Pour une fois qu’une fiche promotionnelle tape juste, on m’excusera d’en user pour cette chronique. C’est que, comme dit dans le texte accompagnant le téléchargement de ce nouvel album de Kylesa, « varié », « coloré » ou encore « pleinement réalisé » sont des termes qui vont bien à
Exhausting Fire. En toute simplicité, la troupe de Savannah confirme et affine la direction prise depuis
Spiral Shadow, montrant – comme le pressentait Thomas Johansson à l’époque de la sortie de
Ultraviolet – qu’il n’était qu’une question de temps avant que Laura Pleasants et Phillip Cope, les deux maîtres à penser de la formation, donnent un résultat définitif de leur nouvelle formule.
C’est désormais chose faite,
Exhausting Fire s’inscrivant aisément comme le disque le plus abouti de ces anciens punks ayant viré leur cuti. Tour à tour new wave, rock, psychédélique, post-hardcore, grunge ou encore shoegaze (un véritable tour des mouvements ayant marqué les musiques indépendantes), ce septième album ne donne pas comme autrefois la sensation d’offrir un échantillon instantané d’une lubie momentanée mais bien d’avoir chaque style présent dans son ADN, le plaisir comme liant. Sûr, Kylesa a déjà montré son talent de séductrice passant des rues américaines aux salons nobles, tout en conservant ses manières sauvages, candides et pourtant gracieuses. Mais là où elle pouvait laisser parfois l’impression de trop vouloir bien faire, elle s’inscrit désormais comme experte, assurée car consciente de ses charmes (« Aucun groupe ne sonne comme nous et nous ne sonnons comme aucun groupe » dit Laura Pleasants et même si cela peut sembler hautain de sa part, je n’y trouve rien à critiquer).
Kylesa subjugue sur
Exhausting Fire, facilement, avec une allure de ne pas y toucher rafraichissante. Un air modeste, à l’image d’une pochette sobre mais intrigante (m’évoquant aussi bien SubRosa que le
Seasons in the Size of Days d’Integrity), qui cache pourtant quelques ambitions à l’image de « Blood Moon » et ses relents épiques proches d’Occultation. Une formation parmi tant d’autre que l’amateur pourra s’amuser à deviner ici ou là, du traditionnel Pink Floyd en passant par Neurosis, Quicksand ou Siouxsie and the Banshees (la voix de Laura, une nouvelle fois délectable sur disque – quel dommage qu’il n’en est pas de même sur les planches…). Mais ce hobby d’esthète, pris seul, ferait passer à côté de ce qui fait le prix de ce disque : son ambiance particulière qui, au-delà de tubes à écouter en boucle (« Moving Day » ou encore « Falling », morceaux parfaits en eux-mêmes), emmène ces quarante minutes ailleurs qu’un délice court où trouver à jouir.
« Feu fatigant » porte en effet bien son nom, possédant une atmosphère californienne qui paraît épuiser Kylesa, donnant à ses compositions des allures de fin de journée caniculaire, où le décor se brouille et les pieds frottent les pavés amenant vers la maison, dans une fatigue à la fois lascive et lasse. Si j’ai pu regretter que
Spiral Shadow et
Ultraviolet ne soient pas plus mémor(is)ables, une composition comme « Night Drive » m’envoute durablement, avec son chant appelant le sommeil et sa réverbération moelleuse laissant place à un nouvel élan psychédélique, montrant qu’il va falloir rester éveillé encore un moment. Charmeur autant que vénéneux,
Exhausting Fire est un disque marqué par le soleil, à la peau et au cœur, et qui pourtant n’en peut plus de lui.
Loin de tout artifice,
Exhausting Fire me fait admirer de nouveau Kylesa, me donnant une nouvelle fois ce sentiment de fan se faisant tout petit, mains moites et bouche pâteuse, devant l’éloquence de Phillip Cope (qui offre sa meilleure prestation vocale ici, tenant fièrement tête aux envolées de Laura Pleasants) lors de ma rencontre avec lui en 2010. « Le but est d’aller de l’avant » me disait-il à l’époque et c’est bien ce que fait ce nouvel essai, marquant en tout point une évolution touchant de près une synthèse totale des différentes influences des Ricains. Si les deux morceaux concluant l’ensemble font un peu tâche avec quelques lignes de chant grossières, le reste s’avère si prenant qu’il rend indispensable son écoute. Dans une excellente année 2015 qui pousse à faire le tri de façon autoritaire pour séparer le bon du meilleur, réussir à convaincre malgré une fin en demi-teinte n’est pas donné à tout le monde. Mais Kylesa n’est définitivement pas tout le monde.
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