Revenir sur les débuts d'un groupe relativement ancien est toujours intéressant. Pour prendre conscience du chemin parcouru comme des changements accomplis, pour se remémorer la gloire d'antan pour ceux qui se seraient perdus en cours de route... Les motifs sont multiples. Et ce qui m'a amené à ressortir des tréfonds de mon étagère ce premier essai de Sublime Cadaveric Decomposition, c'est la sortie toute récente de leur dernier disque,
"Raping Angels in Hell", chez Animate Records. Dernière fournée qui reprend la notice du très bon et surprenant
"Inventory of Fixtures" (2007). Keyser vous l'avait expliqué : le changement d'orientation musicale et conceptuelle de SCD était total. Le ton toujours énervé, mais bien moins sale que l'album qui nous intéresse aujourd'hui.
Premier
full-length d'un groupe français malheureusement trop sous-estimé, à la fois malgré son talent et son ancienneté (20 ans au compteur), cet éponyme d'à peine plus d'une demie-heure était, et est toujours, un véritable
"Putrefaction in Progress" bien avant l'heure. Ne nous encombrons d'aucune parole, d'aucun titre, abandonnons le groove un peu débile de nos splits précédents (avec Infected Pussy
(sic) et Rot) et plongeons la tête la première dans l'excès.
Sauf qu'à l'inverse du chant du cygne de Last Days of Humanity, qui cherchait juste à être le plus gratuit possible, ce premier full-length de Sublime Cadaveric Decomposition possède ce dont 95% des sorties cataloguées "Goregrind" manquent cruellement : une véritable atmosphère, de celles qui poissent et collent à la peau même une fois le disque rangé dans son boîtier. L'objet transporte directement au charnier : pochette immonde et réellement dérangeante (ne se contentant pas d'un collage porno obscène ou de photographies d'accidentés), livret en forme de scrapbook anatomique, teintes verdâtres et cadavéreuses... L'auditeur est à deux doigts de sortir la pommade camphrée pour s'en appliquer sous les narines.
Les choses empirent dès que retentissent les premières notes - sous réserve que l'on puisse comprendre quelque chose au carnage véhiculé à nos tympans. Aucune tracklist, aucun titre, impossible d'isoler une partie plutôt qu'une autre,
"Sublime Cadaveric Decomposition" est un ensemble homogène, un amas de viscères tièdes dans lequel ton visage est fermement maintenu, jusqu'à l'asphyxie. Un exemple de Goregrind qui donne réellement la nausée, scabreux, presque obscur : la présence au line-up de Bruno "Set" (Antaeus) à la guitare et Yov "Storm" (Arkhon Infaustus) n'y est probablement pas étrangère. Ambiance renforcée par une production volontairement brouillonne mais loin d'être inaudible, à grands renforts de cordes grasses répandant leurs riffs en murs ou en teintes plus inquiétantes comme un suicidé par
Hara-Kiri déroule le tapis rouge. La batterie patauge dans les flaques croupies, ressort péniblement de l'ensemble, peine à faire bonne figure malgré l'indéniable endurance et la vélocité du frappeur, qui ponctue le défilé de blast-beats par des frappes sur ses toms, son grave et organique qui épaissit un peu plus l'adipocire. Seb, indéboulonnable vocaliste de la formation, abandonne le chant pour travailler ses imitations porcines : chuintements, raclements de gorge,
squeals, tout y passe. Si, isolées, les piste vocales confinent au ridicule ( ce qui a pu se vérifier sur
"Inventory of Fixtures"), elles prennent tout leur sens au sein de la bouillie infâme proposée sur ce premier opus, à considérer comme les partitions d'un instrument à part entière - SCD assumait, de toutes façons, son absence totale de paroles. Trente minutes passées en apnée, à subir les images écoeurantes esquissées par ce Goregrind furieux : l'expérience ne laisse pas indemne. Elle marque. Pour preuve : cet album souffle sa seizième bougie cette année, et on en parle encore aujourd'hui !
D'aucuns qualifient de façon condescendante le Goregrind comme un
"sous-genre", et on ne peut malheureusement pas leur jeter la pierre : les labels spécialisés, d'hier comme d'aujourd'hui, semblant plus enclin à signer la pochette la plus excessive possible que le vrai talent. Fut une époque, Myspace pullulait de pages de groupes débiles alignant péniblement deux notes sur une boîte à rythme débridée et parvenant quand même à signer un contrat - je vous invite à vous pencher sur le pitoyable
S.M.E.S., projet d'Erwin de Groot (ex-LDOH), pour rigoler un bon coup. Fort heureusement, il existe des formations qui redorent un peu le blason du style, soit en gardant le côté stupide mais en sachant balancer la sauce (Jig-Ai, en tête de file), soit en misant tout sur l'ambiance putride. Aucun doute possible, le Sublime Cadaveric Decomposition de 2001 a écouté jusqu'à la nausée la doublette
"Reek of Putrefaction"/
"Symphonies of Sickness", s'est totalement approprié cet univers, occultant la composante chirurgicale pour se concentrer sur les abats et l'odeur de putréfaction qui en émanaient, en accélérant de façon drastique le tempo général. Flambeau transmis, flamme intacte, maintenue à l'époque bien vive par des groupes plus ou moins obscurs (mais pas moins importants) tels que Dead Infection, Lymphatic Phlegm ou Regurgitate... Jusqu'à aujourd'hui, ou, si on se donne la peine de creuser un peu, l'on peut trouver des albums assez uniques, héritiers du Goregrind sombre de SCD -
"Human", de Gored, étant peut-être le plus notable.
"Sublime Cadaveric Decomposition", s'il est à déconseiller aux âmes sensibles, saura surprendre les amateurs de sensations fortes, aussi bien par ses trente minutes bien rances que par sa valeur
"historique". Et, si d'aventure, vous en veniez à écouter et apprécier la teneur
Crust et engagée politiquement de leurs sorties les plus récentes, n'oubliez pas que ces gentils garçons étaient, il n'y a encore pas si longtemps, plus ouverts à la violence gratuite et aux déviances les plus inavouables.
Par gulo gulo
Par AxGxB
Par Jean-Clint
Par Raziel
Par Sosthène
Par Keyser
Par Keyser
Par Lestat
Par Lestat
Par Sosthène
Par Sosthène
Par MoM
Par Jean-Clint
Par Sosthène
Par AxGxB
Par Deathrash
Par Sikoo