Lorsqu’en 2008 les Polonais de Cultes Des Ghoules sortaient leur tout premier album, ces derniers avaient déjà derrière eux une tripotée de sorties dignes d’intérêt. Formé en 2004, le groupe qui réunissait à l’époque quelques membres de Bestial Raids autour d’un Mark Of The Devil déjà particulièrement charismatique a enchainé les sorties proposant ainsi trois démos (
Rehearsal Tape,
Angel Of Poison And Death,
Treading The Darker Paths) et un EP (
Odd Spirituality) en l’espace de seulement trois ans.
Une productivité à l’épreuve de ces aléas que peuvent rencontrer n’importe quel autre groupe puisque Cultes Des Ghoules devra faire face à quelques problèmes de line-up avec les départs de De Retz et Devil's Kin partis formés Doombringer. Malgré ces petits soucis bien vite réglés, les Polonais sortiront en 2008 leur premier album intitulé
Häxan via Under The Sign Of Garazel Productions. Le début d’une longue et fructueuse collaboration aujourd’hui toujours d’actualité puisque le groupe s’apprête à sortir son troisième album, l’imposant
Coven, Or Evil Ways Instead Of Love et ses quatre-vingt-dix-sept minutes...
Mais avant de se plonger dans cet album fleuve qui risque de me donner un peu de fil à retordre, revenons sur les cinquante-cinq minutes bien plus "modestes" de ce premier essai. Celui-ci s’inspire très largement (jusqu’à l’artwork) d’un film suédois de 1922 réalisé par Benjamin Christensen. Également intitulé Häxan (un mot suédois qui signifie "sorcière"), ce long métrage a pour sujet la sorcellerie à travers les âges. Un thème cher à Cultes Des Ghoules puisqu’il reste encore à ce jour son principal sujet de prédilection.
Sorti cinq ans avant
Henbane, ce premier album posait déjà très solidement les fondations du Cultes Des Ghoules présenté précédemment en ces pages. Pour être honnête, il y a même très (très) peu de différences entre ces deux albums si ce n’est peut-être la production plus dépouillée du premier. Pour le reste, on trouve déjà tous les éléments qui caractérisent le groupe polonais à commencer par la voix incroyablement vicieuse de Mark Of The Devil. Pas loin d’être l’élément central du Black Metal de Cultes Des Ghoules, il porte à lui seul une très grande partie de l’atmosphère habitée et maladive véhiculée à travers ces cinq titres. Ses cris, ses râles, ses rires fous, son côté halluciné et complètement possédé font une fois de plus de sa prestation un moment absolument remarquable. On sent dans la voix du personnage une dévotion totale ainsi qu’une certaine fragilité psychologique non pas touchante mais d’un noir absolu et menaçant (sensation d’ailleurs soulignée par ces quelques samples dont celui absolument effrayant d’une Isabelle Adjani littéralement habitée dans le Possession d’Andrzej Żuławski - "The Impure Wedding"). De quoi vous glacer le sang...
Naturellement indissociable de la musique de Cultes Des Ghoules, cette voix si particulière n’est pourtant pas le seul élément marquant. On retrouve donc dès
Häxan cette production faussement bancale et surtout particulièrement abrasive. Un côté très cru (plus que sur
Henbane) qui confère au Black Metal des Polonais une aura toute particulière, à la fois cryptique et ritualiste. Cette production rachitique, presque famélique, met en lumière des compositions complexes qui n’ont rien de catchy. Au contraire, Cultes Des Ghoules est plutôt du genre à fermer les portes derrière lui plutôt qu’à laisser n’importe qui pénétrer son univers. Pour se faire, rien de plus simple, il suffit pour cela de quelques titres flirtant au-delà des dix minutes (trois dans le cas présent), d’une production arrachée rappelant ces démos enregistrées dans d’obscures caves et surtout de constructions surréalistes où s’enchaînent tout un flot de séquences qui semblent ne pas avoir de lien particulier entre elles. Difficile en effet de s’accrocher à quoi que ce soit avec ce genre de compositions à tiroirs sans véritables riffs fédérateurs. Et c’est peut-être ici la seule chose qui me fait préférer
Henbane que je trouve plus marquant sur la longueur justement grâce à quelques riffs plus entêtants (à l’image de celui de "Vintage Black Magic"). Les plans s’enchaînent ainsi sans crier gare, passant de passages soutenus à base de blasts à de longues tirades mid-tempo bien plus sournoises et vicieuses avec par exemple entre les deux le sample d’un bébé qui pleure ("Baptised By Barron").
Il n’y a donc jamais rien eu de facile ni de gratuit dans le Black Metal de Cultes Des Ghoules. Ici, tout se mérite au prix d’une lutte acharnée et systématique qui vous fera très vite vous sentir faible et pris au piège d’une véritable tourmente. Il vous faudra alors aller chercher et gratter l’essence même de ce Black Metal pour espérer en saisir les moindres petits détails. Contraignante, hermétique, vicieuse et obscure, la musique des Polonais n’a rien d’une partie de plaisir et se subit autant qu’elle peut s’apprécier. Cultes Des Ghoules ou le Black Metal des fous.
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