Quand on parle hardcore, on cause soit de gros bras, soit de petites frappes, de ceux qui attendent les autres à la sortie et ceux qui préfèrent les éviter, ceux qui donnent les coups et ceux qui les esquivent, ceux qui martyrisent par plaisir et ceux qui reçoivent, en espérant que la roue tourne. Quand on parle hardcore, on cause soit baston frontale, soit blessures puis tacles par derrière, la revanche en tête.
Personnellement, je n'ai jamais été trop bon en EPS sauf pour le trois fois cinq cents qui m'a bien servi au collège quand la sonnerie retentissait, la peur au ventre. Alors, inutile de dire comment j'aime mon hardcore : comme ici,
Martyr Immortal étant un des albums du genre les plus traîtreux que je connaisse. La troupe de Baltimore avait déjà montré son talent pour suivre les pas d'Integrity avec
Vicious Skin, un essai qui, sans changer fondamentalement la recette du hardcore holy terror, montrait que les Ricains savaient balancer riffs destructeurs et soli Slayer-esque comme les meilleurs. Ce deuxième longue-durée (façon de parler, celui-ci ne durant que vingt-cinq minutes), semblant en apparence reprendre les choses là où elles sont restées, est tout autre : Pulling Teeth a injecté une bonne dose de vice à sa musique, la rendant personnelle autant au niveau de la pratique que de l'émotion.
Pulling Teeth se sert de ses compositions aux formats expéditifs pour donner une succession de balayettes à qui les écoute. Déjà fortement influencée par le death et le thrash metal tout en étant capable de sortir de nulle part des mélodies enjôleuses (une formule qui trouvera son plein développement sur le testamentaire
Funerary), la troupe menée par Mike Riley se sert de ses atouts pour constamment mettre au sol la tête la première, les breaks multiples et accélérations ravageuses ne manquant jamais. Il faut s'être pris la montée en violence soudaine de « Clipped Wings », les paroles vomies de « With Avarice » (« Too much is never enough ! ») ou la beauté inattendue des leads du morceau-titre pour comprendre comment les Ricains, sans jamais s'appesantir dans le pathos, paraissent rendre des comptes à chaque instant, déversant leur bile à l'aide d'une production dure et tapageuse mais laissant champ-libre à la voix sadique de leur frontman (une des meilleures du hardcore).
Un disque qu'on lance pour son énergie et dont on ressort à chaque fois meurtri. Si
Martyr Immortal est une bête d'efficacité dans ses rouées, il contient cette petite chose terne, foncièrement maladive, qui donne plus envie de le placer aux côtés du
Still Nothing Moves You de Ceremony que d'autres œuvres du hardcore holy terror. Cette violence n'est pas gratuite et si la fameuse « urgence » est présente, elle n'est là que pour mieux déverser sa haine dans des dérapages incontrôlées, sans regarder à droite ou à gauche, dans l'espoir de mettre à mal deux-trois victimes dans l'exercice. À ce titre, « Dismissed in Time » est clairement là où l'objectif premier de Pulling Teeth se révèle le mieux : paraissant tout d'abord inadaptée, celle-ci abandonnant les distorsions au profit d'une musique ambiancée, elle finit par révéler une tristesse intense bien cachée derrière ses arrangements multiples, raffinés. Cette piste, amère et apocalyptique comme les moments les plus posés du
Enemy of the Sun de Neurosis, est finalement la conclusion parfaite de cet ensemble si excellent qu'il fait en demander plus.
Quand on parle hardcore, on cause soit de gros bras, soit de petites frappes, oui, mais on cause surtout de vie.
Martyr Immortal, avec ses bras malingres, ses lèvres sèches et gercées, en est tant rempli que ça lui fait mal. Faites attention aux petits. Un jour, ils se vengeront.
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