Non, décidément, ce disque est ennuyeux. Ennuyeux car il m’oblige à dire du mal de Botanist, formation que je respecte trop pour avoir eu envie de rester sur le sentiment mitigé que m’a donné sa troisième œuvre (raison pour laquelle la chronique de cette dernière arrive si tard). Avec le doublet
I: The Suicide Tree / II: A Rose From the Dead, Otrebor a sorti deux albums parmi les plus étranges que j’ai pu écouter, deux créations ne s’arrêtant pas à expérimenter puisque possédant la force de l’évidence, une manière d’être autrement black metal en appliquant à leur concept original un sadisme et une froideur aussi cinglants que ton groupe norvégien préféré. Quelque chose d’à part et pertinent à la fois que j’espérais voir se répéter d’une manière différente ici.
Mais non, décidément, ce disque est ennuyeux. Ennuyeux car d’une inégalité faisant hésiter sur sa qualité, où la lassitude est entrecoupée de moments séduisants et meurtriers comme sur ses deux prédécesseurs obligeant à y retourner régulièrement, au cas où. C’est que
III: Doom In Bloom est, comme son nom le suggère, une immersion dans ce que Botanist offre de plus lent et lascif : le hammered dulcimer y étale ses cordes sur de longues plages tantôt contemplatives (« Ganoderma Lucidum »), tantôt d’une lourdeur transmise par une interprétation atonale (« Ocimum Sanctum »), toujours dotées d’un chant et d’une batterie chargés de varier suffisamment le propos afin que leurs mélodies cycliques ne paraissent pas répétitives. Il appelle donc des écoutes nombreuses pour vérifier si sa monotonie de surface n’est pas un moyen de corrompre comme cela est le cas lors des pistes aériennes de
II: A Rose From The Dead.
Pourtant, l’impression finale est que l’engourdissement que communique
III: Doom In Bloom n’est pas tant du à un état végétatif voulu par le one man band qu’à une heure et huit minutes ne parvenant pas à maintenir l’envoûtement que procure « Quoth Azalea, The Demon (Rhododendoom II) ». Bien que Botanist s’essaye aux tempos doom, il n’en a pas pour autant l’accroche permettant de supporter la douleur due à ses longs formats : les voluptés vénéneuses de « Deathcap » (clairement le meilleur morceau ici, où le ravissement naissant des sonorités cristallines du hammered dulcimer se dispute avec la tristesse de mélodies surgissant sans prévenir) finissent par laisser place à une musique linéaire et trop attachée à laisser trainer ses notes. Un titre comme « Panax » s’en trouve coincé entre passages rabotant leur victime jusqu’au couperet (les cordes mimant le son d’une lame de guillotine s’abattant sur sa proie) et instants où s’attend la reprise d’intérêt pour une œuvre parvenant de temps à autre à convaincre par son obsession à user l’auditeur mais tombant trop souvent dans l’exercice de style pour totalement charmer.
Un constat qui s’applique également aux collaborations l’escortant,
Allies étant guidé par la même volonté de décliner la pensée du Botanist sans pour autant réussir à aller totalement au-delà de l’expérimentation. Partant des parties de batterie constituant
III: Doom In Bloom pour créer leurs compositions, les six groupes se rencontrant lors de ces quarante-sept minutes oscillent entre le bon - Arborist et son mélange de doom et americana arrivant à marier le tragique du premier et le blues pastoral du second - et le maniéré où la tentative ne reste que tentative à l’image du binôme ambiant « The Ejaculation On The Petals Of The Femme Orchid » (Matrushka), pas loin de l’arnaque avec ses bruits sans destination particulière. A croire qu’ils aient décidé de suivre l’inconstance du longue-durée qu’ils accompagnent, Cult Of Linnaeus et Lotus Thief offrent des participations moyennes parsemées de quelques idées tapant juste avec la très Highgate « The War Of All Against All » et une « Nymphaea Carulea » ne décollant qu’avec l’arrivée d’un chant clair féminin lui donnant un côté dream pop agréable. L’intérêt pour cet essai ne dure pourtant pas plus que quelques écoutes, le tout s’encombrant de contributions ne semblant être là que pour montrer qu’Otrebor est entouré de personnes approuvant sa démarche liée aux plantes. Pour le coup, peut-être aurait-il mieux valu qu’il reste seul, même si Arborist tire clairement son épingle de ce jeu-ci.
III: Doom In Bloom déçoit là où
I: The Suicide Tree et
II: A Rose From the Dead réussissent à dépasser le stade de la simple appropriation curieuse pour parvenir à troubler par une atrocité cachée derrière la beauté de leur instrument principal, le hammered dulcimer. Bien qu’encore une fois mu par la volonté de prendre en traître, Botanist emploie ici une méthode trop appliquée et limitée. Ajoute à cela un
Allies tenant jusqu’au bout de l’optionnel et tu comprendras pourquoi je pense que
IV: Mandragora sera décisif pour savoir si, oui ou non, Otrebor sera pour moi un artiste qui aura retourné le black metal le temps de deux albums seulement. La réponse bientôt.
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