Je ne sais pas si vous l'avez remarqué, mais le death technique est à la mode. Et moi ça m'embête prodigieusement, que le death technique soit à la mode. Certes, il y a être à la mode et « être à la mode », et ce n'est pas demain qu'on verra Obscura remplir un stade, malgré leur succès fulgurant. Mais quand même, le death technique devient hype, son imagerie se répand et déborde un peu sur les autres tendances
comme la geek attitude, ici mélangée à un rap de mauvaise goût (ce qui n'est pas nécessairement un pléonasme, mais pas loin). Et ce n'est pas demain que vous me verrez, moi, apôtre de tout ce qui est bel et bon en ce monde, arborer fièrement ma collection de t-shirts Cynic sur un rap qui déclame avec sûreté : « la défaite c'est pour les perdants » (ça c'est une lapalissade de génie). Bref, il me faut à nouveau me replier sur un marché de niche, bien connu des seuls amateurs d'un style si particulier que ses représentants se comptent sur les doigts de deux mains manucurées : le nawak metal, le déglingos metal, le metal barré et inclassable (copyright de l'estimé cglaume), bref le metal tellement divers que lui coller une étiquette serait déjà oublier une partie de son contenu. Et qui de mieux que Unexpect, groupe emblématique du melting pot metal de qualité des années 2000, pour se démarquer ? Nous n'étions qu'une poignée de Français à adorer
In A Flesh Aquarium à sa sortie il y a six ans, et ce ne sont pas la sortie d'un
Fables Of The Sleepless Empire qui s'avère être encore meilleur et un passage éclair au Hellfest qui feront des Québécois le groupe à suivre actuellement. Quoi ? Comment ça, si ? Oh. Bon, d'accord, je range mon élitisme au placard.
Cinq longues années se sont donc écoulées entre l'excellent
In A Flesh Aquarium et
Fables Of The Sleepless Empire, et hormis un guest de Syriak et Leilindel sur
Fragmentary Evidence d'Augury, les fans des Québécois n'ont rien eu à se mettre sous la dent depuis longtemps. Ce nouvel album, qui était donc attendu avec impatience, rassurera sans mal les fans, qui retrouveront un Unexpect inchangé, au style à la personnalité toujours aussi uniques qu'intacts. On renoue sans mal avec une musique complexe, touffue, portée par la mise en avant alternée d'une chanteuse, deux vocalistes et guitaristes, un batteur épileptique et un bassiste
légèrement poseur doté d'une basse avec neuf cordes, toutes utilisées sans retenue. Ce joyeux fourre-tout par bien des aspects hermétiques aux metalleux habitués à leur quatuor d'instrumentistes est pourtant accrocheur comme peu de groupes savent l'être, entre riffs sautillants extrêmement catchy et envolées lyriques d'une Leilindel toujours aussi en voix (et bluffante sur « The Quantum Symphony »), qui confèrent à Unexpect un ton absolument unique même au sein du metal hétéroclite. On tombe souvent sur de grands moments de folie musicale comme par exemple la fin de « Silence This Parasite » qui mélange le groove caractéristique du groupe avec une grosse couche d'effets et de violons qui lui confèrent une ambiance totalement délirante. On retrouve également de belles accalmies, comme l'interlude « In the Mind of the Last Whale », dans « A Fading Stance », le début du dernier titre, qui est divisé en trois parties distinctes, ou bien encore dans le sublime début de « Words ». Ce titre montre d'ailleurs un nouveau visage de Unexpect, un peu moins fou et changeant, mais porté par un enchevêtrement mélodique somptueux de tappings qui ne cessent que pour laisser place à un riff purement death metal que n'aurait pas renié un Morbid Angel. Comme si les Canadiens s'étaient rappelés leurs origines et avaient assimilé toute la scène death technique de leur pays, en accommodant cette influence avec les arrangements propres au groupe ; le violon sur fond de tapping basse fonctionne d'ailleurs à merveille, et ce titre est sans doute ce que le groupe a fait de meilleur aujourd'hui. Tout l'album d'ailleurs semble un peu plus accrocheur que
In A Flesh Aquarium, et c'est sans doute grâce à cette influence un peu plus prononcée du death metal qui permet à Unexpect d'être à la fois un peu plus mélodique et un plus complexe, c'est particulièrement flagrant sur « Words » donc, mais également sur « Orange Vigilantes », la deuxième moitié de « Mechanical Phoenix » et le début de « Silence this Parasite ».
C'est donc avec une légère évolution et un style plus audacieux et complexe que Unexpect revient, ce qui fait de ce
Fables Of The Sleepless Empire une réussite totale, plus complet, cohérent et au final encore meilleur que le pourtant déjà excellent
In A Flesh Aquarium. Mention spéciale à deux titres composés en tout ou partie par ChaotH
(d'ailleurs toujours aussi exceptionnel dans son jeu) que sont « Words » et « Mechanical Phoenix », parfaits de bout en bout. C'est une œuvre aux mélodies encore plus subtiles et marquantes, car Unexpect n'a pas non plus oublié son groove et son accroche malgré ce léger gain de complexité, et l'on retrouve avec bonheur quelques moments avec des riffs de guitare plus simples, comme ceux de la fin de « Orange Vigilantes », complétés par les apports du violon, de la basse et du clavier, qui permettent en permanence d'apporter la dose de mélodie salvatrice qui sait se conjuguer avec ce groove omniprésent. Même la production, limpide et espacée, laisse s'exprimer les nombreux instruments sans jamais nuire à sa lisibilité, elle est à l'image de cet album : quasi-parfaite. Et par « quasi » il faut comprendre que les défauts ne sont pas légion et se comptent sur les doigts d'une main : quelques rares riffs un peu faciles comme celui du début de « The Quantum Symphony » qu'on oubliera bien vite devant la majesté d'un refrain porté par Leilindel, la sixième minute de « Unfed Pendulum », ou bien encore un « Until Yet a Few more Deaths do Us Part » peut être un peu moins marquant que le reste. Rien qui n'empêchera de savourer ce nouvel album des Canadiens de bout en bout en demeurant captivé par l'inventivité de ces musiciens virtuoses doublés de compositeurs hors-pairs.
Il n'y a rien de surprenant à ce que Unexpect conserve son style si particulier sur ce nouvel album, et l'on ne s'étonnera pas non plus que
Fables Of The Sleepless Empire soit d'une si grande qualité, mais l'on ne peut que se réjouir d'une si belle évolution qui conduit à faire de cet album non seulement le plus bel ovni de l'année passée, mais aussi un des tous meilleurs albums de metal de 2011. Presque neuf mois après une longue traversée de l'Atlantique jusque dans ma boîte aux lettres et plusieurs dizaines d'écoutes régulières je n'arrive pas à m'en lasser, et j'aurais même plutôt tendance à revenir un peu en boucle dessus en délaissant mes devoirs de chroniqueur, malgré ses presque 56 minutes d'une folie musicale aussi dense que délectable. Alors certes Unexpect fait partie de ces groupes qui, usant d'éléments très divers et officiant dans un registre qui transcende les clivages, risquent de rebuter une bonne partie des amateurs de metal habituels – surtout sur les quelques bourrins qui lisent ou écrivent ici. Mais pour peu que l'on ait l'ouverture d'esprit suffisante et le goût de l'éclectisme nécessaire pour apprécier Unexpect, on tient là le meilleur album qui soit d'un genre indescriptible mais bien réel, fait de tous les Akphaezya, Diablo Swing Orchestra ou Pin-Up Went Down du monde.
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