9 ans... Presque 9 ans que Novembre n'avait pas sorti un album. Le temps passe et quand on y réfléchit un peu, ça représente une éternité. Pas marié, pas de gosse, encore dans mon ancienne ville, dans mon ancien boulot... Il s'est passé tellement de choses pour moi depuis
"The Blue" sans que ça me paraisse si loin paradoxalement ; je me rappelle d'ailleurs très bien tenir l'objet entre mes mains en 2007 dans un de ces magasins rétros qu'on appelaient disquaires. Et pour le groupe alors ? Qu'est-ce qui a bien pu arriver à Carmelo pour mettre de côté son oeuvre pendant tant d'années ? J'espère pouvoir vous apporter ces réponses prochainement. Ce huitième opus se sera fait attendre donc et c'est amputé de son emblématique batteur, membre fondateur et frangin Giuseppe Orlando qu'il voit le jour, ce dernier ayant préféré offrir ses talents à cette formation bien médiocre qu'est devenue The Foreshadowing. Une étape sans doute pas évidente à négocier pour l'ami Carmelo qu'il a décidé de combattre en sortant une de ses meilleurs réalisations. Rien que ça.
"URSA" est l'acronyme de "Union des Républiques Socialistes Animales", titre initialement choisi pour la traduction française du livre "Animal Farm" de George Orwell. Un choix étonnant pour un album de Novembre qui s'était jusqu'à présent *limité* à dépeindre la tristesse sous toutes ses formes. Des dires de Carmelo, ce retour marque une nouvelle étape dans sa vie et dans son écriture, tournant désormais son regard vers l'extérieur et l'impact de l'homme sur Terre. Rien de réellement surprenant toutefois que ces sujets déteignent sur sa musique tant le monsieur semble sensible au sort du monde et des peuples à travers les réactions et interviews que j'ai pu lire de lui. Une dimension supplémentaire qui ne devrait pas être dénuée d'intérêt une fois les paroles entre les mains.
Pour le reste, soyez sans crainte, Novembre n'a jamais autant été lui-même. Vous avez peut-être été surpris de la corrélation entre mes propos en introduction et la note certes bonne mais pas excellente. L'explication est toute simple : si la musique du groupe a évolué de manière naturelle au fil des ans, "Ursa" marque une pause et s'apparente plus à un résumé de carrière qu'à une suite. Etonnant tant
"Materia" et
"The Blue" avaient apporté leur lot de surprises, et un peu décevant aussi. Pas de réelle prise de risque donc, peu d'expérimentations (juste un peu de saxo et de chant féminin), Carmelo est même allé puiser son inspiration dans ses vieilles années : on retrouve à l'écoute de ces 10 pièces ce feeling death et mélodique qui faisait la puissance de leur période 1994-2000, de l'approximatif
"Wish I Could Dream It Again..." (dont on retrouve un clin d'oeil sur "Agathae") au superbe
"Classica". Electriques ou acoustiques, les guitares demeurent ainsi le socle de leur style, s'illustrant à chaque instant par des leads ou arpèges immédiatement reconnaissables. Elles sont évidemment accompagnées par les chants de Carmelo qui s'équilibrent tout au long de l'album : si son chant clair a un peu perdu de sa saveur comparé à
"The Blue", ses growls se révèlent d'une rare efficacité, favorisés par un contexte propice aux vociférations. Quant au jeu de batterie de David Folchitto, moins subtil et précis que celui de Giuseppe, il colle finalement assez bien à ce retour aux sources, plus à même de faire ressortir le côté brut des compositions.
Que Novembre se contente de faire du Novembre, est-ce réellement un problème ? Au bout de 9 ans, pas vraiment d'autant plus qu'il est bien le seul à savoir le faire. Souvent comparés à Opeth, les Italiens n'ont pourtant jamais réellement singés les Suédois, développant une atmosphère personnelle emprunte de mélancolie et de rage, un sentiment unique et torturé à la fois inquiétant et réconfortant. Jamais polluée par les dérives de la technologie, leur musique est toujours restée très organique, aussi bien dans sa conception, dans son instrumentation ou dans sa production et "Ursa" ne fera pas office d'exception. Le combo n'use d'aucun artifice et ne séduit que par la sincérité de son écriture, déballant ses tripes à travers une floppée de riffs aux mélodies simples et gracieuses distillées par des guitares et un chant tantôt vindicatifs, tantôt enchanteurs. Cette sincérité justement, peu de formations avec autant de bouteille peuvent prétendre avoir su la conserver intacte. En effet, une des grandes forces de Novembre réside dans l'acceptation de ses imperfections : plutôt que de les gommer, il en a fait une signature si bien que ce huitième album semble être encore animé par la flamme d'un tout premier. Un mixage imparfait, des transitions parfois abruptes, un chant clair toujours nasillard et linéaire... Tout ceci fait partie du package et il aurait été dommage qu'il en soit autrement. Il n'y a qu'à écouter le titre éponyme et son break sorti de nulle part à 3'05, le fantastique "Annoluce" gratifié d'un solo d'Anders Nyström (s'il vous plait), l'intro enchanteresse "Australis" ou encore l'instrumentale décousue "Agathae" pour s'en persuader.
Pas aussi émotionnellement riche que la référence
"Novembrine Waltz" pour moi, "Ursa" n'en demeure pas moins un superbe retour et une des plus belles pièces de leur discographie. Juste handicapé par son manque d'ambition, ce nouvel album propose un condensé de savoir-faire dont on ne saurait rester insensible, 10 morceaux de grande qualité composés avec passion dans un style fidèle à tout ce que Novembre a pu engendrer de beau durant ses 2 dernières décénnies. Il n'y plus qu'à espérer maintenant que l'on soit à l'aube d'une nouvelle ère de productivité pour le groupe ; ça m'ennuierait d'attendre mes 40 ans pour entendre la suite...
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