'as pas envie de jouer les sceptiques à l'écoute de ses hurlements éteints, pauvre larynx martyrisé ! Le bonhomme n'est peut-être pas le meilleur pour figurer les caves mais il a le mérite de jouer la carte de la sincérité ajoutant à l'impression globale que ce deuxième essai longue durée prend au col par une nudité dans l'émotion.
Car ce qui place Altar Of Plagues au dessus des blackeux bisounours pullulant sur le crâne d'une scène déjà bien poil-à-gratter est qu'ils ont su remplacer leur possible manque de niaque par un pathos brut de chez brut sans chuter dans la soupe facile. Fortement grimm robe, suffit de voir la rythmique totalitaire au début de « Feather And Bone », seulement prépare du maquillage waterproof pour ton corpsepaint parce que y a risque d'inondation des conduits lacrymaux ! Les rouquins sont les champions de l'ambivalence, de ceux arrivant à se défaire des paradoxes aisément (décidemment, après Bloodiest, c'est de saison). Claquer des arpèges post-rock sur du blast ? Transformer un riff pilonné de la belle main en une élévation fantomatique d'un simple changement d'accord ? Placer un morceau ambiant avec chant rituel à mi-parcours pour te dorloter d'autrefois et prouver qu'on peut pratiquer un genre récent tout en clouant le bec à la plupart des trues pagan (« When The Sun Drowns In The Ocean ») ? Avoir des influences post ET un batteur qui encule façon matraquage ou roulements/jeu de cymbales hypnotiques ? Arrête de rêver et jette-toi sur
Mammal, la réalité est meilleure encore !
Alors, comme dit plus haut,
Mammal est minimaliste et ambitieux, ce qui est un peu en sa défaveur (va t'enchainer « Feather And Bone » après les dix-neuf minutes de « Neptune Is Dead »). Moins gourmand en mélodies, il ne profite pas de l'effet de surprise de son grand frère et les riffs lourdement épileptiques, bien que foutrement parpaing, n'arrivent pas à occulter le manque de passages proggy-volcaniques. M'enfin t'as vu la note, je pinaille pour la forme, surtout que le trio s'est fendu de pondre ici le meilleur morceau de sa discographie, rien que ça (« All Life Converges To Some Center » au final power chords/tremolos vaporeux qui m'a tiré les larmes, littéralement). Encore une fois, Altar Of Plagues fait sortir braguette ouverte face à Mère-Nature, la sobre emphase des Irlandais donnant envie de s'unifier avec les tornades le temps d'une escapade nuptiale, une pluie tonitruante en guise de couette. Pfff, ces écolos…
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