En 1996, Morning Again sortait
Hand Of Hope, une compilation qui regroupait sur un seul et même support les titres de deux précédents EPs. L’année suivante, le groupe originaire de Floride récidivait avec
Martyr, un EP (que j'ai longtemps considéré comme un album à part entière) qui leur aura permis à l’époque d’asseoir définitivement leur réputation à l’échelle internationale.
Martyr marque ainsi le début d’une nouvelle ère pour Morning Again puisqu’entre temps Damien Moyal a tiré sa révérence pour se focaliser sur son autre groupe, les excellents Culture. C’est donc un certain Kevin Byers qui prendra le relai. Entre la sortie de ces deux disques, Morning Again continue de se montrer particulièrement actif (un split et un EP sortiront en l’espace de quelques mois) et cela malgré plusieurs galères de line-up. En effet, après le départ de Damien Moyal, ce sont Eric Erwin (basse) et Mike Wahls (guitare) qui décident à leur tour de quitter le navire. Mais toutes ces déconvenues n’auront pas raison de la motivation ni de l’identité de Morning Again qui avec
Martyr proposera finalement son effort le plus solide à mes yeux.
Avec seulement sept titres pour un tout petit peu plus de vingt cinq minutes, ce EP de Morning Again n’est pas des plus compliqués à assimiler. Néanmoins, il se détache assez significativement de son prédécesseur, pas sur le fond (on parle toujours de Metal/Hardcore) mais sur la manière dont sont amenés certains éléments. La première nouveauté de
Martyr concerne bien évidemment le chant de Kevin Byers dont la tessiture assez particulière permet de le reconnaître facilement. Une voix rugueuse, agressive, située davantage dans les aigus que dans les graves mais néanmoins débordante de haine. Une voix peut-être plus monotone que celle de Damien Moyal car elle ne va pas chercher d’éléments mélodiques mais probablement plus intéressante (dans le cas de Morning Again) par ce qu’elle dégage et par le contraste qu’elle pose avec la musique et notamment les guitares.
Car en effet, si l’aspect mélodique de Morning Again n’a pas été remisé, il s’affirme ici d’une manière sensiblement différente. Aussi, l’autre nouveauté de
Martyr concerne le travail réalisé sur les guitares et notamment sur ces nombreux passages acoustiques qui viennent, comme je le disais un peu plus haut, contraster avec l’agressivité et la lourdeur qui émanent du reste. Des mélodies qui n’ont pourtant rien de réjouissantes. Au contraire, elles se fondent tout à fait dans l’atmosphère pesante et désabusée qui se dégage de ce disque : : "Not By Birth" à 2:50, "Slave" (dès le début) puis à 3:09, "Puppet And Soldier" à 0:05 et 1:37, "No Path To Follow" à 1:06. On note également l’apparition de nombreuses petites notes dissonantes tout au long de
Martyr qui apportent, peut-être un peu maladroitement, un soupçon de mélodie en plus.
Pour le reste, Morning Again demeure fidèle à ce qu’il était auparavant, c’est à dire un groupe capable de mêler l’aspect contestataire et fédérateur du Hardcore à la puissance du Metal et du Thrash. La recette est donc ainsi la même que pour
Hand Of Hope, soit une musique essentiellement tournée vers un Thrash des plus agressifs et dont les riffs, largement inspirés par Slayer, devraient encore une fois vous donner l’irrépressible envie de tout démolir dans votre salon. On retrouve également ces nombreux breaks et passages mid-tempo si chers à la scène Hardcore. Une manière de donner du rythme en cassant les nombreuses fulgurances de
Martyr. Et puis bien entendu, il y a le message délivré par le groupe. Toujours en opposition avec la société américaine ("Not By Birth", "Puppet And Soldier"), Morning Again s’oppose avec toujours la même véhémence à la religion qui occupe ici une grande majorité des textes ("Not By Birth", "Slave", "No Path To Follow", "Martyr"). Le discours Vegan/Straight-Edge a disparu mais peu importe car la qualité des textes est toujours au rendez-vous.
Avec l’arrivée de Kevin Byers dans les rangs de Morning Again, le groupe a gagné en agressivité sans pourtant perdre en mélodie. En effet,
Martyr met l’accent sur quelque chose que le groupe n’avait qu’effleuré sur
Hand Of Hope. Les nombreux passages acoustiques que l’on retrouvent tout au long du EP s’opposent directement à l’agressivité qui découle de ces riffs thrashy ou de la voix hargneuse de Kevin Byers. Des changements que Morning Again a su opérer avec succès pour une sortie aujourd’hui incontournable pour les amateurs de Metal/Hardcore digne de ce nom.
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