Alors là, les mots me manquent. Altar Of Plagues a toujours été un groupe possédant une identité forte : de leurs premiers EPs hasardeux mais contenant déjà ce qui fera l’essentiel du post black metal Isisiste de
White Tomb à un
Mammal davantage cru les rapprochant d’une formation comme Ash Borer, les Irlandais ont su à chaque fois jouer assez d’à-côtés pour se dire qu’ils guident plutôt que suivent des chemins tracés avant eux. Malgré cela, ce que composait jusque-là James Kelly et sa troupe restait assez délimité pour pouvoir les placer au sein d’une scène à cheval entre post hardcore et black metal sans donner le sentiment de caricaturer leur musique.
Ce n’est plus le cas aujourd’hui, les Irlandais explosant tout cadre au point de rendre compliqué l’exercice de classification traditionnel quand l’heure de rendre ses comptes sur cette page arrive.
Teethed Glory And Injury ne vient pas de nulle part, il est même une évolution naturelle après un
Mammal montrant un intérêt plus marqué pour les rythmiques décharnées, seulement il donne l’impression qu’Altar Of Plagues a accéléré une mutation que d’autres auraient fait survenir au fil d’albums consécutifs posant petit à petit chaque nouvelle expérimentation. Ici, tout est envoyé en bloc, faisant que les premières impressions hésitent, subjuguées, entre se reposer sur une production et quelques riffs proches des essais précédents ou un name-dropping pas loin du mode random où des entités de nature déjà fluctuante (Blut Aus Nord ? Swans ?) partagent l’affiche avec d’autres à démarche similaire mais résultat différent (Nachtmystium, dont le patronyme s’invite lors de passages noise presque psychédéliques ?) pour finalement se poser sur un nom : « Altar Of Plagues », qui déstructure et restructure, ajoute effets typés electro et batterie industrielle mais tire ces éléments de lui et personne d’autre, révélant simplement un autre visage parmi les nombreux le constituant.
En résumé,
Teethed Glory And Injury intrigue au-delà de sa pochette présentant une danseuse aux membres tendus semblant chercher à quitter le sol pour toucher les hauteurs. Une image de transe informant sur le contenu de ces cinquante minutes mieux que n’importe quelle phrase ou référence : Altar Of Plagues est devenu tension et libération lâchées sans transitions dans une optique de faire chavirer, pousser à l’abandon un auditeur acculé de rythmiques forcenées (le batteur met du cœur à mériter son diplôme d’ouvrier, cf. « A Body Shrouded ») et aérations avec voix élevées, quasi-religieuses (lors de « Twelve Was Ruin » par exemple). Les paysages autrefois développés sur de longues plages ont été remplacés par des compositions de durées moins conséquentes, le but étant d’étourdir par des parties bruitistes ne faisant pas imaginer une pluie battante ou une terre mourante comme chez leurs ainées mais une expérience corporelle à la coordination aussi importante que les gestes qu’elle porte (le clip de « God Alone », ayant provoqué incompréhension voire mépris lors de son lancement sur la toile, est à ce titre parfaitement adapté aux virages qu’empruntent les Irlandais). C’est décidément une autre manière de jouer sa propre musique que pratique ici Altar Of Plagues, les structures des neuf morceaux ici présents fonctionnant selon une logique inédite révélant sa fluidité au fur et à mesure des écoutes.
Mais
Teethed Glory And Injury n’est pas à conseiller qu’à ceux aimant épiloguer sur la démarche aiguillant un disque en se grattant la barbichette d’un air intelligent. Une fois l’ensemble assimilé, l’efficacité primaire d'une œuvre comme
Mammal se retrouve au détour de portions tantôt d’une violence décapante (« Scald Scar Of Water » et ses guitares entre black metal et post hardcore noisy ; le chant halluciné de « Burnt Year ») tantôt touchant au post-rock débarrassé de ses mauvais côtés, à l’image de « A Remedy And A Fever » où l’aérien oublie les présentations d’usage pour aller directement vers ce que le genre possède de plus fragile, pur, par quelques arpèges supportant des complaintes rappelant le début de « All Life Converges To Some Center ». Pourtant, c’est bien un manque de grands moments qui handicape cet album car si les tournants incessants se concluent sur un titre allant vers plus d’emphase sans arrêter d’hypnotiser (« Reflection Pulse Remains »), la volonté de ne plus se focaliser sur la force des mélodies fait qu’il lui manque un monument à la hauteur de « As A Womb » ou « Neptune Is Dead ». Un longue-durée plein de secousses et cependant constamment égale, au risque de laisser un peu frustré ceux appréciant des prédécesseurs sachant garder sous le manteau un riff destructeur.
Le terme « expérimental » ne suffit pas à qualifier ce que possède d’indéfinissable
Teethed Glory And Injury. Altar Of Plagues a atteint un nouveau palier avec cet album, s’éloigne définitivement d’un post black metal ayant de plus en plus tendance à s’autoparodier pour développer son propre art de se mouvoir, une chorégraphie qui, malgré un manque d’apogées, ne finit pas de fasciner par son déchainement d’idées et – surtout – la justesse impressionnante cachée derrière cet objet non-identifié avec laquelle le groupe arrive à emmener sa victime dans sa folie. Et toi, n’as-tu jamais dansé avec le diable au clair de lune ?
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