Sepultura - Kairos

Il y a deux ans, personne au sein de la team Thrashocore n'avait trouvé le courage de s'atteler à la chronique de « A-Lex », premier album sans Igor Cavalera derrière les fûts. Jean Dollabella (ex-UDORA et non, rien à voir avec la sorcière revenue sévir au sein d'ANTHRAX), motif d'espoir suffisant pour redonner une énième dernière chance à l'ombre de ce que fut SEPULTURA dans les années 90 ? Vu le manque criant de relief des albums post « Roots » sortis sur le marché, autant partir en pèlerinage à Lourdes en mode auto flagellation et martyriser nos esgourdes à grand coups de « Nation » et autres « Dante XXI » de sinistre mémoire pour reléguer définitivement les Brésiliens aux oubliettes. Mais c'est compter sans la médiocrité confondante des sorties du camp adverse, la Cavalera's family et les dernières boursouflures en date de SOULFLY et CAVALERA CONSPIRACY où les frères la terreur n'en finissent plus de montrer leurs limites. Alors forcément, on se dit que Paulo Jr. et Andreas Kisser ne pourront pas faire pire et on jette une oreille distraite sur « Kairos », histoire de dire.

Et pour la deuxième fois de l'ère Derrick Greene (« Roorback » étant plutôt recommandable), on aura bien raison tant ce 12ème full length de SEPULTURA ravive les braises d'un de leurs skeuds les plus emblématiques, le fondateur « Chaos A.D. ». Back to the basics donc avec un « Kairos » qui gomme les défauts les plus évidents du SEPULTURA des quinze dernières années : fini les concepts albums foireux type « A-Lex » ou « Dante XXI », terminé le foutoir dans un tracklisting régulièrement sacrifié sur l'autel de l'expérimental, place (enfin !) à la cohérence et à un contenu ne faisant aucun chichi. Il semblerait que Kisser ait provisoirement mis de côté toute approche intellectuelle déplacée pour se concentrer sur l'essentiel, à savoir une agressivité retrouvée et l'aspect brut de décoffrage qui caractérisait les premières sorties du groupe. Ainsi, le title-track ressemble comme deux gouttes d'eau à « Nomad », « Relentless » sonne comme du « Refuse/Resist » en puissance et ainsi de suite, « Kairos » donnant dans un thrash tribal (pas trop appuyé) d'obédience majoritairement mid tempo s'octroyant quelques raids hardcore de guérilleros expérimentés (« Mask », « No One Will Stand ») pour relancer la machine. Riffs basiques et chant scandé/abrasif au programme, le tout réhaussé par les nombreux solis d'un Andreas Kisser qu'on n'avait plus vu à pareille fête depuis fort longtemps, à l'image d'un pont mélodique presque digne de figurer sur « Arise » (« Relentless » toujours) !

Un bain de jouvence nineties appuyé par la présence de deux reprises participant du feeling old school de la galette, le bonus track « Firestarter » (PRODIGY) étant à mon sens supérieur au « Just One Fix » de MINISTRY qui se contente de sonner comme du NAILBOMB, sans toutefois rivaliser en puissance avec l'originale. L'enchaînement avec la lancinante « Dialog », le titre le plus faible du lot, forme une des rares scories d'un tracklisting bien pensé acheminant l'auditeur vers des sommets de plus en plus intenses (relativisons tout de même, on reste loin d'un « Beneath The Remains » !), la plupart des morceaux étant de valeur sensiblement égale. Aucun classique à l'horizon néanmoins sinon une somme de sympathiques plans B taillés pour la scène qui donne envie de prendre un ticket pour voir de quoi il retourne en concert, la dernière (et pas des moindres) qualité de « Kairos » restant la production impeccable signée Roy Z (HELLOWEEN, BRUCE DICKINSON) qui fait des vacances après les errances de « Dante XXI » et « Against ». Sans être un chef d'oeuvre, « Kairos » est donc ce qui ressemble le plus à un bon album de SEPULTURA, d'autant qu'il est le premier à jouer à fond la carte de la filiation avec un « Chaos A.D. » jusqu'alors assez isolé dans la discographie des Brésiliens. La bonne pioche du mois !

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