Comme évoqué lors de ma chronique du deuxième album de Loudblast (
Disincarnate), on ne peut pas dire que Thrashocore soit particulièrement à la page en matière de Death Metal hexagonal. En effet, votre webzine préféré compte malheureusement quelques lacunes lorsqu’il s’agit d’aborder les débuts de ce genre qui pourtant nous est cher. Alors que la chronique de
Sublime Dementia ne devrait plus trop tarder, profitons de cette réédition providentielle proposée par le label Great Dane pour revenir sur le premier album de Mercyless.
Une réédition providentielle étant donné les prix pratiqués jusqu’ici sur des sites comme Discogs ou Ebay mais une réédition un peu chiche à en juger par le contenu et le contenant. En effet, on ne peut pas dire que Great Dane se soit donné beaucoup de peine pour faire de ce disque un objet indispensable. Car au-delà de la qualité même de ce premier album, cette réédition ferait presque peine à voir… Tout d’abord l’artwork original a malheureusement dû être modifié pour des raisons probablement légales (voir la deuxième image disponible). Le "Christ de Saint Jean de la Croix" de Salvador Dali laisse donc sa place à une œuvre dans le même esprit mais naturellement moins marquante que l’originale. Toutefois ce n’est pas vraiment le problème. Non, ce qui est bien dommage c’est l’absence de livret, de paroles, de photos, de commentaires, de titres bonus... Rien, aucune valeur ajoutée si ce n’est quelques lignes dispensées par Olivier Badin et un remastering devenu incontournable afin d’apporter un peu plus de coffre à cet album vieux de vingt-trois ans. La question que je me pose est pourquoi ne pas avoir profité de cette réédition pour y inclure une ou deux démos, quelques interviews ou même des photos d’époque? Bref, ce qui est fait est fait (ou plutôt pas fait) mais cette réédition d’
Abject Offerings aurait certainement mérité d’être mieux détaillée, d’autant qu’il s’agit de la première réédition de cet album depuis sa sortie en 1992. Malgré ce premier constat assez négatif, n’allez pas croire que je crache dans la soupe car je suis tout de même bien content de pouvoir enfin mettre mes mains sur ce premier album des Mulhousiens.
Formé en 1987, le groupe officie durant ses premières années sous le patronyme de Merciless. Néanmoins les Français décident quatre ans plus tard de remplacer le "i" par un "y" afin d’éviter tout quiproquo avec le groupe suédois du même nom. Si vous vous posiez ainsi la question du pourquoi de cette fameuse faute d’orthographe sans jamais avoir osé la poser, et bien voilà "problem solved". Aussi, après avoir sorti trois démos, le groupe se décide enfin à passer à l’étape supérieure en enregistrant courant 1991 son premier album. Comme tous ses compatriotes de l’époque, Mercyless souhaite se donner les moyens de réussir. Pour cela il fera appel aux services du producteur anglais Colin Richardson (Bolt Thrower, Carcass, Napalm Death...) afin de donner à
Abject Offerings la visibilité qu’il mérite et un son digne de ce nom. Un pari plus ou moins réussi puisque cela offrira tout de même l’opportunité à Mercyless de signer plus tard sur Century Media pour la sortie de
Coloured Funeral sans pour autant lui apporter le succès ou la visibilité qu’il aurait mérité. D’autant que le groupe devra faire face à un imprévu de taille suite à la cessation d’activité du label français Jungle Hop. Heureusement, Mercyless sera pris en charge par World In Flames (sous-division du label Vinyl Solution) et Restless Records qui sortiront
Abject Offerings avec tout de même plusieurs mois de retard en juin 1992.
Présentés depuis toujours comme deux titres bien distincts, la courte introduction que constitue "Nyarlathotep (Intro)" se voit désormais greffée au morceau qui a donné son nom à l’album (et cela malgré ce qu’annonce le tracklisting de cette réédition). Un petit détail sans importance qui porte à huit le nombre de titres de cet album contre neuf sur la version originale. Pour le reste,
Abject Offerings est l’un de ces disques qui au même titres que
Disincarnate de Loublast ou
Enjoy The Violence de Massacra, prouvent que la scène française du début des années 90 était l’une des plus réjouissantes et n’avait en aucun cas à rougir face à la concurrence, qu’elle soit suédoise, américaine, anglaise et même allemande. Si l’Histoire ne retiendra pourtant qu’une majeure partie de ces groupes étrangers, cela ne doit pas pour autant faire oublier que ces quelques groupes français ont sortis des albums incroyables qui ne doivent pas (plus) être ignorés.
Pour autant, on ne peut pas dire que Mercyless ait inventé quoi que ce soit. En fait, celui qui a débuté sa carrière comme un groupe de Thrash puise à l’aube des années 90 ses influences chez trois groupes déjà bien connus des amateurs du genre : Morbid Angel, Obituary et Pestilence. La patte du premier se ressent essentiellement au niveau du riffing incisif et impétueux et de l’atmosphère blasphématoire alors que celles d’Obituary et de Pestilence concernent surtout le chant de Max Otero et ses intonations rappelant les voix éraillées, rugueuses et si particulières de John Tardy et Martin Van Drunen. Mercyless partage néanmoins avec Pestilence un autre point commun à savoir cet attrait pour les solos d’une netteté et d’une maitrise sans faille. Un sens aigu de la mélodie qui confère parfois à
Abject Offerings un côté cosmique que l’on peut également retrouver dans la musique des Hollandais et ses artworks signés Dan Seagrave (
Testimony Of The Ancients et
Spheres).
De ses origines Thrash, Mercyless a ainsi conservé ce sens de l’attaque frontale via une rythmique franche et appuyée que ce soit grâce à quelques séquences de tchouka-tchouka toujours aussi redoutables d’efficacité (comme par exemple sur "Unformed Tumours") mais aussi et surtout grâce à ces nombreux passages à base de blasts véloces. Une réelle dynamique qui confère à
Abject Offerings un niveau d’intensité particulièrement réjouissant, surtout pour l’époque.
Bien loin d’avoir une vision étriquée sur ce que doit être le Death Metal, Mercyless n’hésite pas à rompre avec cette dynamique pour proposer des passages également plus modérés. Cela se fait généralement à l’occasion d’introductions ou de breaks salvateurs grâce à des mid-tempo franchement rafraichissants qui donnent lieu notamment à l’exécution de ces fameux solos évoqués un peu plus haut. A l’image de Loudblast, le groupe use également ici et là de quelques nappes synthétiques afin de renforcer l’atmosphère sans pour autant l’encombrer. Une discrétion bienvenue qui permet à ces séquences, vingt-trois ans plus tard, de ne pas paraître obsolète.
Enfin, la force de Mercyless réside surtout dans sa capacité à composer des titres d’une extrême efficacité qui même après un quart de siècle ne semblent pas avoir pris une seule ride. C’est probablement l’un des signes qui permet le mieux de repérer un bon disque et à ce petit jeu-là le groupe originaire de Mulhouse s’en tire haut la main tant
Abject Offerings continue aujourd’hui de botter des culs en bonne et due forme. Tout y est savamment dosé : les riffs sont d’une rare efficacité ("A Message For All Those Who Died", "Flesh Divine", "Uformed Tumours", "Burned At The Stake"...) à la fois vicieux et résolument "evil", les solos brillent par leur lisibilité et surtout les émotions qu’ils transmettent, tout est parfaitement équilibré entre séquences punitives menées d’une main de fer et passages plus modérés venues apporter du relief et enfin la voix de Max Otero qui sans être la plus originale qui soit, apporte malgré tout beaucoup de charme à la musique de Mercyless grâce à ce timbre rugueux si atypique.
Un poil au-dessus d’un Agressor, d’un No Return ou même d’un Crusher, Mercyless constitue avec Loudblast et Massacra ce que la France a clairement fait de mieux en matière de Death Metal au début des années 90, chacun dans des styles pourtant légèrement différents (plus technique et alambiqué pour Loudblast, plus Thrashy pour Massacra). Ainsi
Abject Offerings est encore aujourd’hui le reflet d’une autre époque, celle où le Death Metal était encore en pleine construction avec une scène française à peine en retard de quelques mois et surtout déjà capable de rivaliser avec les plus grands noms du genre. Pourquoi ces groupes n’ont-ils pas eu le succès qu’ils auraient mérité d’avoir dans leur propre pays? Difficile à expliquer même encore aujourd’hui. Quoi qu’il en soit, ce premier album de Mercyless constitue l’un des quelques incontournables que tout amateur de Death Metal se doit de posséder dans sa propre discothèque. Déjà parce qu’en tant que groupe français pionner du genre,
Abject Offerings offre un regard sur la scène hexagonale du début des années 90, ensuite par qu’il est tout simplement un disque solide et particulièrement addictif avec en sus un goût de reviens-y. Malgré les quelques faiblesses de cette réédition, il serait donc bien dommage de passer à côté de celle-ci.
Par gulo gulo
Par AxGxB
Par Jean-Clint
Par Raziel
Par Sosthène
Par Keyser
Par Keyser
Par Lestat
Par Lestat
Par Sosthène
Par Sosthène
Par MoM
Par Jean-Clint
Par Sosthène
Par AxGxB
Par Deathrash
Par Sikoo